Afrique de l'Ouest: Des émissaires de la CEDEAO à Niamey sur fond de préparation de l'intervention militaire - La médiation de la dernière chance ?

Explications sur les sanctions de la CEDEAO au Niger

A quelques jours de la fin de l'ultimatum lancé par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à la junte nigérienne, les initiatives de médiation se multiplient.

C'est dans ce cadre qu'une délégation officielle de l'organisation sous-régionale, conduite par l'ancien président nigérian, le général Abdulsalami Abubakar, appuyé par le très influent sultan de Sokoto, Muhammadu Sa'adu Abubakar, est arrivée le 2 août dernier à Niamey. L'objectif est de s'entretenir avec les militaires putschistes à l'effet d'explorer les voies et moyens de sortie pacifique de crise suite au coup d'Etat du 26 juillet dernier contre le président Mohamed Bazoum qui est toujours détenu par les militaires. Pendant ce temps, les chefs d'Etats-majors des pays de la CEDEAO sont réunis en conclave à Abuja, pour élaborer le plan d'intervention au Niger, définir une stratégie en prenant en compte les aspects logistiques ainsi que le calendrier.

Le temps presse

C'est dire si parallèlement à l'option diplomatique, la CEDEAO fourbit ses armes, au propre comme au figuré, à l'effet de passer à l'offensive militaire dans sa volonté de faire du cas nigérien, un exemple de tolérance zéro à l'endroit des coups d'Etat dans son espace géographique. Et cette façon d'allier plusieurs options, est une manière, comme une autre, de mettre la pression sur les tombeurs de Mohamed Bazoum. Lesquels ne montrent, pour le moment, aucun signe de fléchissement malgré la batterie de sanctions économiques et financières prises à leur encontre, s'ils ne se préparent pas à faire face à la situation.

C'est pourquoi, à voir la frénésie de la CEDEAO dans la préparation d'une éventuelle intervention militaire, on se demande si la médiation du Général Abdulsalami Abubakar et sa suite, n'est pas celle de la dernière chance, avant de lancer l'assaut. D'autant plus qu'au-delà du temps qui est compté, l'intermédiation du président de la Transition tchadienne, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, qui avait effectué le déplacement de Niamey, le 30 juillet dernier, n'a visiblement rien donné. Sans oublier qu'à en croire certaines sources, la tenue d'un autre sommet n'est pas nécessaire pour passer à l'action, en cas de non-respect de la mise en demeure par les putschistes.

C'est à se demander si la CEDEAO ne se sent pas, à présent, sous la pression de son propre ultimatum. Et ce, au moment où la junte menée par le Général Tchiani, semble rester droite dans ses rangers malgré l'avalanche de condamnations et le poids des sanctions de la communauté internationale. Toujours est-il que le temps presse. Et il y a des raisons de croire que dans sa volonté d'aller vite en besogne en faisant, cette fois-ci, davantage preuve de fermeté, l'organisation sous-régionale qui joue plus que sa crédibilité, a été instruite par les événements du passé.

En engageant l'épreuve de la force, la CEDEAO n'a pas d'autre choix que de réussir à déloger le Général Tchiani du palais présidentiel

Il y a, par exemple, le cas de la transition malienne que la CEDEAO traîne toujours comme un boulet au pied, et dans lequel on ne peut pas dire que les sanctions économiques et financières ont véritablement produit les effets escomptés de la restauration du pouvoir de l'ex-président Ibrahim Boubacar Keita, encore moins du rétablissement de l'ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.

Pour cette raison et pour bien d'autres, il est aisé de comprendre que dans le cas du Niger, qui apparaît comme le coup d'Etat de trop, la CEDEAO veuille changer son fusil d'épaule en optant aussi pour la manière forte. Mais le pari n'en paraît pas moins risqué. Car, autant l'institution sous-régionale a tout à gagner en sortant vainqueur de son bras de fer avec la junte militaire au Niger, autant elle a tout à perdre en cas d'échec.

En effet, dans le premier cas, au-delà de son honneur et de son image, c'est un message fort qu'elle enverrait aux juntes des pays en transition qu'elle continue de surveiller comme du lait sur le feu, en se montrant désormais intraitable face aux coups d'Etat. Dans le second cas, un échec de l'offensive militaire de la CEDEAO sonnerait non seulement le glas de son autorité, mais aussi de la démocratie dans son espace géographique.

Et peut-être même en Afrique ; tant au regard de ce qui se passe ailleurs sur le continent comme en Afrique centrale par exemple, on a parfois l'impression que la CEDEAO est pratiquement l'une des seules institutions régionales, à montrer encore son attachement au respect de la légalité constitutionnelle et de la démocratie.

C'est dire si en engageant, parallèlement à la diplomatie, l'épreuve de la force pour réinstaller Mohamed Bazoum au pouvoir, le nouveau président en exercice de la CEDEAO, le Nigérian Bola Tinubu, qui a annoncé la couleur de son aversion pour les changements anticonstitutionnels dès sa prise de fonction, n'a pas d'autre choix que de réussir à déloger le Général Tchiani du palais présidentiel de Niamey.

Réussira-t-il à relever le challenge ? On attend de voir. En tout état de cause, après l'expérience plutôt mitigée des transitions en cours dans son espace géographique, tout porte à croire que la CEDEAO est dans la logique du ça passe ou ça casse. La stratégie s'avèrera-t-elle payante ? C'est le wait and see.

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