Afrique de l'Ouest: Nucléaire - Le Niger, un fournisseur d'uranium essentiel, mais plus incontournable

Minerai d'uranium. L'uranium naturel émet peu de radiation. (Image d'illustration)

Alors que la France a commencé mardi 1er août l'évacuation de ses ressortissants qui souhaitent quitter le Niger, après le coup d'État, des filiales de plusieurs grandes entreprises françaises y sont implantées, notamment Véolia, Vinci, sans oublier Orano, ex-Areva, qui exploite plusieurs gisements d'uranium au nord-ouest du pays et n'a pas prévu d'interrompre ses activités. Si le Niger reste encore l'un des principaux fournisseurs de l'Union Européenne, ses exportations d'uranium sont de moins en moins incontournables tant pour la France et les Européens que pour Niamey.

Le Niger a perdu en 2021 le statut de premier fournisseur d'uranium de l'Union européenne (UE), dépassé par le Kazakhstan. D'après les chiffres d'Euratom, la Communauté européenne de l'énergie atomique, l'uranium nigérien représente tout de même encore un quart des importations européennes de ce combustible indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires. Sur place, c'est la société française Orano (ex-Areva) qui se charge de l'extraction en partenariat avec les autorités locales.

Mais des trois sites miniers confiés au géant français du nucléaire, un seul est encore en activité. Après quatre décennies d'exploitation, un premier gisement a été abandonné en mars 2021, après son épuisement.

Une autre, la Société des mines de l'Aïr, basé à Arlit, à 200 km de la frontière algérienne, est en fin de vie. « Elle produit à peu près 1 950 tonnes par an, estime Emmanuel Grégoire, directeur de recherche émérite à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Mais comme elle est exploitée depuis longtemps, les nouveaux gisements ont une faible teneur en uranium et les coûts de production sont donc plus importants. »

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Le cours de l'uranium ne justifie plus les investissements

Or, après la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, le cours de l'uranium s'est effondré. C'est ce qui explique aussi qu'Orano n'ait pas lancé l'exploitation du troisième site d'Imouraren - pourtant considéré comme l'un des gisements les plus importants au monde. Le site est gardé en réserve, car le cours de l'uranium ne justifie guère les investissements pour l'instant. En attendant, le groupe industriel explore de nouvelles techniques d'extraction.

Les Français ne sont pas les seuls que l'état du marché a refroidis : en 2015, le Niger a octroyé les droits d'exploitation d'une mine à Madaouela, à une dizaine de kilomètres à peine du site d'Artlit. Huit ans plus tard, les travaux ne sont toujours pas lancés, même si dans un communiqué publié lundi 31 juillet, la société canadienne GoviEx assure qu'elle maintient ses activités sur place. La Chine aussi avait obtenu les droits d'exploitation d'un gisement avant d'y renoncer.

Le regain d'intérêt pour l'énergie atomique que l'on observe depuis deux ans a redonné de la couleur aux producteurs. Mais « il faut se souvenir que le Niger est un pays enclavé, rappelle Emmanuel Grégoire. La zone d'exploitation est située en plein désert. Ensuite, il faut transporter l'uranium jusqu'au Bénin, avant de l'envoyer par bateau en Europe : les coûts d'exploitation sont très élevés ».

En 2022, d'après l'Association mondiale du nucléaire, l'institution de référence, le Niger a produit un peu plus de 2 000 tonnes d'uranium contre 4 500 tonnes dix ans plus tôt. Sur la même période, le poids du pays dans la production mondiale est tombé de 7,6 % à 4 %.

Rééquilibrage grâce à l'or et les hydrocarbures

La situation serait plus inquiétante pour Niamey si le pays n'avait pas entre-temps investi dans deux nouvelles filières : l'or et les hydrocarbures. « L'Algérie a des contrats de prospection à la frontière, mais pour l'instant la Chine est le seul pays à exploiter les ressources pétrolières du Niger », précise Emmanuel Grégoire. L'entreprise française TotalEnergies, qui se contentait d'assurer la distribution de l'essence au Niger, a d'ailleurs quitté le pays l'an dernier.

En 2021, les exportations de pétrole représentaient déjà presque autant en valeur que les exportations d'uranium.

Quant à l'or, les gisements sont pour l'instant essentiellement de manière artisanale via l'orpaillage. Mais avec la flambée du cours de l'or depuis la pandémie, le minerai rare est devenu, et de loin, la première source de revenus pour le Niger.

Tout cela a donc entraîné un rééquilibrage entre le pays et ses partenaires commerciaux. Alors qu'en 2016, la France était encore le principal partenaire commercial de Niamey, ce sont désormais les pays du Golfe - et en particulier les Émirats arabes unis - et la Chine qui occupent les deux premières places.

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