Afrique: Evacuation de ressortissants français du Niger - Au-delà des questions de sécurité...

analyse

Une semaine après le coup d'Etat qui a renversé le président Mohamed Bazoum au Niger, la diplomatie s'active. En effet, après le président de la transition du Tchad, une médiation conduite par le Sultan de Sokoto, l'un des plus influents chefs religieux du Nord du Nigéria, est attendue aujourd'hui à Niamey. Pendant ce temps, la France prépare l'évacuation de ses ressortissants résidant dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

L'opération qui était prévue pour commencer le 1er août, vise à assurer leur sécurité, selon le ministère français des Affaires étrangères. Et cela, dans un contexte de crise diplomatique consécutive aux accusations des putschistes nigériens incriminant la France de velléités d'intervention militaire pour rétablir le pouvoir du président déchu.

Quand on voit l'exacerbation du sentiment anti-français dans cette partie de l'Afrique en général et, dans le cas d'espèce, au Niger où l'ambassade de France a, dans la foulée du coup d'Etat du 26 juillet dernier, été la cible de manifestants en courroux, il ne fait pas de doute que Paris a de bonnes raisons de prendre très au sérieux la question de la sécurité de ses ressortissants dans ce pays où le ton monte par ailleurs entre la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et les putschistes.

La montée du ton à Niamey n'est pas de bon augure pour le Niger

Ces derniers ayant été sommés par l'organisation sous-régionale, de remettre le régime déchu en place sous huitaine sous peine de s'exposer à une intervention militaire nonobstant la batterie de sanctions déjà prononcées à leur encontre.

C'est dans ce climat de tensions que le Burkina Faso et le Mali ont, dans un communiqué conjoint rendu public le 31 juillet dernier, affiché leur soutien total et entier aux tombeurs de Mohamed Bazoum, tout en mettant en garde contre toute intervention militaire visant à rétablir le régime déchu du natif de Bilabrine dans la région de Diffa.

Un soutien loin d'être surprenant quand on voit comment dans la lutte contre le terrorisme, tout ou presque séparait les maîtres respectifs de Bamako et de Ouagadougou, de Mohamed Bazoum devenu le principal allié si ce n'est le chouchou des Occidentaux dans une région du Sahel en proie à la nébuleuse islamiste. De sorte qu'au-delà du sentiment d'être adossé à du roc, le président nigérien ne manquait pas de voler dans leurs plumes de ses voisins à la moindre occasion.

Ce faisant, peut-être les militaires au pouvoir à Bamako et à Ouagadougou, espèrent-ils mieux se comprendre entre frères d'armes dans la lutte contre la pieuvre tentaculaire, avec leurs homologues nigériens qui ont déposé le successeur de Mahamadou Issoufou dans les conditions que l'on sait !

Mais, au-delà des raisons officielles invoquées, ce soutien entre frères de régimes de transition auxquels s'ajoute celui de la Guinée, ne paraît pas moins répondre à d'autres impératifs si le sort des tombeurs de Mohamed Bazoum devait peu ou prou déterminer celui de leurs trois soutiens d'aujourd'hui.

Toujours est-il que la montée du ton à Niamey dans ce contexte où la prise de position du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée pourrait raviver les tensions au sein de la CEDEAO, n'est pas de bon augure pour le Niger.

Il faut espérer que la raison finira par triompher

Et on peut se demander jusqu'où ira l'escalade de la défiance entre les deux camps antagoniques qui se dessinent aujourd'hui. C'est pourquoi, au-delà des questions de sécurité, l'empressement de Paris à évacuer ses ressortissants du Niger, ne manque pas d'interroger.

Car, on se rappelle que même au plus fort de la crise au Mali et au Burkina Faso où les forces françaises Barkhane et Sabre ont été respectivement priées de plier bagage pour les raisons que l'on sait, Paris n'en est pas arrivée à une telle décision extrême d'évacuation de ses ressortissants.

Pourquoi en va-t-il autrement au Niger ? Que cache une telle décision ? Faut-il y voir de simples précautions d'usage ? Ou, au contraire, les prémices d'une situation potentiellement explosive dans un contexte où au-delà des accusations contre Paris qui ne jure que par le président Bazoum, le ton ne cesse de monter entre la CEDEAO et les putschistes ?

L'histoire sans doute le dira. Mais, de Kigali à Tripoli en passant par Bangui, cette même histoire nous enseigne aussi que chaque fois que les grandes puissances s'engagent à évacuer leurs ressortissants, c'est que quelque chose se prépare. Quant au Mali, au Burkina Faso et à la Guinée qui sont autant de transitions tenues à l'oeil par la CEDEAO, c'est peu de dire que, par cette prise de position plutôt osée, elles se mettent davantage dans le collimateur de l'organisation sous-régionale.

Dans le même temps, on peut se demander si la CEDEAO elle-même qui, au-delà de sa crédibilité, semble jouer son va-tout, ne court pas le risque d'une implosion si les positions des uns et des autres doivent rester figées.

En tout état de cause, maintenant que le décor est planté et que les positions sont tranchées, si les uns et les autres devraient mettre à exécution leurs menaces, les conséquences n'en seraient que plus dommageables pour l'ensemble de la sous-région. C'est pourquoi il faut espérer que la raison finira par triompher.

Car, aussi approximative que soit la raison du coup de force du général Tchiani, on peut douter que la démocratie au bout du canon que veut imposer la CEDEAO, apporte plus de bonheur au peuple nigérien. C'est dire si de part et d'autre, une véritable introspection s'impose.

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