Sénégal: Des leaders politiques et de la société civile commentent la dissolution de Pastef-Les patriotes

Dakar — - La rupture du dialogue entre l'opposition et la majorité présidentielle est à l'origine de la dissolution de Pastef-Les patriotes, le parti de l'opposant Ousmane Sonko, estiment des leaders de partis politiques et des militants de la société civile.

Arrêté vendredi 28 juillet et placé en garde à vue, le maire de Ziguinchor (sud) a été inculpé et placé sous mandat de dépôt par un juge d'instruction, lundi 31 juillet.

Il est poursuivi en justice pour appel à l'insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l'État, complot contre l'autorité de l'État, actes et manoeuvres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves.

Selon le parquet du tribunal de grande instance de Dakar, M. Sonko, candidat à l'élection présidentielle de 2024, est également soupçonné d'avoir commis des faits d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, de vol d'un téléphone portable et de diffusion de fausses nouvelles.

Quelques heures après l'annonce de son inculpation et son placement sous mandat de dépôt, le ministre de l'Intérieur, Antoine Diome, a annoncé la dissolution de Pastef-Les patriotes, son parti politique.

Selon M. Diome, Pastef-Les patriotes a été dissous par un décret du président de la République, Macky Sall.

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« C'est l'absence de dialogue qui est à l'origine de tout ce que nous vivons aujourd'hui. On a eu deux alternances politiques, on était en avance sur beaucoup de pays africains, en matière de démocratie. Les gens doivent s'asseoir pour discuter, trouver des solutions et avancer », dit l'historienne Penda Mbow, ancienne ministre et militante de la société civile.

« Nous ne nous sommes pas battus pour en arriver à cette situation, où on dissout des partis politiques et emprisonne » des opposants, ajoute-t-elle.

La dissolution de Pastef-Les patriotes emmène Penda Mbow à penser que « les partis politiques et leurs leaders doivent privilégier le dialogue, le débat, les propositions et les solutions à nos problèmes ».

« Si c'est cela le résultat des nombreuses décennies de lutte et de travail qui visaient à améliorer notre démocratie, elles n'en valaient vraiment pas la peine, donc. Tous les équilibres du pays sont rompus aujourd'hui. Il est temps que les gens se ressaisissent. S'ils ne le font pas, je ne sais pas comment on pourrait s'en sortir », prévient l'historienne et ancienne ministre de la Culture.

Penda Mbow, qui a soutenu les luttes démocratiques pendant plusieurs décennies, rappelle que « des gens se sont sacrifiés pour instaurer la démocratie comme mode de fonctionnement de notre pays et de notre société ».

« Je suis profondément déçue de la tournure que prennent les événements au Sénégal, déçue également qu'on en arrive à cette situation de ni paix ni guerre, dans un contexte où la jeunesse est dans une situation extrêmement difficile », s'inquiète-t-elle.

« La dissolution de Pastef pose l'éternel conflit entre les rôles de juge et de partie du président de la République »

Djibril Gningue, l'un des dirigeants du Groupe de recherches et d'appui à la démocratie participative et à la bonne gouvernance, « une organisation non partisane, à but non lucratif », est d'avis que le placement sous mandat de dépôt d'Ousmane Sonko et la dissolution de son parti politique « sont la preuve que le procureur a des pouvoirs excessifs au Sénégal ».

L'excès de pouvoir est contraire à la démocratie, affirme M. Gningue, estimant que « la démocratie rime avec l'équilibre des pouvoirs ».

« Il est temps, comme cela a été suggéré lors des Assises nationales (2008-2009), qu'il y ait des réformes permettant d'instituer un juge des libertés, avec des pouvoirs pouvant lui permettre de s'opposer à de telles mesures », propose Djibril Gningue.

Le président de la République est allé vite en besogne en dissolvant Pastef-Les patriotes, selon lui.

« C'est une dissolution extrajudiciaire », juge-t-il, estimant que « le droit d'association fait partie des droits civiques, qui doivent faire l'objet d'une protection particulière en démocratie ».

L'opposant Abdourahmane Diouf, leader du parti Awalé, dénonce l'emprisonnement d'Ousmane Sonko. « C'est l'aboutissement d'une justice politique qui s'acharne sur l'opposition depuis 2013 », écrit-il sur Twitter.

Le député et ancien ministre Thierno Alassane Sall estime que « la dissolution de Pastef pose l'éternel conflit entre les rôles de juge et de partie du président de la République ».

M. Sall, leader du parti d'opposition La République des valeurs, évoque « la nécessité absolue de dissocier ces deux rôles, pour le bien de la démocratie sénégalaise ».

« Les fondements juridiques sur lesquels repose cette décision de dissolution sont obsolètes et scélérates. Ils ne cadrent pas avec les exigences du droit [...], notamment le respect d'un certain nombre de principes comme celui du contradictoire, du caractère graduel des sanctions et des droits fondamentaux », commente Thierno Alassane Sall.

Taxawu Senegaal, la coalition que dirige l'ancien ministre Khalifa Sall, invite le gouvernement à « prendre des mesures d'apaisement pour sauvegarder la paix, la sécurité et la stabilité sociale ».

Dans un communiqué, M. Sall, ancien député et ancien maire de Dakar, réclame « la libération [d']Ousmane Sonko et le rétablissement » des droits qui lui sont octroyés en tant que leader d'un parti politique.

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