Ile Maurice: Citoyenneté - Moi,Chagossien-Mauricien-Britannique

Depuis mercredi, des descendants chagossiens installés en Angleterre mais qui n'avaient pas encore la nationalité britannique, sont devenus des sujets du roi Charles III. Ceux se trouvant à Maurice, tout comme des mineurs au Royaume-Uni, ont, pour une grande partie, déjà reçu leur certificat de nationalité britannique. Cinquante ans après l'expulsion du dernier contingent de Chagossiens de leur archipel natal, un crime contre l'humanité, et aussi un crime colonial persistant, comme l'a rappelé Human Rights Watch dans un rapport et une vidéo le 15 février, deux de leurs descendants fraîchement britanniques, ont accepté de témoigner sur ce tournant de leur vie. Un tournant qui, pour certains, peut sembler aberrant, mais que nos deux interlocuteurs estiment décisif.

Jonathan Condor: «Isi bef travay souval manze (...) mo pe pietinn enplas»

Il fait partie de ces descendants chagossiens nés à Maurice et depuis peu également citoyen britannique. Jonathan Condor, 40 ans, peine à exprimer cette «joie inexplicable», après une longue attente. En tout cas, ce père de famille est convaincu de l'importance de ce nouveau défi, surtout pour ses enfants, qui, dit-il, étaient voués à un «avenir très sombre à Maurice».

«Isi bef travay souval manze. Anplis mo pena okenn backing politik. Mo pe pietinn enplas. Mo anvi enn meyer lavenir pou mo zanfan», ajoute Jonathan Condor sans détour. Dorénavant, il croise les doigts pour que ses démarches post-citoyenneté aboutissent afin que sa famille et lui puissent s'installer au Royaume-Uni d'ici fin 2024. Question hébergement, lui, qui a la plupart des membres de sa famille confortablement installés au pays de Sa Majesté, ne se casse pas la tête.

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Côté emploi, celui qui est pour l'instant employé au service livraison pour une chaîne de magasins d'ameublement, se dit prêt à faire «seki gagne laba». Car, d'après ses renseignements, «laba pa pey kouma Moris ek pa fer dominer».

En revanche, le fait d'avoir la nationalité britannique, ne signifie nullement renier ses racines. Arrière-petit-fils d'Emilie Louise, une Chagossienne, à un moment doyenne de l'océan Indien décédée à 112 ans, Jonathan Condor, espère pouvoir un jour poser les pieds sur l'île natale que son aïeule lui a tant contée.

Pascalina Nellan: «un identifiant qui nous donne notre place dans la société»

Voir son fils Josh, sept ans, enfin citoyen britannique et aussi des Territoires d'outre-mer britanniques, a toute son importance pour Pascalina Nellan. Si cette mère de famille qui réside en Suisse depuis octobre 2018, est toujours en attente de la citoyenneté britannique, son fils est, lui, fier détenteur du certificat de nationalité du Home office de Londres depuis début juillet.

«Il comprend très bien ce changement de statut et il est très content. Je trouve que c'est très important pour n'importe quel individu de pouvoir hériter d'une filiation maternelle ou paternelle. C'est d'abord un lien familial qui crée des droits et des devoirs entre parents et enfants. Mes grands-parents sont nés aux Chagos sous colonie britannique, et c'est un identifiant qui nous donne notre place dans la société», fait-elle ressortir. Sa grand-mère Lucile Sagaï (née Uranie) est née à Diego Garcia. Son grand-père Michel Sagaï, à Peros Banhos.

Pascalina Nellan raconte avoir quitté Maurice à un moment où le fléau de la drogue synthétique commençait à prendre de l'ampleur parmi les jeunes et que la vie devenait plus dure «que ce soit économiquement ou politiquement». Une décision mûrement réfléchie par celle qui aspire à un meilleur environnement et avenir pour son fils.

Pascalina Nellan aussi bien que son fils chérissent tous deux le souhait de pouvoir arpenter les plages des Chagos comme Robinson Crusoé. D'autant que certains membres de sa famille n'arrêtent pas de faire les éloges de leur visite aux Chagos et souhaitent à tout prix y retourner. Son fils déjà passionné par les crabes de cocotier, a hâte de les voir en vrai.

Néanmoins, pas d'illusion. Pascalina Nellan ne souhaite pas du tout à la communauté chagossienne d'aller vivre là-bas «sous le système imparfait de Maurice». Pour elle, hormis pouvoir poser les pieds sur la terre ancestrale et le paysage idyllique, il ne faut pas s'attendre à une meilleure vie là-bas.

«Dans de tel cas, mieux vaut continuer de vivre la vie que l'on mène à Maurice. L'idéal serait d'être relogé par le gouvernement britannique, surtout que nous sommes tous Britanniques à présent»

Ce statut légal qui ouvre beaucoup de portes à son fils. Elle ne se voile pas la face et sait pertinemment bien que la vie n'est pas vraiment facile où que ce soit dans le monde.

Ce dont elle est certaine, c'est que ce sera désormais moins stressant pour les membres de sa famille quand ils passeront le contrôle de la douane à l'aéroport.

«L'obtention de visas s'ils veulent visiter certains pays qui ont des accords avec le Royaume-Uni, sera aussi plus facile. Ils pourront aussi bénéficier d'un meilleur service de santé. Et par-dessus tout, une chance de se sécuriser un avenir prometteur avec beaucoup plus d'opportunités», explique Pascalina Nellan. Elle, qui d'ores et déjà, témoigne qu'en Suisse, elle a davantage d'aide pour s'en sortir et plus de chance d'évoluer professionnellement sans se faire pistonner.

Rs 4 873 pour le passeport

La prochaine étape logique pour la majorité de ces Chagossiens, est l'obtention du passeport britannique. Selon les informations disponibles sur le site Internet du Home Office, les frais s'élèvent à Rs 4 873 (£82,50), selon le taux de change, jeudi, pour un adulte à partir de 16 ans, si la demande est faite en ligne. Au cas contraire, il faut compter Rs 5 493 (£93) pour les 16 à monter. Pour un enfant de moins de 16 ans, le tarif est de Rs 3 160 (£53,50), en ligne.

Le chiffre: 6 000

C'est le nombre de requêtes pour la citoyenneté britannique reçues de la communauté chagossienne, de Maurice, des Seychelles, du Royaume-Uni et de la diaspora. Plus d'une année après le vote au Parlement britannique d'un amendement à la Nationality and Borders Act, le 22 mars 2022, ces descendants, toutes générations confondues, ont pour bon nombre déjà été faits citoyens britanniques. Des 6 000 demandes, cinq ont été rejetées en raison de fraude ou de manque d'informations. Ces chiffres jusqu'ici non confirmés (nous sommes toujours en attente d'un retour à nos questions envoyées sous le Freedom of Information au Home Office de Londres depuis deux semaines), ont été communiqués par un officiel du Home Office à des représentants de Chagossian Voices en Angleterre.

Il a dit: «Nous considérons absolument la capacité d'opérer depuis Diego Garcia comme un élément clé dans cette affaire, et nous veillerons absolument à ce que nous puissions continuer à le faire sans entrave.»

C'est la promesse faite par le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly au secrétaire d'État américain Antony Blinken, la semaine dernière, alors que Port-Louis et Londres négocient la rétrocession des Chagos à Maurice, autorisant le retour des IL A Chagossiens et leurs descendants dans l'archipel.

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