Sénégal: Avancée de la mer, manque d'électricité, accès aux soins - Ces goulots qui étranglent Bassoul, la belle île

1 Août 2023

Dans la commune de Bassoul (région de Fatick), les populations font face à de nombreux problèmes. Les cinq villages qui constituent cette localité des Îles du Saloum partagent en commun les mêmes difficultés. Entre autres soucis, il y a l'avancée de la mer, les difficultés dans l'accès aux soins, le manque d'électricité, le défaut de réseau téléphonique. Autant de défis qui préoccupent les autorités municipales.

Elle est merveilleuse de par sa nature. Aller à Bassoul, c'est se rendre dans un endroit idyllique où l'environnement est sublime. Toutefois, elle baigne dans un îlot de problèmes. La commune de Bassoul est à l'image d'un enfant orphelin, qui manque de tout. Une double peine ! Au-delà de son enclavement, principal problème, cette localité, située dans la région de Fatick, fait face à un sérieux problème environnemental, avec l'avancée de la mer. Constituée de cinq villages (Bassoul, Bassar, Thiallane, Siwo et Diogane), elle est peuplée de 15.000 âmes, selon des statistiques de 2018. Ici, les menaces sont réelles, surtout en cette période d'hivernage où les eaux remontent à la surface. Il y a, à peine deux ans, Siwo, l'un des cinq villages de la commune de Bassoul, se faisait surprendre par la mer. Cette dernière était montée jusque dans les maisons. Étonnés, les habitants avaient même appelé au secours par l'intermédiaire d'Abdou Senghor, un natif du village. Il avait posté les images sur sa page Facebook pour tirer sur la sonnette d'alarme. Aujourd'hui, c'est quasiment la même situation dans les autres îles comme Bassoul. Ici, l'eau titille les concessions, qui sont à proximité, malgré l'existence d'un barrage frugale, fait de sacs de sable. Le terrain de football, situé à quelques mètres du bras de mer, se voit caresser par l'eau, comme d'habitude. L'étreinte peut sembler parfois si rugueuse que les potaches ont du mal à jouer au football.

De l'autre côté du village, non loin du ponton liant Bassoul à Bassar, situé à l'Ouest, des enfants jouent à cache-cache, dans une construction déserte, une place réservée au commerce. Un peu plus loin, des pirogues bien décorées sont fixées sur les abords du bras de mer. C'est la période des réfections. À cinq minutes de là se trouve la mairie.

Comme constaté par Ousmane Thiaré, avec les eaux pluviales, la situation devient de plus en plus ingérable. L'Officier d'état civil, par ailleurs conseiller du maire, explique que l'avancée de la mer reste un souci majeur pour tous les villages de la commune. Actuellement, « la marée a atteint un niveau très haut, à cause des eaux de pluie. C'est pourquoi c'est encore plus compliqué », confie M. Thiaré.

Les problèmes soulevés par l'Officier d'état civil sont valables pour tous les autres villages de la commune. Chacun oppose une farouche résistance à l'avancée de la mer. Comme c'est le cas à Thiallane où les jeunes ont jugé nécessaire de créer une digue pour la freiner. La situation est plus dangereuse en période d'hivernage, car les périodes de crue sont beaucoup plus fréquentes et très dévastatrices.

Absence de soins de qualité

La prise en charge sanitaire est une maladie commune à tous les cinq villages. Toutefois, y remédier reste l'un des grands défis des autorités municipales. Au bureau d'Ousmane Thiaré, plusieurs documents sont éparpillés sur une petite table. En ce milieu de semaine, il est très sollicité par les habitants. Soit pour des extraits de naissance, soit pour d'autres documents administratifs. À travers ces va-et-vient, le jeune homme semble actif et disponible. Profitant de la pause, le natif du village de Bassoul évoque le souci des soins de santé. Certaines de ses révélations font froid dans le dos : « L'absence d'une ambulance médicalisée demeure un véritable problème. Or, les malades doivent être évacués vers Foundiougne ou Sokone sur de longues distances, en un temps record. Parfois, l'évacuation n'aboutit même pas, puisque le malade décède le plus souvent. Au-delà de la distance, il faut aussi noter les moyens à mobiliser. Le carburant fait parfois défaut ».

En plus des décès enregistrés en cours d'évacuation, comme expliqué par M. Thiaré, les consultations prénatales constituent aussi une grande préoccupation pour les populations de cette commune. Les villages sont dotés de structures sanitaires modestes. C'est pourquoi, selon le conseiller du maire, des femmes sont obligées d'aller dans d'autres localités comme Sokone pour des besoins d'échographie. En tant que chef-lieu de commune, le village de Bassoul se rabat sur un centre de santé. Il est construit, sur fonds propres, par les jeunes du village à hauteur de 50 millions de FCfa. Mais, sa couverture n'est pas aussi rassurante, puisque les populations des autres villages préfèrent parfois aller voir ailleurs, pour se soigner.

Encore trois villages à électrifier....

C'est parfois irréel dans l'esprit de certains. Mais, c'est avéré que des villages de la commune de Bassoul manquent totalement d'électricité. Reliées à Bassar par un ponton, ces deux localités voisines bénéficient du même système d'alimentation. Elles se partagent la centrale électrique au détriment des autres villages : Thiallane, Diogane et Siwo. Ce qui est perçu comme « une grande injustice » de la part de ces trois autres villages « marginalisés ».

La mairie a apporté des éclaircissements sur cette situation. À en croire les autorités, des projets sont en cours pour mettre fin à ce calvaire dans ces villages. C'est ainsi qu'il est prévu, selon toujours la mairie, l'extension de l'électricité vers ces trois îles de la commune. Au village de Bassoul, les nouvelles cités n'ont pas encore de courant. L'électricité n'y est pas encore parvenue. Installée il y a deux ans, la nouvelle équipe municipale, constituée de jeunes a, pour objectif principal, de doter Thiallane d'une centrale électrique.

En même temps, elle se bat pour un bon réseau téléphonique dans la localité. « Il nous faut un bon réseau téléphonique. C'est pourquoi, nous nous activons pour l'implantation d'antennes téléphoniques, dans les autres villages de la commune. Bassoul en a déjà. Parfois, on accuse toujours du retard lors des réunions à cause du problème de réseau. On arrive difficilement à émettre des appels », se désole Ousmane Thiaré.

Santé, éducation: le calvaire des femmes et des enfants

Ils sont femmes en couche, ou encore potaches qui se lèvent aux aurores pour regagner leur établissement. Leur dénominateur commun : vivre au quotidien le purgatoire, soit pour mettre au monde leur enfant ou encore aller à l'école. À Bassoul, le désarroi est palpable, à travers leurs récits.

Sophie Thior est l'une des femmes à avoir vécu l'enfer. Enceinte, la jeune dame a failli perdre la vie. Sans hésitation, elle refait le film de sa journée cauchemardesque. « J'étais à mon terme. Puisque dans mon village, il n'y a pas de structures sanitaires adéquates, je me suis fait accompagner par une voisine à Bassoul, notre chef-lieu de commune. Malheureusement, les moyens pour la prise en charge n'étaient pas au rendez-vous », se désole-t-elle. Les agents de santé étaient obligés de l'évacuer en pleine nuit vers Foundiougne, à des kilomètres, et le plus dommage, « c'était à bord d'une pirogue, sous un vent froid et sans protection. J'étais complètement exposée. Je ne suis même pas capable de dire exactement ce que j'ai vécu lors de cette évacuation nocturne. Seul Dieu m'a sauvée », se souvient Sophie Thior.

Les larmes aux yeux, Fatou Sarr, quant à elle, ne peut pas oublier le jour où elle a avorté, alors que c'était sa toute première grossesse. Partie à Bassoul, elle a été finalement évacuée à Mbour. Après un long moment de silence, la jeune Fatou a pu trouver quelque force pour raconter son histoire. « De Thiallane, j'ai été amenée au village de Bassoul, pour par la suite, être évacuée à Mbour. J'étais tellement fatiguée à cause de la distance et surtout des conditions météorologiques », se rappelle-t-elle. Sa belle-mère, qui était partie avec elle, était même très émue face à cette situation se souvient-elle. Elles étaient certes arrivées à destination, mais finalement « j'avais malheureusement avorté », fait-elle savoir.

Dans cette commune, faire ses études n'est pas chose aisée. Surtout pour les villageois de Thiallane. Les élèves font chaque jour la traversée du bras de mer pour aller à l'école. Durant toute l'année scolaire, collégiens et lycéens se lèvent trop tôt, pour rejoindre les classes. Bien qu'il profite des vacances, Issa Sarr a toujours le souvenir des moments durs vécus pendant la traversée. Le ton taquin, il a déjà la hantise de la prochaine ouverture. « On se lève chaque jour, dès le premier chant du coq. En allant à l'embarcadère pour prendre la pirogue, on tremble comme des malades, tellement il fait froid. Parfois, tu peux faire un faux pas ou trébucher et par conséquent, toucher l'eau qui vous mouille du coup », explique le potache. Selon lui, on ne peut pas compter le nombre de retards et même d'absences enregistrés durant l'année scolaire et cela a sans doute des répercussions sur les résultats en classe. Actuellement, « j'ai déjà trop peur parce-que l'enfer arrive petit à petit avec l'approche de la reprise des cours », explique-t-il, le sourire aux lèvres.

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