Burkina Faso: Sanctions et pressions sur le nouveau pouvoir nigérien - Pour le général, le clichi est trop pimenté pour être avalé

30 Juillet 2023
opinion

Après deux jours de confusion sur fond de troubles à l'ordre public, la situation est devenue on ne peut plus claire au Niger.

En effet, c'est Abdourahamane Tiani, le désormais ex-patron de la garde présidentielle, qui se présente comme étant le nouvel homme fort de Niamey. Il justifie son coup de force par la dégradation continue de la situation sécuritaire et les problèmes de gouvernance. Toutefois, même s'il traite son ancien mentor de tous les noms d'oiseaux, il reconnaît que sous les auspices de ce dernier, le pays a bénéficié « d'un soutien appréciable et apprécié de partenaires extérieurs » dont la France, les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) qui, illico presto, ont suspendu leur collaboration avec le Niger. De son côté, l'Union africaine (UA) s'est voulu ferme en lançant un ultimatum de 15 jours aux putschistes pour rétablir « l'autorité constitutionnelle ». Alors que la pression s'accentue, des Organisations de la société civile (OSC), réunies au sein de la plateforme M62, ont manifesté hier, dimanche 30 juillet, pour non seulement soutenir la junte, mais aussi mettre en garde la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et la France contre toute intervention militaire au Niger et du même coup, exiger le départ des forces françaises.

La CEDEAO a décidé de sortir le sabre contre le Niger

Un air de déjà vu. C'est la nouvelle trouvaille des régimes militaires qui, acculés au plan externe, multiplient les discours nationalistes et les manoeuvres souterraines pour bénéficier du soutien du peuple. On le voit au Mali et Burkina Faso où il ne se passe pas un mois où des ouailles des putschistes, par centaines de milliers, investissent les rues pour dénoncer des pressions et ingérences extérieures. Mais en le faisant, ils oublient ou feignent d'oublier que leurs pays respectifs étant membres de certaines organisations régionales ou continentales, ils ont souscrit à des engagements auxquels ils sont tenus. C 'est pourquoi la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dont les chefs d'Etat membres étaient réunis, le 30 juillet 2023, à Abuja, a décidé de sortir le sabre contre le Niger. Elle considère le renversement du pouvoir de Mohamed Bazoum comme étant le coup d'Etat de trop et a décidé de sanctionner fermement les putschistes.

Entre autres sanctions, il y a la suspension du Niger de toutes les instances de la CEDEAO, la suspension de toutes les transactions commerciales entre le Niger et les autres pays de la région, le gel des avoirs de la République du Niger dans les banques centrales et commerciales de la CEDEAO. Et ce n'est pas tout. Car, les têtes couronnées de l'espace communautaire ouest-africain, n'excluent pas une intervention militaire au Niger afin de rétablir le président démocratiquement élu. Face à ces sanctions et pressions tous azimuts, les putschistes nigériens finiront-ils par battre en retraite en renonçant au pouvoir ? Ou bien vont-ils emboîter le pas à leurs homologues du Mali en faisant montre de résilience, quitte à faire souffrir le peuple nigérien ?

Mohamed Bazoum a fini par payer sa trop grande proximité avec la France

On attend de voir. En tout cas, pour l'instant, tout porte à croire que le clichi* est trop pimenté pour le général qui aura du mal à le savourer. Certes, il peut se gargariser d'avoir eu le soutien de toute la hiérarchie militaire nigérienne, mais cela suffira-t-il pour lui assurer une assise confortable ? Rien n'est moins sûr. D'où la fébrilité qui se fait toujours sentir à Niamey. Cela est d'autant plus vrai que les arguments invoqués par les putschistes pour justifier leur coup, ne convainquent pas grand monde. Bien au contraire, d'aucuns les trouvent spécieux dans la mesure où le Niger, contrairement à ses voisins que sont le Mali et Burkina Faso, sous le magistère du président Bazoum, aurait connu une amélioration globale de sa situation sécuritaire. Si fait qu'il était présenté comme le pays le mieux loti dans un Sahel en pleins tourments. Toute chose qui ne peut que contribuer à affaiblir le mémoire en défense du Général Tiani que les autorités déchues accusent d'avoir fait un coup de force « pour convenance personnelle ».

En effet, pour d'aucuns, conscient que son sort allait être scellé lors du Conseil des ministres du 27 juillet dernier, l'officier supérieur, propulsé à la tête de la garde présidentielle depuis plus de dix ans, a pris les devants en perpétrant son pronunciamiento. Comme quoi, vouloir retirer le miel de la bouche d'un haut gradé de l'armée, est un risque énorme pour tout président civil en exercice en Afrique. Car, le premier fera feu de tout bois pour conserver ses privilèges, fût-ce au moyen d'un coup d'Etat. Et Mohamed Bazoum l'aura appris à ses dépens ; lui qui a, dans une certaine mesure, fini par payer sa trop grande proximité avec la France dont les méthodes paternalistes et condescendantes sont de plus en plus décriées dans ses anciennes colonies d'Afrique. Cela dit, c'est le peuple nigérien souverain qui doit décider de qui fera son bonheur et personne d'autre ni organisation à sa place.

* Clichi : viande de mouton grillée et séchée avec un goût pimenté que l'on trouve au Niger

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.