Afrique: Qui n'africanise pas perd

Il suffit de regarder la tendance des aiguilles de la boussole du temps qui se déploie sous nos yeux : elles s'orientent irrésistiblement vers l'Afrique. Deux milliards cent millions de voisins dans moins de trente ans, en 2050, déjà un milliard trois-cents millions pendant qu'on y est, la Terre-berceau de l'humanité ne cessera d'attirer l'attention du reste du monde. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau puisque plusieurs siècles en arrière elle le fut de toute évidence, la différence aujourd'hui est que ce continent n'est plus une lointaine possession en friche aux seules mains des conquérants.

L'Afrique apprend de ses inerties et de ses déboires et se sait exposée aux pressions intérieures et extérieures. Puissantes les unes que les autres, ces contraintes lui imposent d'observer que cette fois, il lui revient de plein droit de décider de son sort. Au plan intérieur sa jeunesse nombreuse à la recherche de débouchés reste le plus grand défi auquel elle doit faire face, mais peut-être qu'on ne le perçoit pas assez, l'Afrique s'est dépensée et se dépense davantage pour la former. Les taux de fréquentations scolaires dans plusieurs pays le démontrent.

Au bout du compte, il faut bien que cette jeunesse formée ait la possibilité d'exercer son talent dans tous les domaines pour rendre la pareille à sa mère nourricière. Ne négligeons pas le phénomène des migrations suivant lequel tant de jeunes quittent le continent pour aller à la conquête du bonheur ailleurs, sur place nombreux sont ceux et celles qui entendent contribuer autant que faire se peut à l'émergence de l'Afrique. Gorgée de richesses, elle sait aussi que jusqu'à présent, elle ne les a pas assez mis au service d'elle-même. Les appels du pied qui lui sont adressés par les pays développés devraient lui servir de quantificateur pour mieux se positionner dans la conclusion des partenariats.

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On voit bien qu'en l'espace de quelque temps, ces appels venant d'Europe, d'Amérique, et d'Asie s'intensifient : sommet Europe-Afrique, sommet Etats-Unis-Afrique, sommet Chine-Afrique, sommet Inde-Afrique, sommet Russie-Afrique, etc., le tout dans un espace de temps très court, mais à chaque fois des propositions et accords de partenariats à l'application desquels souvent la moisson récoltée par l'Afrique est en deçà des espérances. Se pose peut-être le problème du suivi de ceux-ci, mais il persistera tant que le continent n'a pas l'initiative de ces convocations au tournant desquelles se joue le jeu du leadership des puissances entre-elles.

Il est donc primordial pour l'Afrique de considérer le rapport avec les puissances extérieures dans le sens de l'appropriation de sa souveraineté. En ce sens que ces dernières ayant en tête naturellement de préserver leurs intérêts, ce qui du reste est dans l'ordre normal des choses si on peut dire, devront retenir qu'elle a aussi les siens. L'autre problème est fondamentalement qu'en face ce sont des blocs uniques qui apparaissent (Etats-Unis, Chine, Inde, Russie, Europe des 27) devant une dissémination des forces, l'Afrique comptant plus d'une cinquantaine d'Etat n'ayant aucune politique extérieure commune a la peine aussi pour consolider ses nombreux ensembles économiques régionaux. S'y ajoute le défi sécuritaire remarquable par l'instabilité dont souffrent de nombreux Etats.

Il est une lueur d'espoir qu'il importe d'entretenir : la crise actuelle en Europe de l'est a montré que si elle construit son unité, l'Afrique peut bénéficier des retombées du virage décrit au tout début de cet exposé : les autres parties du monde voient en elle l'avenir de l'humanité. Non seulement elle en conserve les soubassements culturels, mais son potentiel écologique, géographique et démographique lui réserve le droit de peser sur le futur, de sorte que bâtir sans elle deviendra incertain.

Une question se pose cependant suivie d'une petite précision pour clore provisoirement cet exposé : l'Afrique a-t-elle conscience que qui n'africanise pas, demain, perdra en influence ? Entendons-nous bien, nous parlons d'africaniser, c'est-à-dire, de tenir compte des intérêts du continent, nous ne parlons pas de s'africaniser qui est tout autre chose.

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