Madagascar: Transformation des systèmes alimentaires - L'heure du bilan sonne

D'après le diagnostic mené à l'échelle nationale en 2020, la performance des systèmes alimentaires du pays est loin de répondre aux attentes liées aux nouveaux enjeux qui tournent autour de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et de la modernisation du tissu productif. Ce qui impacte significativement sur la compétitivité économique malgache.

Depuis le rapport sur la performance des systèmes alimentaires du pays en 2020, de nombreuses initiatives ont été mises en route pour opérer le changement nécessaire et les premiers résultats sont attendus. Après à la réalisation de ce diagnostic national, des échanges entre acteurs des systèmes alimentaires ont eu lieu, afin de définir les orientations-clés dans ce domaine. Un constat a également été établi : Madagascar doit transformer rapidement sa structure de production, améliorer ses chaînes d'approvisionnement et modifier le comportement des consommateurs. C'est sur cette base que les programmes pour améliorer les systèmes alimentaires ont été conçus, mis en oeuvre et évalués.

C'est dans ce contexte de réforme que, cette semaine, Madagascar a pris part à la réunion mondiale de bilan des Systèmes alimentaires des Nations unies 2023, à Rome, en Italie. « Depuis le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en 2021, Madagascar s'est engagé dans la transformation de ses systèmes alimentaires afin de contribuer aux Objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2030 », souligne-t-on à cette occasion. La délégation conduite par Harifidy Ramilison, ministre de l'Agriculture et de l'élevage, a ainsi partagé « les progrès notables accomplis au niveau national », comme il est indiqué dans le communiqué du ministère de l'Agriculture et de l'élevage (Minae).

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On sait alors que Madagascar, à travers le Projet Hesat 2030 qui vise à éradiquer la faim et la malnutrition, a pu apporter des transformations nécessaires à ses systèmes alimentaires et a contribué à la réalisation de la Feuille de route mondiale. Sur le terrain, les paysans ont été sensibilisés à l'agriculture durable, des engrais et des semences ont été distribués de manière plus optimale, des campagnes ont été menées pour amener les foyers à diversifier leurs nourritures et, surtout, des actions d'envergure ont été entreprises pour augmenter les investissements au profit de l'agribusiness.

Il a été aussi rappelé que le Minae, avec le soutien de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), du Shamba Centre for Food & Climate ainsi que de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), a lancé une étude novatrice sur la transformation des systèmes alimentaires dans la Grande île. Cette étude détermine comment les systèmes alimentaires peuvent être transformés pour adapter aux nouveaux enjeux l'économie agricole du pays, fournir des régimes alimentaires sains et abordables à tous de manière durable, en explorant l'interrelation entre la nutrition et l'adaptation aux changements climatiques.

Pour y parvenir, une modélisation économique est réalisée afin de déterminer le coût nécessaire pour mettre en oeuvre ces interventions. En outre, des recommandations pour des investissements supplémentaires du secteur public seront formulées en fonction des résultats obtenus afin d'opérationnaliser la Feuille de route nationale, le but étant de soutenir la transformation des systèmes alimentaires vers la réalisation des ODD à l'horizon 2030.

Partage de vision

Cette initiative s'inscrit dans le cadre des objectifs plus vastes de la Coalition Faim Zéro dont fait partie Madagascar. Issue du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires, la coalition a pour but d'éradiquer la faim et la malnutrition à l'échelle mondiale. La première réunion de coordination et de suivi de la Feuille de route nationale sur les systèmes alimentaires, s'est tenue le 19 avril, en visioconférence à Antananarivo.

Mais la réunion tenue dans la capitale italienne n'a pas été consacrée au seul bilan des actions. Dans les sessions plénières axées sur la transformation des systèmes alimentaires dans la pratique et à l'inversion de la crise alimentaire, le ministre Harifidy Ramilison a partagé la vision de Madagascar pour l'avenir. Les actions prioritaires ont été énoncées, telles que l'optimisation des investissements publics et privés pour une agriculture durable, le renforcement des programmes de filets de sécurité sociale, et l'amélioration de la diversification alimentaire et de la qualité de la nutrition.

En outre, des points essentiels pour l'avenir des systèmes alimentaires mondiaux ont été soulevés, dont l'importance cruciale des investissements massifs afin de créer des systèmes alimentaires équitables et durables pour tous, la nécessité d'appuyer activement les femmes et les hommes, soulignant leur rôle fondamental dans le développement inclusif du secteur alimentaire, la réduction des gaz à effet de serre pour combattre l'empreinte carbone du secteur agricole... À savoir, par ailleurs, que les activités du département en charge de l'agriculture dans le Plan d'action multisectorielle pour la nutrition, de 2022 à 2026, sont axées sur le système alimentaire durable qui intègre la production, la transformation, la distribution et la consommation de produits alimentaires.

Autre bilan avancé par les responsables, la mise en oeuvre du projet d'Appui institutionnel à la transformation inclusive et durable des systèmes alimentaires à Madagascar. Le projet a pour impact attendu le renforcement des institutions nationales et entités locales oeuvrant dans le domaine de la sécurisation alimentaire. Plusieurs programmes contribuent à l'atteinte de l'impact, dont la coordination des informations pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, le suivi des projets et programmes et leur alignement par rapport aux priorités du gouvernement, l'approche Agriculture intelligente face au climat et l'intégration des nouvelles priorités dans les vulgarisations et la formation agricole. Financé à hauteur de 395 000 USD, le projet est mis en oeuvre jusqu'à la fin de l'année 2024 conjointement entre le Minae et la FAO.

Des résultats chiffrés

S'il est clair que des résultats tangibles ont été obtenus en matière de planification et aussi de multiplication des soutiens techniques et financiers au profit des systèmes alimentaires, l'opinion veut surtout des données concrètes et chiffrées sur l'impact de ces initiatives. Aussi, sur ce point, le Minae a-t-il noté son engagement dans la distribution de semences de qualité et des campagnes de sensibilisation sur la culture des produits à haute valeur nutritive, tels que la patate douce à chair orange, le sorgho, les légumes traditionnels ainsi que la transformation des produits comme le manioc en gari.

Ce département a également rappelé la réalisation du programme de développement du sorgho et du maïs, de la production jusqu'à l'accès au marché, pour alimenter en priorité les banques alimentaires dans la région Androy. L'appui au développement des chaînes de valeur sensibles à la nutrition et la réduction de la perte post-agricole ont aussi été soulignés ainsi que la mise en oeuvre du «Rapid rural transformation», le développement des parcelles communautaires pilotes, l'assistance alimentaire et la réhabilitation d'actifs hydroagricoles, le renforcement de l'accès à l'assurance agricole et l'inclusion financière. Plus de deux millions de personnes bénéficient de ces actions.

Concernant la promotion de la culture de mil dans le Sud, les actions ont permis d'atteindre une production d'environ de 15 000 tonnes, durant la campagne 2021-2022. Concernant le programme alimentaire d'urgence, financé par la Banque africaine de développement, il couvre quatre filières agricoles : le riz, premier aliment de base des populations, le blé qui sera transformé en farine pour la consommation humaine, le soja et l'huile pour la fabrication d'huile alimentaire et de tourteau pour bétail. Ces initiatives renforcent le système semencier national pour la production de 7 540 tonnes de semences certifiées, améliorées et résilientes, la fourniture de 139 100 producteurs (dont 30 % de femmes), 2 485 tonnes de semences certifiées et 21 830 tonnes d'engrais dont 20 528 tonnes d'engrais organique, à l'aide de la plate forme de bons électroniques.

Pour la filière rizicole en particulier, le Minae soutient que le pays va atteindre, à moyen terme, un rendement de 4 tonnes de paddy par hectare au lieu de 2,5 tonnes obtenues auparavant. Parmi les mesures retenues pour améliorer la productivité, il y a l'ouverture d'un guichet agricole dans chaque district du pays. Les producteurs pourront trouver les services dont ils auront besoin, y compris les équipements, le matériel agricole, les intrants, des conseils. Il y aura aussi le centre d'appui pour la gestion foncière décentralisée chargé de recueillir les doléances des paysans. « Donc il y aura tous les ingrédients pour que, à court terme, nous parvenions à l'autosuffisance alimentaire », assure Harifidy Ramilison.

Avant de quitter son poste de représentante résidente de la Banque Mondiale à Madagascar, Marie Chantal Uwanyiligira a reconnu que les efforts ont porté leurs fruits, mais que beaucoup reste à faire pour atteindre l'autosuffisance alimentaire dans la Grande île. La Banque Mondiale a, pour sa part, exprimé sa volonté de continuer à travailler avec Madagascar, de soutenir les efforts du gouvernement en faveur des agriculteurs et de la transformation des systèmes alimentaires.

MADAGASCAR - FIDA

Collaboration à renforcer

Profitant de la réunion mondiale de bilan des systèmes alimentaires de l'ONU 2023, le ministre de l'Agriculture et de l'élevage, Harifidy Ramilison, a rencontré le vice-président adjoint du Département de la gestion des programmes du Fonds international de développement agricole (Fida), Donal Brown, le 25 juillet à Rome.

Selon le communiqué du Minae, l'objectif de cette rencontre était de renforcer la collaboration entre Madagascar et le FIDA dans la lutte contre la pauvreté rurale, pour le développement agricole durable et l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire. Le ministre malgache a saisi l'occasion afin d'exprimer la reconnaissance de son pays envers le Fida pour « son engagement continu en dépit des crises sanitaires et économiques que Madagascar a traversées ».

Toujours selon le membre du gouvernement, le Fida est resté un partenaire indéfectible, investissant dans le pays pour soutenir son émergence de la pauvreté rurale qui touche près de 80% de la population.

En effet, cette organisation a toujours travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement, notamment dans la formulation du Programme d'options stratégiques pour le pays (Cosop), en adéquation avec les politiques sectorielles et agricoles du pays. Cette démarche a permis de mettre en place des projets et programmes conçus pour répondre aux besoins spécifiques de Madagascar, notamment en matière d'autosuffisance alimentaire et de développement agricole moderne, dont Formaprod, Defis, AD2M, Pacpa, PA2R, Pro Agro Touyh, Norad et Progres.

La rencontre avec le vice-président adjoint Donal Brown a également été l'occasion d'informer le Fida des efforts du Minae pour améliorer la performance des projets en cours, tout en reconnaissant les défis auxquels ils font face, comme les contextes de mise en oeuvre difficiles et les procédures administratives complexes. Madagascar a ainsi sollicité le renforcement de l'appui du Fida pour accompagner le pays.

VERBATIM

Alvaro Lario, président du Fonds international de développement agricole (Fida) des Nations unies

« Seuls 4% à 6% de l'aide publique au développement vont directement à l'agriculture, chiffre qui stagne depuis au moins vingt ans. En parallèle, les pays en développement ont de plus en plus du mal à financer le secteur agricole et à assurer la sécurité alimentaire en raison du resserrement des conditions de crédit, de la hausse des coûts de financement et de l'inflation au niveau mondial. Les pays en développement doivent jouir d'un bien meilleur accès aux financements à des conditions particulièrement favorables».

Fanja Raharinomena, secrétaire générale du ministère de l'Agriculture et de l'élevage.

« Grâce à une étude novatrice sur la transformation des systèmes alimentaires à Madagascar, menée avec le soutien de divers partenaires, l'ambition de Madagascar est d'atteindre l'autosuffisance alimentaire, Velirano numéro 9 du président de la République, et de déterminer les interventions les plus efficaces pour éliminer la faim, doubler les revenus des petits exploitants, protéger le climat et améliorer la nutrition à Madagascar d'ici à 2030».

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