Congo-Brazzaville: Média - Mory Touré, voyageur des bouts du monde

On aurait presque envie de ne lui poser aucune question, de le laisser simplement parler, nous enseigner ce qui fait la musique africaine d'aujourd'hui et d'hier. Rencontre avec Mory Touré.

Il est l'homme qu'on ne présente plus, Mory Touré, voyageur express d'un vol A/R Paris-Pointe-Noire- Paris en 72 heures chrono, débarqué à l'aéroport A.A. Néto pour l'avant-première du film « Elya » du réalisateur Michel Agathon, compte plus de huit passeports tatoués de visas de tous pays moins une valise égarée au passage à Addis-Abeba. « J"ai eu peur pour ma caméra et mon matériel d'enregistrement, mais c'est bon, elle a été retrouvée le lendemain », dit Mory Touré. « Une bière, un café ? », je demande. « Je ne bois pas d'alcool, alors un café », répond-il. Le magnéto s'enclenche initialement pour une demi-heure d'interview, ce sera au final pour un début d'après-midi jusqu'au diner « sur le pouce » de la soirée, un échange à bâtons rompus. Culture oblige. L'homme n'est pas qu'une encyclopédie musicale sur l'Afrique, il reste encore en lui ce jeune adolescent vendeur de cassettes audio dont les yeux brillent essentiellement pour la musique. Ah ça, il sait d'où il vient. Mais... Sans savoir toujours où il va car il est avant tout un voyageur infatigable, né de parents griots guinéens, dans la capitale traditionnelle du royaume Baoulé à Sakassou, ivoirien par le droit du sol, malien d'adoption, baroudeur d'Afrique et d'ailleurs, comme si les périples du bout du monde s'étaient écrits au plus jeune âge dans les lignes de ses mains.

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De ce globe-trotter, on pourrait en faire plusieurs livres : livres de rencontres, d'histoires, de voyages. Et il nous faut ici n'en faire qu'un article, conter que quelques anecdotes. Comme celle d'une interview d'Alpha Blondy à la sortie de son album « Human race » (race humaine) : « Tu me vois là sur la photo avec Alpha Blondy, cet éclat de rires entre nous ? C'est la faute de mon accent anglais qui avait transformé Race en Rice, il ne comprenait pas que je lui parle de riz dès ma première question », rigole Mory Touré qui côtoie tous les grands d'Afrique. « Une de mes rencontres les plus marquantes est sans doute celle avec Salif Keita que j'idolatrais dans mon enfance, je me revoyais gamin devant la pochette de son album Mandjou et là, j'étais avec lui, pour de vrai » raconte Mory Touré comme pour témoigner du chemin parcouru, lui qui a arrêté ses études en classe de 3e à la suite du mouvement de contestation estudiantine de février 1990 à l'Université de Yopougon avec, le mois suivant, l'incidence de voir toutes les écoles de Côte d'Ivoire fermées. Pour autant, Mory Touré est un « sachant » de l'école de la vie, bercée des musiques du monde, promenant de festival en festival un bagage qui lui vaut bien mille diplômes.

S'il se devait de se réincarner en artiste, ce serait probablement en Myriam Makeba, c'est ce qu'il dit : « Miriam Makeba, elle, c'est la voix et la fierté du continent africain, l'artiste emblématique du mouvement anti-apartheid. A sa façon, elle représente sur notre continent ce que représente Nina Simone aux Etats-Unis. Il y a aussi une autre artiste qui est chère à mon coeur, c'est cette grande dame qu'est Khadja Nin. Elle, comme on dit, c'est un peu ma seconde maman ». L'un de ses plus émouvants récits de voyage est celui qui le mène par bonheur et in extrémis au chevet de sa mère Ndouba Koita pour un dernier au revoir avant qu'il ne la voit mourir dans ses bras. Mory Touré se confie sans retenue, en toute simplicité, sans regarder l'heure. L'homme est généreux de son temps d'aujourd'hui, défenseur des racines musicales d'hier. Il veille au patrimoine. « Atterrissant à l'aéroport de Mindelo, dans l'île de Säo Vicente au Cap-Vert, j'avais été surpris que l'aéroport porte le nom de Césaria Evora. J'aime cette idée. A quand une avenue des Bantous de la Capitale au Congo ? » questionne gentiment Mory Touré alors que son lendemain matin est déjà fait d'un vol au dessus de l'atlantique pour rejoindre Paris, traverser l'hexagone jusqu'à la Presqu'île de Crozon, dans le Finistère. Là, il interrogera le Festival « Bout du Monde », croisera Tiken Jah Fakoly, Oumou Sangaré, Nana Benz du Togo, Boubacar Traoré, la fanfare Wassoulou du Bénin, d'autres encore, remplira nouvelle fois sa carte mémoire. Bon voyage « monsieur le musicologue » !

Mory Touré en bref : Journaliste, producteur, animateur. Fondateur de Radio Afrika à Abidjan. Correspondant au Mali de RFI « Couleurs tropicales », Membre du jury du Prix Découverte RFI, Correspondant de TV 5 Monde, DW Afrique, VOA Afrique, Radio Nova.

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