Ile Maurice: Musée intercontinental de l'esclavage - Ouverture officielle le 30 août

Le compte à rebours s'emballe au Musée intercontinental de l'esclavage. L'ouverture officielle du musée, situé dans l'ex-hôpital militaire à Port-Louis, est prévue pour le mercredi 30 août. Le même jour s'ouvrira l'exposition de préfiguration, qui jette les bases de ce que sera le musée une fois qu'il sera entièrement prêt, en 2024.

Ce que l'on va «voir»

Du concept abstrait qui a été longuement discuté à la représentation concrète. Il reste un mois avant l'ouverture officielle du Musée intercontinental de l'esclavage, le 30 août. Un mois pour matérialiser un travail entamé depuis mi-2019, quand avait été constitué le concept committee du musée.

À un mois de l'ouverture du musée, l'espace muséal d'environ 450 mètres carrés au rez-de-chaussée de l'aile gauche de l'ex hôpital militaire n'est pas encore habillé. Selon Jean Maxy Simonet, président de l'Intercontinental Slavery Museum (ISM) Mauritius Ltd, le musée sera «à 50-50» numérique et présentation physique. «Nous avons souhaité innover», souligne-t-il. «Ce musée est un projet complexe», martèle-t-il. Plusieurs disciplines y sont réunies : histoire, muséographie, anthropologie, scénographie et les arts, entre autres. «C'est pourquoi il y a d'abord l'étape de l'exposition de préfiguration, pour s'assurer que le musée permanent répondra aux attentes exprimées (NdlR, un exercice de consultations publiques a eu lieu entre octobre 2020 et janvier 2021). Mais aussi pour être sûr que le musée soit d'un niveau acceptable.»

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Le président d'ISM Mauritius Ltd précise que l'exposition de préfiguration va comporter «beaucoup d'éléments du musée permanent. Ils seront améliorés au fil du temps». Exemple : les bustes ethnographiques réalisés par Eugène de Froberville. Ces bustes en plâtre ont été moulés sur des esclaves. Ils datent de 1846. Ces bustes sont aujourd'hui la propriété de la commune de Blois en France, conservés au musée communal du château. Une convention a été signée entre ISM Mauritius Ltd et Blois pour que ces bustes d'esclaves mauriciens soient exposés à Port-Louis. «Mais nous ne pouvons pas encore montrer ces bustes à cause des paramètres stricts de conservation, comme le contrôle de la température et de l'humidité», indique Jean Maxy Simonet. Si le mois prochain, on ne verra pas physiquement ces bustes, par contre, l'exposition de préfiguration va les présenter en format numérique. Une solution digitale en attendant que toutes les conditions de conservation soient réunies au musée, «d'ici décembre», affirme le président.

Plusieurs missions d'experts français ont contribué à l'élaboration du musée. Parmi, une mission du Musée d'Aquitaine à Bordeaux. Ville qui a été le second plus grand port négrier en France. Depuis 2009, le Musée d'Aquitaine a des salles permanentes dédiées au commerce maritime et à l'esclavage. Est-ce que le musée à Port-Louis va montrer des artefacts de Bordeaux ? «Nous n'aurons pas d'artefacts de Bordeaux ou d'autres institutions pour le moment, mais des protocoles d'échanges sont prévus à l'avenir», affirme le président. En entrant dans le musée, la première thématique abordée sera l'histoire de l'ex-hôpital militaire. «Qui a construit cet hôpital ? Quelles sont les techniques utilisées ? Avec quels matériaux ?» L'ex-hôpital militaire, entré en opération en 1740, est l'un des plus anciens bâtiments de Port-Louis. L'étage du musée accueillera la prochaine phase de l'exposition. Elle sera prête «pour février l'année prochaine». C'est aussi pour 2024 que Jean Maxy Simonet prévoit la réalisation totale du musée sur 1 000 mètres carrés

Donner la parole aux esclaves

Le défi de la scénographie : «retranscrire l'intention du musée qui veut donner la parole aux esclaves». Explication de Jean Marie Beslou, enseignant responsable de la formation en scénographie pour le Diplôme de spécialisation aux études d'architecture (DPEA) à l'École nationale supérieure d'architecture de Nantes. Alors que d'autres musées, «qui traitent de ce sujet montrent des objets liés à la condition d'esclave, ici, c'est leurs pensées et leurs paroles. Le but n'est pas d'exposer des menottes ou les conditions physiques du vécu de l'esclave, mais plus des conditions de la résistance».

L'objectif de la scénographie, c'est que le public, en entrant dans les différents espaces du musée, «puisse ressentir quelque chose de fort lié à cette histoire, qui a une part délicate pour tout le monde», ajoute l'enseignant. Ici, l'expérience immersive aura un autre sens. Pas celui des casques de réalité virtuelle, mais une immersion dans des ambiances.

Cinq étudiantes en mastère 2 à ENSA Nantes contribuent au projet. «Le travail effectué est celui des étudiantes, mon rôle a consisté à accompagner leur réflexion», précise Jean Marie Beslou. Cinq étudiants de la branche locale d'ENSA ainsi que des jeunes diplômés travaillent aussi sur le projet.

Pourquoi le musée a-t-il fait appel à ENSA Nantes ? «C'est à cause du manque de connaissances et de compétences locales en scénographie», explique l'enseignant. Cette discipline cherche «mettre en scène divers éléments dans un espace existant, en apportant de la sensibilité. On aurait pu se contenter d'accrocher des choses sur un mur blanc. Mais l'objectif est de raconter une histoire à travers les installations.» L'enseignant confie que la première question posée par les étudiantes d'ENSA Nantes était «quelle est leur légitimité pour participer au projet de musée de l'esclavage à Maurice ?» Une question d'éthique liée à la nature du sujet traité. Un vrai questionnement qui va au-delà du domaine académique et professionnel. Réponse des enseignants: le travail à Maurice est lié à leurs compétences en scénographie. «Dès le départ, j'ai trouvé que c'était très fort», raconte Jean Marie Beslou.

Découverte d'artefacts

Des fouilles archéologiques dans un vieux cimetière à Albion, en 2021 et 2022, ont mis à jour des «objets ayant appartenu à des esclaves», indique Jean Maxy Simonet. Les fouilles ont été conduites par une équipe d'archéologues et d'étudiants, menée par Krish Seetah, Associate Professor à Stanford University. Les artefacts ont été remis au Musée intercontinental de l'esclavage. Ils seront montrés au public. La Banque de Maurice a donné son accord pour que des pièces de monnaie datant de la période de l'esclavage soient exposées à l'ISM Mauritius Ltd. La bibliothèque Carnegie de Curepipe prête «l'original du Code Noir». Jean Maxy Simonet souligne qu'une série de documents sur «la culture, la musique» des esclaves seront exposés.

Lotto Fund : Rs 50 millions pour la phase ii du musée

En 2019-2020, le Lotto Fund a accordé Rs 20 millions pour la rénovation de l'ex-hôpital militaire. Pour la phase II du musée, la mise en place de l'exposition, le Budget 2021-2022 a accordé Rs 50 millions pour deux ans. Les revised estimates pour 2022-2023 indiquent que la contribution du Lotto Fund à la phase II du musée était de Rs 16 millions. Pour l'année financière 2023-2024, la contribution du Lotto Fund est de Rs 35 millions.

Le musée bénéficie de diverses collaborations étrangères. Il y a eu des missions d'experts français. La rénovation des deux salles à l'entrée de l'ex-hôpital militaire a eu environ Rs 1,7 million du Fonds des ambassadeurs des États-Unis pour la préservation culturelle. L'ambassade du Japon à Maurice a fait don d'un ascenseur. Cela facilitera l'accès du public à mobilité réduite au premier étage, où l'espace muséal se poursuivra. «C'est l'un des rares projets de l'État qui n'a pas nécessité beaucoup d'argent. Avec le peu de moyens que nous avons, nous montrons ce dont nous sommes capables, sans gaspiller l'argent public», précise l'ancien haut fonctionnaire.

Visite guidée

Cinq guides seront recrutés pour accompagner les visites et expliquer les thématiques de chaque salle, explique Jean Maxy Simonet, président d'ISM Mauritius Ltd. Il faudra compter entre une heure, voire une heure et demie, pour suivre en détail le parcours proposé dans la dizaine de salles aménagées au rezde-chaussée du Musée intercontinental de l'esclavage.

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