Niger: Au lendemain du coup d'État, la classe politique est dans l'expectative

Les putschistes du Niger, qui ont annoncé mercredi soir avoir renversé le président Bazoum, ont reçu un soutien important, ce jeudi 27 juillet. Un communiqué du commandement des forces armées est allé dans leur sens, dans le but d'éviter « une confrontation meurtrière ». Alors que des manifestations de soutien au coup d'État se sont organisées, la classe politique, en revanche, ne se fait pas beaucoup entendre.

Les choses se sont accélérées, au Niger. Les opérations humanitaires de l'ONU sont désormais « suspendues » dans le pays, alors que la vie semble avoir repris son cours habituel à Niamey, la capitale. Banques et magasins sont ouverts, la circulation est normale.

Dans la matinée, ce jeudi, le chef d'état-major général des armées, le général Abdou Sidikou Issa, a annoncé via un communiqué sur le compte des forces armées du Niger, sur le réseau social X, anciennement Twitter, qu'il soutiendrait le mouvement.

La situation semble décantée depuis lors. Après l'image des dix hauts gradés en provenance de tous les corps des forces de défense et de sécurité, armée, garde présidentielle, forces spéciales, gendarmerie, police et même les pompiers, annonçant le coup d'État mercredi soir, c'est un signal fort d'unité autour des putschistes qui a ainsi été envoyé par le chef des armées.

Difficile, en revanche, de joindre la classe politique nigérienne depuis mercredi. Beaucoup refusent de s'exprimer en raison de la suspension des activités des partis politiques annoncée dans un communiqué lu à la télévision nationale.

La tension est forte et l'heure à la prudence, à Niamey. Dans l'après-midi, des manifestants ont saccagé le siège du PNDS, le parti au pouvoir jusqu'ici. Les photos d'agence montrent une importante fumée noire.

Après sa déclaration sur les réseaux sociaux mercredi soir, le ministre des Affaires étrangères, chef de gouvernement par intérim, Hassoumi Massoudou, ne s'est plus exprimé.

Du côté de l'opposition, un communiqué a été publié. Les partis qui s'étaient rangés derrière l'ancien chef de file de l'opposition, Mahamane Ousmane, lors de la dernière élection présidentielle, se sont rassemblés dans une « Union des patriotes nigériens ».

Ces derniers « soutiennent les motivations du CNSP », et « s'engagent à l'accompagner dans sa mission, tant qu'il s'agira de rétablir la souveraineté nationale ». L'opposition semble donc s'être rangée du côté des putschistes.

Des rassemblements sporadiques ont eu lieu dans les rues de Niamey. Des messages de rassemblement d'une « Coalition des forces démocratiques » ont circulé sur les réseaux sociaux. Coalition jusque-là inconnue et dont la composition n'a pas été précisée.

Paris justifie l'atterrissage d'un avion français

Les putschistes mettent un point d'honneur à ne pas subir de pressions extérieures. Le message a même été passé deux fois.

Il l'a d'abord été lors de l'allocution du CNSP, qui demandait « à tous les partenaires extérieurs de ne pas s'ingérer ». Puis, dans son communiqué de ralliement, le chef d'état-major général des armées a prévenu que toute intervention militaire extérieure risquerait d'avoir « des conséquences désastreuses ».

Les yeux de la communauté internationale sont en effet tournés vers Niamey, et d'abord au sein de la sous-région.

D'après une source proche du président Bazoum, une délégation d'officiers nigérians a tenté une médiation dès le début de la crise. Selon plusieurs sites de suivi du trafic aérien, un avion de la Nigerian Air Force a quitté Kaduna mercredi après-midi pour atterrir à Niamey.

Il y a ensuite les partenaires internationaux. La France et les États-Unis disposent de bases militaires au Niger. L'Italie et l'Allemagne assurent aussi des formations en ce domaine. Une présence étrangère qui commençait d'ailleurs à courroucer une partie du commandement nigérien.

Dans le communiqué lu à la télévision nationale, le CNSP accuse la France d'avoir fait atterrir un avion militaire à Niamey, malgré la suspension des vols décrétée la veille.

De source diplomatique, ce jeudi soir, Paris répond qu'il n'y a pas eu de violation de l'espace aérien, car cet avion, qui disposait d'un plan de vol officiel, a décollé de France sans avoir connaissance de la notification publiée plus tard dans la nuit. La France ajoute que cet aéronef français s'est posé à Niamey comme ceux d'autres États aux mêmes heures de la matinée.

Ce jeudi soir, de manière plus officielle, le Quai d'Orsay « condamne fermement le coup de force contre les autorités civiles et démocratiques » du pays, et appelle à la « libération du président Mohamed Bazoum et de sa famille ».

Le dirigeant déchu se trouve toujours dans sa résidence officielle, sous la garde des militaires. Il se porte bien, selon plusieurs sources, mais aucun officiel ne s'est exprimé sur son statut actuel.

« Nous appelons au respect et à la restauration immédiate de l'intégrité des institutions démocratiques du Niger », insiste par ailleurs le ministère français des Affaires étrangères. « Nous apportons notre soutien aux efforts régionaux en vue d'une sortie de crise urgente qui respecte le cadre démocratique nigérien et permette le rétablissement immédiat de l'autorité civile. »

Le président béninois n'est pas à Niamey mais bien à Cotonou

Patrice Talon, mandaté mercredi pour une mission de bons offices auprès des militaires putschistes du Niger, ne s'est toujours pas rendu à Niamey. Il n'a pas quitté Cotonou, depuis son retour d'Abuja, où son voyage avait été décidé. On ignore si sa mission est décalée ou annulée.

Mais l'institution sous-régionale, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest, reste active. Un sommet extraordinaire des chefs d'État de la Cédéao est en préparation. Il pourrait se tenir dimanche 30 juillet à Abuja, a-t-on appris de bonnes sources. On attend la confirmation.

Est-ce l'idée de ce sommet qui a retardé le voyage du président béninois ? Quoi qu'il en soit, des sources rapportent qu'il est en contact permanent avec le président en exercice de l'organisation, son homologue nigérian Bola Tinubu. Les concertations sont élargies à leurs alter-égo togolais, ivoirien, sénégalais, bissau-guinéen, selon nos informations.

Le chef d'état-major de l'armée nigériane, arrivé à Niamey mercredi comme émissaire, s'y trouvait encore en début d'après-midi ce jeudi. Plusieurs sources indiquent qu'il s'est rendu à la résidence où le président Mohamed Bazoum est retenu.

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