Les temps changent et le traditionnel couscous n'y échappe pas. Une Achoura sans ce mets n'est que ruine de l'âme pour bien des Sénégalais. Mais avec l'évolution de la société, il est difficile pour les femmes de concilier boulot et repas de fête. Elles sont obligées de trouver des astuces pour servir du « Thiéré » à tout prix !
La Tamkharite correspond au 10e jour de l'année musulmane. C'est un jour de prières, de jeûne et de festin pour encourager le partage et la solidarité. Elle sera célébrée aujourd'hui par beaucoup de ménages sénégalais. Elle coïncide surtout avec un jour ouvrable pour les femmes qui doivent concilier le travail avec la préparation du couscous. Cette fête revêt donc un cachet particulier pour Fatou Sow. Chaque année, c'est une occasion pour cette mère de famille de régaler les siens. Cette gérante d'une boutique n'hésite pas à fermer boutique le jour-j pour se mettre aux fourneaux. À la veille de cette fête, elle prépare tout à l'avance allant du couscous à l'achat des légumes. « Je fais tout moi-même », assure la trentenaire. Une coutume pour la jeune femme qui « veut tout contrôler » afin de ravir les papilles des siens.
Mme Diouf Aïcha a dû trouver des astuces pour se mettre aux fourneaux tout en gérant ses activités. L'entrepreneure peut compter sur les siens pour s'acquitter de ce devoir. « La plupart du temps, c'est ma belle-soeur, qui se charge de préparer le couscous de mil séché pour moi, et ma mère s'occupe du marché », détaille-t-elle. Cette dernière reconnait que la vie d'une femme mariée et active est loin d'être facile. Jongler entre ses responsabilités professionnelles et sa vie personnelle est un véritable défi. Face à cette réalité, l'entrepreneure explique avoir développé une méthode d'organisation pour gérer toutes ses activités. « Le fait de ne pas vivre chez la belle-famille me permet d'avoir plus de contrôle sur mon foyer et de le gérer plus sereinement », confie-t-elle. L'assistante en ressources humaines dans une entreprise de la place descend plus tôt le jour-j afin de prendre en charge la cuisine et jouer son rôle d'épouse « avec diligence ».
Du « thiéré » prêt à déguster pour contourner la cuisine
« Mâam Mbouraké » est une entreprise qui propose une palette de plats à base de couscous prêts à déguster avec du poulet et de la viande de boeuf accompagnés d'une variété de légumes frais du terroir. « Tous les plats sont préparés avec une grande passion et une bonne dose de générosité qui sont notre identité culinaire », a fait savoir Tabaski Sy, fondatrice de l'entreprise. À quelques jours de la fête, la jeune femme a déjà reçu plus de soixante-dix commandes. Les tarifs sont modulés de 10.000 à 150. 000 FCfa suivant la quantité et la composition de la commande. « Cette pratique à proposer des plats déjà prêts pour la fête de Tamkharite répond d'un besoin fortement exprimé par une certaine clientèle très occupée par les activités professionnelles, et ne trouvant pas le temps de préparer des repas », a souligné Tabaski Sy qui avoue y trouver son compte.
Mamy Guèye (nom d'emprunt) révèle ne pas avoir du temps pour concocter le couscous le soir de la Achoura. L'agent commercial travaille jusqu'à 17h30 le jour de la Tamkharite. Elle a dû trouver une astuce pour s'acquitter de son devoir d'épouse. La jeune femme a passé une commande en ligne pour du couscous plus sauce. Cette dernière a sauté sur l'occasion afin de faire le bonheur de son mari. « Je ne peux pas faire autrement, car j'ai des obligations professionnelles et je dois aussi servir du bon Thiéré à mon époux », avoue-t-elle. La commande du couscous déjà prêt s'est révélée être sa seule solution. Tous les moyens sont bons pour servir le couscous !
Une pratique pas au goût de tous
« Les choses évoluent et il faut évoluer avec son temps », estime Amadou Diop. L'informaticien ne voit pas de mal à déguster du couscous prêt à l'emploi. Ce dernier soutient que les réalités ont changé et les femmes allient de plus en plus boulot et vie de famille. « Je ne vois pas de mal à cette pratique qui leur permet de gagner du temps », argumente-t-il. Pour le quadragénaire, les femmes sont bien loin du temps où elles préparaient du couscous fait maison avec tout ce que cela implique comme technicité et savoir-faire.
« La femme doit cuisiner pour toute la famille et faire plaisir aux siens », juge Babacar Touré. Le commerçant estime que l'achat de ces plats dénature le couscous, car c'est « une tradition » qui se transmet de génération en génération. « La femme doit s'organiser pour préparer ce mets d'autant plus que c'est juste pour une soirée. Ces commandes ne font pas partie de nos réalités et ce n'est pas à encourager dans notre société », soutient-il. Le sieur affirme que rien ne vaut une cuisine fait maison. « C'est ce qui fait le charme de la fête », martèle-t-il. Autres temps, autres us !