Madagascar: Le mythe du sacrifice de Trimofoloalina

Le grand monarque Andriamasinavalona traverse maintes vicissitudes dans sa vieillesse. Elles sont surtout dues à sa grande bonté devenue, à la longue, une faiblesse. À cause de la division de son vaste royaume, l'Imerina, entre ses quatre fils, il est retenu prisonnier par l'un d'eux, pendant sept ans. Il s'agit d'Andriantomponimerina, le seigneur d'Ambohidratrimo.

Après sa libération, alors qu'il est vieux et décrépit, son entourage cherche tous les moyens pour maintenir sa force vitale. Il consulte un mpisikidy (devin) célèbre. Celui-ci annonce que la vie du roi peut être prolongée si un homme donne volontairement sa vie pour lui. Une proclamation publique est faite à cet effet. Toutefois, il s'avère que, même pour un monarque qui est « le fondement de la vie et la base de la terre pour un Malgahce », il n'est pas facile de trouver des volontaires. « Les Malgaches ne disent-ils pas que la vie est comme une bêche unique : si elle casse, il n'y en a pas d'autres pour la remplacer, et il faut donc prendre soin de cette bêche unique » (Lars Vig, 1901). Un seul homme se présente, prêt à donner sa vie pour son roi.

Il s'agit de Trimofoloalina qui est montré en exemple au peuple, rassemblé dans un grand Kabary (assemblée), comme celui qui offre librement sa vie à son roi. Le devin qui office de sacrificateur juge, néanmoins, que la vie de cet homme n'est pas exigée. Il se contente de faite une incision sur la gorge de Trimofoloalina et recueille du sang dans une petite corne de sacrifice. « Une partie de ce sang fut répandu sur le roi comme le rituel l'exigeait... Souvent, on faisait aussi des taches de sang de la victime sur le front des participants ». Le roi honore beaucoup cet homme. Il édicte une loi proclamant que la peine de mort ne s'appliquera jamais à ses descendants. C'est le privilège des « tsy maty manota », « ceux qui ne sont pas mis à mort pour un crime ».

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Aujourd' hui, ce privilège, s'il en est un, est tout simplement appelé impunité. Ceux qui appartiennent à ces familles privilégiées peuvent, jusqu'à la fin de la royauté, faire ce qu'ils veulent, sans être punis, « sauf pour crimes politiques ». Et encore, dans les derniers temps de la monarchie, ce sont plutôt les fils de grands seigneurs qui enfreignent impunément la loi de différentes manières. Trois générations plus tard, l'un des plus célèbres descendants du même monarque, Andrianampoinimerina, veut mettre à l'épreuve le dévouement de ses chefs et de ses courtisans. Il prétend être malade à en mourir et fait interroger ceux qui le servent pour voir si l'un ou l'autre est prêt à sacrifier sa vie pour lui. « Les paroles du roi produisirent la plus grande consternation. Tous se turent ».

Cependant, l'un des plus grands et des plus considérés parmi les chefs, prend la parole et déclare qu'il consent à se laisser immoler pour son roi. Il met à nu sa gorge et invite le sacrificateur à commencer le rituel. Mais, coup de théâtre. « Il fut annoncé qu'il ne s'agissait que d'une épreuve qui allait permettre au roi de découvrir lequel de ses hommes, était le plus fidèle et le plus sûr. » Ce chef n'est autre qu' Andriantsilavo. Il a déjà la faveur et la confiance du roi. Il est le chef de la classe hova Tsimahafotsy d'Ambohimanga. Il participe avec son homologue à la tête des Tsimiamboholahy d'Ilafy, Hagamainty, à l'intronisation d'Andrianampoinimerina à Ambohimanga. Il est promu au rang de Premier ministre et cette dignité sera héréditaire. Son fils Rainiharo et ses deux petits-fils, Rainivoninahitriniony (Raharo) et Rainilaiarivony, constituent ce que l'on appelle « le clan d'Andafiavaratra ».

Andriantsilavo contribue aussi, par son habileté, à assurer la victoire du souverain dans les guerres qu'il mène contre les rois et seigneurs, afin de réunir à nouveau le grand royaume de l'Imerina et l'agrandir dans les pays voisins, sinon les contrées lointaines. « C'était la vraie raison de l'élévation du grand seigneur et du pouvoir exceptionnel qu'il avait obtenu et qui permit à l'un de ses descendants, Rainilaiarivony, qui sut en profiter, de devenir le véritable souverain du pays », dit-on. Au début du XXe siècle, ces deux épreuves restent encore vivaces parmi le peuple « Celui-ci était pénétré par l'idée que les hommes liges et les esclaves des rois, des grands chefs et des seigneurs puissants, avaient le devoir de souffrir et même de mourir pour eux. Le plus méritoire pour Andriantsilavo était qu'il n'était pas une victime désignée par le 'sikidy', mais qu'il s'était offert volontairement ».

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