Ile Maurice: Le privilège des élus préférés...

Si l'indécence fait partie de nos moeurs politiques, elle s'accompagne de la bénédiction du Premier ministre, qui tolère dans son camp des élus sur lesquels pèsent des accusations graves !

Ceux-là, payés à grands frais de l'argent des contribuables, continuent à s'asseoir dans leurs fauteuils de ministres et de députés, dans une République où tout est permis ! Ainsi, malgré les charges formelles contre Yogida Sawmynaden par le DPP, celui-ci s'accroche, comme si de rien n'était, à son siège de député. L'affaire est pourtant inquiétante et mérite que l'on s'y attarde. Voilà un élu qui est accusé de faux et d'usage de faux - par nul autre que le DPP - et qui va devoir bientôt faire face à un procès en cour intermédiaire. Le délit est connu : le député qui a démissionné comme ministre est accusé d'avoir fait croire que la veuve de Kistnen travaillait pour lui en tant que Constituency Clerk.

D'où les premières allégations d'emploi fictif, avant que deux ans plus tard, après une enquête policière, le DPP ne loge des charges formelles. Si ailleurs, dans d'autres pays, des règles - écrites ou pas - obligent les élus à soumettre leur démission dans un cas pareil, ici, à Maurice, non seulement les députés ne partent pas d'eux-mêmes, mais ils sont soutenus dans leur démarche par un chef du gouvernement demeurant impassible, qu'importe le dénouement judiciaire! Bienvenue dans un État de droit où toutes nos institutions sont méprisées !

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Certes, depuis l'éclatement de cette scandaleuse affaire, où un agent politique a été assassiné, alors que la police a voulu faire croire à un suicide, le Premier ministre avait dès le début, choisi son camp en défendant son colistier de la circonscription N° 8, affirmant que celui-ci, avait son «entière confiance» et était victime «d'une cabale».

Sawmynaden, gonflé alors à bloc par ce sonore appui, pouvait se rendre en cour, sur un tapis rouge qu'on lui avait déroulé : fermeture des rues de la capitale, incroyable déploiement de plusieurs unités de police incluant des tireurs d'élite, présence d'une bande de gros bras, empêchant les journalistes de faire leur travail ! Plus de deux ans plus tard, alors qu'une enquête judiciaire permet aux Mauriciens de constater une série de manquements, alors qu'une magistrate a fait part d'un système favorisant les amis de Sawmynaden dans l'obtention des contrats, après que des charges formelles sont émises contre le député, celui-ci est toujours maintenu en poste! Pour quelle raison est-ce que le Premier ministre donne son soutien à un élu sur qui pèsent des charges aussi inquiétantes dans une toile de fond d'assassinat d'un agent politique ?

Il n'y a pas que Sawmynaden qui, malgré des accusations aussi graves, peut profiter tranquillement de ses privilèges de député ! Deux autres élus, en l'occurrence le PPS Dhaliah, et l'Attorney General sont suspendus à la date du 7 août, après que la Cour suprême a demandé un éclairage, de la part du DPP, sur une private prosecution logée contre ces deux élus dans une affaire d'allégations de pots-de-vin! Encore une fois, les accusations sont suffisamment sérieuses pour que le public ait droit à des réponses de la part du ministre Gobin: a-t-il participé, comme allégué, à une soirée privée au fameux ranch, alors que son ministère était en négociation pour le renouvellement d'un bail? Pourquoi est-ce que le ministre refuse de répondre à cette question s'il n'a rien à cacher ? Si l'opinion publique comprend difficilement cette posture, c'est parce qu'il y a une impression que tout est fait - comme l'a souligné l'avocat Glover - pour que l'ICAC, qui enquête sur cette affaire, n'entende pas la vérité. Quand l'on sait que ce même ICAC a non seulement refusé d'accorder l'immunité recherchée par Ramnarain (un des maillons de cette histoire), mais l'a poursuivi pour trafic d'influence, les conclusions sont permises !

Restent toujours d'autres interrogations : quelles sont les motivations du chef du gouvernement d'accorder son soutien à un ministre qui se réfugie derrière le bouclier de l'ICAC ? À voir la posture de Jugnauth et la différence de traitement d'avec Collendavalloo, on conclut que Gobin a plus de valeur à ses yeux! Alors que l'ancien vice-Premier ministre, sur la base d'allégations, fournies dans un document qu'aurait eu le Premier ministre, a été révoqué, sans ménagement, de son poste! Est-ce que les accusations contre Collendavelloo sont plus sérieuses que le scandale dans lequel un Attorney General et son PPS sont impliqués ? Jusqu'où ira l'indécente bénédiction du Premier ministre envers le ministre Gobin et les députés Sawmynaden et Dhaliah ?

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