Ile Maurice: «Protection Orders» - Quand les victimes sont des hommes

Avec les «Protection Orders» que la justice accorde souvent aux conjoints qui en font la demande, les ennuis peuvent commencer pour le conjoint visé. Dans un jugement rendu le 20 juillet, les juges Aruna Devi Narain et Carol Green-Jokhoo viennent d'appliquer un frein aux abus ; leur décision fera jurisprudence.

Les lois pour la protection contre la violence domestique ne doivent pas être utilisées uniquement pour faire expulser l'autre conjoint de la résidence et cela «irrespective of whether he or she is the owner or co-owner of the said premises, and granting to the purported victim the exclusive right to live in their residence». C'est ce qu'ont décidé les juges.

Aruna Devi Narain et Carol Green-Jokhoo, le 20 juillet, dans l'affaire RVS contre VS, un couple en instance de divorce. Les juges soulignent aussi qu'un «occupation order» est la mesure la plus extrême à envisager. Aruna Devi Narain et Carol Green-Jokhoo ont profité de l'occasion pour conseiller aux avocats et avoués de veiller à ce que le mécanisme de protection contre la violence domestique ne soit pas utilisé par un conjoint pour faire expulser l'autre lorsqu'il n'y a manifestement pas de violence. De telles manipulations de la loi, disent-elles, ne peuvent qu'être contreproductives et rendre difficile l'obtention d'une ordonnance d'occupation exclusive pour les véritables victimes de violence domestique.

Les juges ont ainsi donné raison à l'avocate Shadmeenee Mootien et à l'avoué Pazany Thandarayan, qui représentaient VS, le mari visé par l'ordre d'expulsion. C'est une décision qui fera jurisprudence.

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Halte aux atermoiements procéduriers

Les deux juges ont saisi l'opportunité pour rappeler une autre règle qui s'applique pour toutes les affaires civiles, mais surtout celles concernant la protection contre la violence domestique. Dans le cas en question, le Senior Attorney M. Mardemootoo avait interjeté appel contre le rejet de la demande de protection venant de sa cliente par la cour de district à la Cour suprême au lieu d'un juge en chambre. Cela avait en outre causé le nom des époux d'être rendu public alors que dans telles affaires, il doit rester confidentiel. De plus, bien que cet avoué ait reconnu son erreur, il a tenté de rejeter le blâme sur le Registry de la Cour suprême. Bref, malgré tous ces manquements, les juges ont «laissé passer» en déclarant qu'«excessive insistence on proceduralism does not serve the interests of justice».

Pratiques courantes...

Nous avons demandé à un avocat s'il est vrai qu'il y a parfois des abus dans l'utilisation de la loi sur la protection contre les violences domestiques, que ce soit par le mari ou la femme, pour tenter de déloger l'autre conjoint du toit conjugal. Il nous répond en riant : «Bien sûr que oui. Moi-même, j'en ai déjà fait usage pour exercer des pressions sur l'autre conjoint.

C'est une arme redoutable.» Il reconnaît cependant que lui et son client ont dû en faire les frais lorsque la demande venait de l'autre partie. «Mon client a non seulement dû faire face à une éviction de sa maison que lui ont pourtant léguée ses parents, mais il a passé plusieurs nuits en tôle pour violation alléguée de protection sous la Protection from Domestic Violence Act.

Ce n'est pas fini, il a eu plusieurs problèmes dans son travail où il est un haut cadre.» Il nous informe qu'il y a plusieurs de ces cas où des médecins et même des policiers ont été arrêtés après une allégation sous cette loi. «La police ne peut rien faire. La loi prescrit l'arrestation sur-le-champ. Je connais un cas où le conjoint bénéficiant d'une protection sous cette loi a menacé son conjoint de déposer plainte contre ce dernier s'il ne quittait pas la maison.»

Cependant, l'homme de loi avoue que les juges Narain et Green-Jokhoo ont bien fait de lancer ces mises en garde : «Vous savez, ces juges ne font pas qu'appliquer la loi. Elles savent bien ce qui se trame entre certains hommes de loi et leurs clients qui montent parfois de véritables complots 'légaux' contre l'autre conjoint. Elles ont ainsi voulu mettre un frein à ces abus.»

Couteau sous la gorge

Une «victime» de cette loi nous raconte comment il a tellement souffert de cette loi qu'il envisageait de se suicider. «Je ne pouvais plus voir mes enfants. Ma famille a volé en éclats.» Il dénonce le rôle joué par l'avocat de sa femme qui a incité cette dernière à déposer plainte sous cette loi contre son mari. «C'est ma femme elle-même qui me l'avait avoué lors d'une brève accalmie.

Elle m'a raconté que bien qu'elle ait dit à l'avocat que je ne l'ai jamais battue, l'homme de loi lui a dit qu'il fallait déposer cette plainte 'pou met kouto anba so lagorz ek fer li tir cash'.» Une autre nous explique qu'il a déboursé de si grosses sommes en termes d'honoraires aux avocats pour le défendre et qu'il a passé tellement de nuits en cellule policière, qu'il a préféré laisser la maison à sa femme. «J'ai subi tout cela juste parce que ma femme voulait accueillir son amant dans la maison.»

Un jeune informaticien perd son emploi

Ces affaires de Protection Orders ont coûté son emploi à un jeune informaticien. En 2019, il était en instance de divorce quand son épouse a réclamé un ordre de protection contre lui. Le jeune homme avait déjà contracté un emprunt auprès de la banque pour la construction de sa maison, qu'il avait entreprise bien avant leur union. «Après notre mariage, nous avons continué à entreprendre des travaux dans la maison. Mais quand ma femme a voulu divorcer, elle ne voulait plus que j'habite sous le même toit qu'elle, en attendant que le divorce soit prononcé», dit-il.

Le jeune homme explique que son ex-épouse a utilisé tous les moyens pour lui faire avoir des problèmes, allant jusqu'à même parler à son directeur pour lui faire croire qu'il était une personne violente et abusait de sa femme. «Finalement, après plusieurs problèmes, mon contrat n'a pas été renouvelé. La compagnie a utilisé le prétexte de Covid pour justifier mon licenciement mais je sais bien quelles sont les véritables raisons. C'est vraiment un abus», dit le jeune homme, qui a dû concilier une séparation, une perte d'emploi et des dettes à payer.

Darmen Appadoo, de SOS Papa : «un grand bravo à ces juges»

«Les affaires matrimoniales sont devenues un business florissant pour certains légistes.» Darmen Appadoo, le fondateur de SOS Papa, ONG qui milite pour les droits égaux des pères, accueille favorablement ce jugement de la Cour suprême. «Un grand bravo à ces deux juges qui ont trouvé qu'il y a des abus sous la Domestic Violence Act.

Ces affaires sont devenues un business lucratif pour certains hommes de loi. Les affidavits sont stéréotypés et se ressemblent tous. Quid de ce qui se passe vraiment ?» se demande Darmen Appadoo. Il déplore que les lois contre la violence domestique et la famille protègent uniquement les femmes et jamais les hommes. «Je connais des hommes qui ont tout perdu à cause des fausses accusations. Mais, dans tout cela, quelle sanction sera prise contre ces avocats et les soi-disant victimes de violence domestique ? La cour devrait aussi prendre une décision à ce niveau.»

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