Une performance économique de la région essentiellement portée par le secteur des services, le commerce et le tourisme, selon la Banque africaine de développement
L'Afrique du Nord n'en a pas encore fini avec l'épisode inflationniste, si l'on en croit les récentes prévisions de la Banque africaine de développement (BAD) présentées dans son rapport annuel sur les «Perspectives économiques en Afrique du Nord en 2023 ».
Selon le document, publié, jeudi 27 à Tunis, sous le thème général: «Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique», l'inflation devrait se poursuivre dans la région pour atteindre un taux à deux chiffres: 14,2 % en 2023.
D'après les estimations de l'institution panafricaine, elle devrait toutefois « retomber à 6,9 % en 2024 ».
Parallèlement, « le déficit budgétaire régional devrait se maintenir autour de 3,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023 et 3,2 % en 2024», a indiqué le Groupe de la Banque soulignant que le déficit régional de la balance courante devrait se contracter pour atteindre 0,5% du PIB en 2023 et 0,2% en 2024.
Selon l'institution financière, «l'environnement économique mondial, y compris les cours des hydrocarbures, la structure des échanges, le tourisme et les flux d'investissements directs étrangers, devrait influencer la position extérieure de la région».
Qu'à cela ne tienne, la Banque africaine de développement prévoit que les pays d'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Égypte, Libye, Mauritanie et Tunisie) devraient connaître une légère hausse de croissance économique à 4,6 % en 2023 et 4,4 % en 2024.
La hausse de la croissance connaît d'importantes disparités entre les pays
La performance de la région «est essentiellement portée par le secteur des services, en particulier le commerce et le tourisme», a expliqué l'institution dans son rapport rappelant qu'en 2022 la croissance dans la région était modérée : 4,1% contre 5,4 % en 2021.
Il faut cependant noter que la hausse de la croissance connaît d'importantes disparités entre les pays, comme l'a expliqué Audrey Verdier-Chouchane, économiste régionale pour l'Afrique du Nord.
A ce propos, et par rapport à 2022, « la publication annonce que la croissance du PIB réel devrait diminuer de 2,2 points de pourcentage en Égypte, de 1 point de pourcentage en Mauritanie et de 0,5 point de pourcentage en Tunisie », estime l'institution panafricaine ajoutant que l'économie libyenne devrait enregistrer une reprise notable en 2023, avec une croissance du PIB réel de 17,9%.
Hausse significative attendue à 3,3% de la croissance économique au Maroc
Au terme de cette année, «la croissance économique devrait connaître une hausse modeste en Algérie, à 3,1% en 2023, et une hausse significative au Maroc, à 3,3%, le pays se remettant de la sécheresse de 2022».
Quoi qu'il en soit, pour Audrey Verdier-Chouchane, par ailleurs cheffe de division par intérim des économies pays pour l'Afrique centrale, l'Afrique du Nord et de l'Ouest, « la région devrait mettre en oeuvre des réformes structurelles qui favorisent le développement du secteur privé, améliorent la productivité et l'employabilité et créent des opportunités d'emploi». Ce qui devrait permettre de soutenir une croissance inclusive dans cette région, a-t-elle soutenu.
Mais ce n'est pas tout. La Banque africaine de développement préconise une coordination des politiques monétaires et budgétaires en vue de faire face à la hausse de l'inflation et de protéger les petites entreprises et les populations grâce à des dépenses publiques ciblées.
L'institution estime de même que le maintien et l'appui de la sécurité alimentaire dans la région devraient rester un objectif crucial pour les pays nord-africains.
Ces derniers devraient en outre «investir dans l'agriculture en développant notamment des variétés améliorées ainsi que des stratégies de gestion de l'eau et des sols», a poursuivi la Banque panafricaine soulignant que la région doit renforcer sa résilience, notamment dans le cadre du lien «transition énergétique - gestion de l'eau - sécurité alimentaire».
Par ailleurs, et dans la perspective de relever les défis de l'assainissement budgétaire, les six pays de l'Afrique du Nord «doivent poursuivre leurs efforts de mise en oeuvre des réformes, notamment en améliorant la numérisation de l'administration fiscale, en élargissant l'assiette fiscale, en rationnalisant les dépenses publiques et en renforçant les systèmes de gouvernance».
La Banque préconise enfin que l'Afrique du Nord renforce la mise en oeuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine, afin de stimuler les échanges et les investissements intra-africains ; et que les gouvernements des pays de la région s'attaquent « aux niveaux croissants de la dette publique à moyen terme ». Pour cela, ils devraient allouer les fonds de la dette de manière transparente, en restructurant les entreprises publiques en situation difficile et en procédant à des examens réguliers des dépenses publiques.
Les pays nord-africains devraient faire de la croissance verte une urgence régionale
Dans son rapport, la Banque panafricain a également insisté sur l'urgence pour l'Afrique du Nord de tirer parti de ses importantes richesses naturelles tout en faisant de la croissance verte une urgence.
L'institution estime ainsi que «les pouvoirs publics d'Afrique du Nord, les investisseurs privés étrangers et nationaux, les banques multilatérales de développement et les institutions de financement du développement ainsi que le secteur privé devraient investir dans la croissance verte».
Le Groupe de la Banque est persuadé que le financement du secteur privé peut notamment jouer un rôle crucial par des investissements dans les infrastructures d'énergie propre, l'efficacité énergétique, l'agriculture durable et la restauration des terres, a-t-il fait savoir soutenant que le secteur privé peut également apporter l'expertise, la technologie et les compétences de gestion nécessaires à la mise en oeuvre efficace et efficiente de projets de développement verts.
Pour la Banque, il est important que les pays investissent donc « dans la gestion durable du capital naturel pour constituer une option de financement complémentaire pour les initiatives liées au climat et à la croissance verte, et contribuer ainsi à la réduction de la pauvreté et des inégalités, à la création d'emplois et une croissance économique durable », a-t-elle conclu.