Tunisie: Pénurie de certains produits alimentaires - Entre libéralisation et régulation du marché du café

31 Juillet 2023

La Chambre syndicale des torréfacteurs de café relevant de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat appelle à la libéralisation totale du marché du café et son ouverture à la concurrence.

Pain, huile végétale, lait, riz, café, sucre, les pénuries alimentaires à répétition rythment le quotidien des Tunisiens. Toujours la même rengaine. Et les consommateurs, surtouts les nécessiteux d'entre eux, peinent à trouver l'objet de leur quête.

Dans la profusion des informations fusant de toutes parts, les repères sont brouillés, le consommateur se perd et ne sait plus à quel saint se vouer. D'ailleurs, l'Office du commerce tunisien (OCT) vient de publier un communiqué répondant aux informations relayées par certains médias, selon lesquelles trois navires de café auraient récemment rebroussé chemin chargés de leur marchandise après avoir accosté au port de Radès pour incapacité de payement et dément du tout au tout.

Dans de précédentes déclarations, l'OCT qui détient le monopole de l'importation du café depuis 1962, avait indiqué que le stock stratégique de café lui coûtait cher, compte tenu de la hausse des prix sur le marché international et la dévaluation du dinar tunisien. En juillet et août 2022, uniquement 30% des besoins du marché tunisien en café ont, en effet, été couverts, selon l'OCT. Ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs usines de torréfaction durant des mois.

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Le kilogramme est passé de 7 dinars en 2016 à 19,8 dinars en 2023

Sur les 30 mille tonnes de café vert importées annuellement en Tunisie, près de 600 tonnes sont importées directement par les torréfacteurs, soit 2%, selon l'OCT. La Côte d'Ivoire, le Kenya, le Brésil et le Vietnam étant les principaux fournisseurs du pays.

Le coût global de ces importations est passé de 99,800 millions de dinars en 2012 à 150,300 millions de dinars en 2020, selon les derniers chiffres de l'Institut national des statistiques (INS). Le prix de vente au consommateur tunisien d'un kilogramme de grains de café est passé de 7 dinars en 2016 à 19,8 dinars en 2023 dans un pays où le salaire minimum garanti (Smig) ne dépasse pas les 450 dinars.

Pourtant, l'État subventionne ce produit et l'Office du commerce de la Tunisie est chargé des opérations d'importation ou d'exportation, en vertu de la loi régissant le secteur. Sauf que «l'OCT, qui détient le monopole d'importation de certains produits comme le riz, le sucre et le café, n'a aujourd'hui pas suffisamment de stocks pour les distribuer aux torréfacteurs qui, à leur tour, approvisionnent les cafés», note Sadri Ben Azzouz, président de la Chambre nationale des propriétaires de café.

La libéralisation du marché, à quel prix ?

La Chambre syndicale des torréfacteurs de café relevant de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) a, à maintes reprises, appelé à la libéralisation totale du marché du café et son ouverture à la concurrence. La même structure a également plaidé pour la libéralisation des prix de vente des cafés torréfiés et solubles importés. Mais, à quel prix ?

Interrogé par La Presse, l'économiste Jameleddine Aouididi met en garde contre une libéralisation totale des importations de certains produits alimentaires, dont le café. Il se réfère dans ce sens à l'échec de la libéralisation du secteur des fourrages au profit de trois grandes entreprises. Il argumente : «Je me rappelle très bien que cette expérience a eu pour conséquences néfastes l'aggravation de la spéculation et autres pratiques qui ont beaucoup nui à l'intérêt des éleveurs et professionnels du secteur. Pour le secteur du café, je crains les mêmes conséquences en cas de libéralisation totale».

L'économiste émet par ailleurs des réserves contre le système de subvention adopté par l'autorité de tutelle. Un système qui comporte, selon lui, plusieurs failles et qui est à revoir.

«Le déficit commercial en Tunisie est structurel. D'où la nécessité de procéder à une refonte de fond en comble du système macroéconomique afin de parer à toutes les défaillances», conclut-il.

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