Madagascar: La maison brûle - Certes, mais, et zut !

Le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), crée en 1988 (par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l'environnement), rend son premier rapport en 1990. Le 20 mars 2023, son 6ème Rapport dramatise à souhait : la décennie 2011-2020 est la plus chaude depuis 125.000 ans.

Depuis, le «Sommet de la terre», à Rio de Janeiro (Brésil), en 1992, qui avait abouti à la signature de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, les accords se sont succédés - Protocole de Kyoto-Japon (1997, entré en vigueur en 2005), Accord de Paris-France (2015, entré en vigueur en 2016) - sans que le processus du réchauffement climatique s'inverse. À Glasgow (Écosse), en 2018, il avait même été question de «maintenir en vie» les acquis de la COP21 à Paris.

Autre punchline : depuis 1850, 42% des gaz à effet de serre n'auraient été émis que depuis 1990. D'ici 2030, les températures augmenteront de 1,5°C sur l'ensemble de la planète (extinction d'espèces animales et végétales, baisse de la quantité et de la qualité de l'eau, augmentation des maladies respiratoires, baisse des productions agricoles).

La COP 28 se tiendra à Dubaï (30 novembre - 12 décembre 2023). Elle sera présidée par le directeur général de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi : parce que le pays aurait entamé la transition énergétique depuis 20 ans, étant directement impacté par le réchauffement climatique (déjà 40°C ordinairement), et parce que sans le concours financier des fonds souverains des émirats pétroliers, il serait difficile de concrétiser les projets de diversification énergétique.

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L'ONU le martèle, et on le sait à force de se l'entendre dire: les combustibles fossiles, à savoir le charbon, le pétrole et le gaz, sont les plus grands contributeurs au changement climatique; ils sont responsables de 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de près de 90% de toutes les émissions de dioxyde de carbone.

L'objectif est également parfaitement identifié : limiter le réchauffement global de 1,5° C, ce qui nécessite d'atteindre un pic des émissions de CO2 en 2025, avant une décroissance (d'au moins 65% indiquait l'International Institute for Sustainable Development en octobre 2022) pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Et pourtant, le 31 juillet 2023, le Premier Ministre britannique Rishi Sunak, qui assurait déjà vouloir agir de manière «pragmatique et proportionnée» contre le changement climatique, assumait pleinement la délivrance de centaines de nouvelles licences gazières et pétrolières en mer du Nord : «il est vital que nous renforcions notre sécurité énergétique et capitalisions sur cette indépendance pour procurer de l'énergie plus abordable et plus propre aux foyers et aux entreprises britanniques». Auparavant, en juin 2022, l'Allemagne annonçait son intention d'utiliser davantage ses centrales à charbon face à l'explosion du prix du gaz. Un mois plus tard, en juillet 2022, la Chine engageait la construction de nouvelles centrales à charbon.

C'est bien ce phénomène qu'avait appréhendé le «Forum économique mondial», dans sa note du 28 octobre 2022 : que de nombreux pays voudraient renforcer leur sécurité énergétique à la suite du conflit en Ukraine.

Pourtant, sans aucun lien avec cette guerre-là, dès septembre 2021, l'Ouganda donnait son feu vert au projet pétrolier du groupe pétrolier français TotalEnergies associé à China national offshore oil corporation (Cnooc), après le retrait du britannique Tullow Oil, en Afrique de l'Est : l'oléoduc long de 1443 km traversera l'Ouganda et la Tanzanie, mais surtout passera dans seize aires naturelles protégées. Découvert en 2006, sous le lac Albert, en Ouganda, le gisement de 6,5 milliards de barils est (théoriquement) prometteur de la prospérité que vivent actuellement les émirats arabes ou du même développement qu'avaient connu les pays d'Europe et d'Amérique (et plus tard le Japon, la Corée du Sud et la Chine) à leur âge d'or industriel.

L'Afrique regorge d'hydrocarbures dont le potentiel est inexploité. Et il vaudrait mieux qu'il le reste : ce serait la conséquence de la lettre ouverte, du 13 septembre 2021, qu'avaient adressée aux Nations unies 2000 scientifiques qui demandaient l'adoption d'un «traité de non-prolifération des combustibles fossiles».

Onze banques (dont BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, HSBC, Mizuho, United Overseas Bank) se seraient retirées du projet, mais d'autres continuent de s'activer (Santard Bank d'Afrique du Sud, Sumitomo Mitsui du Japon, Banque industrielle et commerciale de Chine). Si les banques peuvent hésiter, à cause de pressions médiatiques exercées par des organismes comme BankTrack, les États souverains ne s'émeuvent guère d'avoir mauvaise presse quand il s'agit de «National Interest».

Au nom de quoi, et avec quelle supériorité morale suffisante, refuser aujourd'hui à l'Afrique le charbon, le gaz et le pétrole que, hier, on a laissé librement exploiter par l'Europe, l'Amérique, la Russie, le Japon, la Chine, l'Inde, l'Arabie ?

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