Ile Maurice: Prêt de Rs 1,7 milliard accordé à NMC Healthcare - Pourquoi la SBM refuse-t-elle de coopérer avec la police ?

Depuis 2019, la police n'a pas pu interroger les responsables du prêt de Rs 1,7 milliard accordé par la State Bank of Mauritius (SBM) à NMC Healthcare de l'Indien B.R. Shetty juste avant que ce conglomérat, basé à Abu Dhabi, ne soit mis en faillite. Pourquoi ? La SBM ne veut pas communiquer à la police certaines informations cruciales. Pourtant, c'est bien la banque, on vient de l'apprendre, qui avait déposé une plainte à la police, après la découverte de cette perte/fraude.

Ne recevant pas les informations requises, la police fait une demande ex parte en cour, le 19 septembre 2022, pour que la SBM lui fournisse le nom des cadres, managers et directeurs qui ont recommandé, approuvé et déboursé le 11 décembre 2019, ce prêt de USD 40 millions à NMC Healthcare. La police veut également obtenir tous les documents relatifs à cette transaction, y compris les «customer due diligence reports carried out internally by the bank or through a foreign law firm in favour of the bank».

La cour accorde le disclosure order à la police le même jour, soit le 19 septembre 2020. Mais le 30 septembre, la SBM s'y oppose par voie d'une demande de stay of exécution, mais essuie un refus de la cour qui lui ordonne de remettre les informations demandées par la police le 3 octobre 2022, délai étendu par la suite au 3 novembre 2022 à la requête de la SBM. Parallèlement à sa demande de stay, la SBM fait appel (une procédure de fond, cette fois-ci) le 7 octobre 2022 du disclosure order. Malgré le premier refus de la cour le 30 septembre, la SBM refait une demande de stay, le 21 octobre 2022, sous prétexte qu'il y a un appel, celui du 7 octobre qu'elle a fait elle-même, à déterminer. L'appel est rejeté le 30 mai 2023 et le disclosure order réclamé par la police, confirmé.

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Que fera la SBM maintenant ? Ira-t-elle jusqu'au Privy Council ou donnera-t-elle les informations requises par la police? Et pourquoi la SBM résiste-t-elle alors que c'est ellemême qui avait alerté la police ? Des questions que nous avons adressées à la SBM, et dont on attend les réponses. Il est difficile en tout cas de comprendre l'attitude de la banque avec les objections, motions et autres «tergiversations vouées d'avance à l'échec», nous dit un homme de loi qui a suivi cette affaire de près. «Soit la SBM a changé d'avis depuis la déposition à la police, soit elle laisse ses hommes de loi mener le procès comme ils le veulent, c'est-à-dire en traînant l'affaire le plus longtemps possible pour réclamer le maximum d'honoraires.» Mais il y a plus troublant : nous apprenons que c'est ce même cabinet d'avocats qui avait fait la due diligence sur NMC Healthcare, et ce sont les documents relatifs à cette même diligence que réclame maintenant la police...Seraitce - aussi - la raison de toutes ces tracasseries faites à la police ?

On nous dit qu'il est possible aussi que la SBM ne veuille maintenant plus donner les informations demandées par la police pour ne pas exposer certaines «têtes». Dans notre article du 7 juin, nous avons démontré comment l'ancien CEO indien P.V. Rao avait tout fait pour que la banque accorde ce prêt toxique à NMC Healthcare Ltd et nous nous sommes demandé pourquoi et comment Rao avait pu quitter le pays sans encombre. La SBM veut-elle protéger ceux qui n'ont pas demandé des comptes à Rao ? Pour rappel, celui-ci a pris l'avion en novembre 2019.

Notre interlocuteur est d'avis que la banque était, de toute façon, dans l'obligation de porter plainte à la police en raison de la réclamation de l'assurance pour cette perte ,même si elle savait qu'elle n'allait pas coopérer avec cette même police. «Si c'est vrai, la SBM est en train de se moquer de la police, comme elle l'avait fait avec l'ICAC.»

Le comble : ce même cabinet d'avocats, qui avait assisté la SBM pour la plainte à la police (et qui avait effectué la due diligence sur NMC Healthcare), résiste maintenant aux demandes de la police. Le rôle d'un certain R.M. qui était affecté au département de crédit de la banque - celui-là même qui passait son temps à faire du shopping à Dubaï au lieu de vérifier les documents de NMC Healthcare - est montré du doigt. Son fils travaillait à l'époque au cabinet d'avocats en question.

L'Independent Commission Against Corruption (ICAC) avait ouvert une enquête sur ce cas de conflit d'intérêts présumé. Or, selon nos informations, un de ses collègues, qui travaille au département légal de la SBM, l'aurait aidé à faire toutes les difficultés possibles à la commission anti-corruption pour dédouaner R.M. Le précédent chef du département légal a, lui, été forcé de prendre la porte parce qu'il, nous dit une source, «s'intéressait un peu trop à R.M, l'Indien PV Rao et les membres du Credit Committee qui avaient approuvé ce prêt désastreux à NMC Healthcare».

Dans son jugement, en date du 30 mai 2023, dans l'affaire NMC Healthcare, le juge Iqbal Maghooa rappelle la même tactique utilisée par la SBM (et sa même équipe légale) lorsqu'elle s'était opposée à l'ICAC. «We find it appropriate to refer to SBM Bank (Mauritius) Ltd v The Independent Commission Against Corruption [2020 SCJ 230] in which a similar objection was raised following a motion made to the Court to inter alia discharge a Disclosure Order...» Il cite aussi l'autre juge qui avait justifié le rejet, le 30 septembre 2022, de la demande de stay «since the applicant needs to have recourse to the proper procedure». Un aussi grand cabinet d'avocats qui se trompe de procédures ? Réponse de notre interlocuteur, avocat : «Ce ne sont que des atermoiements pour toucher des honoraires.» La juge parle aussi de «multiplicity of applications before her with a view to challenge the disclosure order». Des questions ont été envoyées à la SBM et nous sommes en attente d'une réponse.

La SBM ne veut pas non plus coopérer avec l'ICAC

L'autre affaire similaire opposant la SBM à l'ICAC cette fois concerne les prêts en pure perte accordés par milliards aux frères kenyans Pabari et à Hitesh Mehta de Renish Petroleum et qui s'est terminée, le 25 mai 2021, par la décision de la Cour suprême en faveur de la commission anticorruption. La SBM a été sommée de remettre les documents et informations demandés. Mais cette dernière ne veut pas le faire et selon nos informations, après avoir essayé en vain tous les recours possibles, elle a saisi le Privy Council pour tenter de casser la décision de nos juges. Encore d'énormes frais légaux qui seront encourus par la banque mais aussi par l'ICAC...

Comment l'assurance rembourse

L'assureur ne rembourserait les prêts perdus qu'après une enquête de la police démontrant une fraude, nous dit un expert en assurance. «Tout dépend du contrat d'assurance liant la SBM à son/ses assureur(s). Si la banque veut se couvrir contre toutes sortes de fraudes - cela, contre une prime plus élevée - y compris celles où ses propres directeurs ou cadres sont impliqués par négligence ou complicité, l'assureur remboursera sans qu'il ne soit nécessaire d'investiguer ou que la police le fasse pour savoir si les employés de la banque sont impliqués. Cependant, je doute que ce contrat couvre une telle éventualité.» En attendant, on apprend que la SBM aurait pu refiler ce prêt toxique à la Bank of America pour la moitié de la somme due. Cette somme serait en principe déduite de la somme réclamée de l'assureur.

Les proches avant tout

Deux enfants d'une «Senior Minister» ont été recrutés par la SBM. Ce qui fait grogner les employés qui ont gravi les échelons durant des années et qui se retrouvent bloqués à un certain niveau. Avec le «fils ou la fille de» comme chef. L'époux de la même ministre a, lui, obtenu un contrat de conseil auprès d'une ville et le montant qu'il perçoit n'est en rien comparable à celui réglé aux autres hommes de loi, qui n'ont point de relations.

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