Cameroun: Liberté d'expression empêchée - Les autorités du Noun protègent les agresseurs des paysans Bamiléké

Les autorités administratives et judiciaires de l'arrondissement de Foumbot et du département du Noun ne font rien pour interpeller et juger les jeunes délinquants qui agressent, volent et profèrent des discours de haine contre les Bamiléké. Malgré les nombreuses plaintes des agressés et leurs manifestations pacifiques.

Une quinzaine de personnes ont été blessées à la machette le mardi 25 juillet dernier alors qu'ils manifestaient pour dénoncer l'absence de poursuites et de sanctions contre des jeunes qui agressent les personnes et volent les récoltes de maïs dans les plantations situées sur la rive gauche du fleuve Noun. Les personnes atteintes ont été conduites à l'hôpital de district de Foumbot. Pour l'instant, aucune source officielle n'a communiquée sur l'identité des victimes. Egalement, les manifestants sont sortis, notamment au niveau du village Kwetvù ou Bamougoum II pour dénoncer le fait que les jeunes délinquants profèrent, impunément, des discours de haine en disant « Les Bamileké, rentrez chez vous !

On ne vous veut pas dans le Noun.» Au moment où des jeunes cultivateurs sont sortis avec des pancartes et autres symboles au niveau de la route nationale qui traverse le village Mangoum dans l'arrondissement de Foumbot, pour dénoncer pacifiquement les abus dont ils sont victimes depuis deux semaines, ils ont été attaqués par des jeunes gens armés de machettes. Les gendarmes et policiers présents sur les lieux, selon le cameraman d'Equinoxe Télévision, n'ont rien fait pour neutraliser les agresseurs. Au contraire, ils ont dit à l'homme des médias de se mettre hors du décor, car ils ne sont pas garants de sa sécurité.

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Les assaillants qui « pillent, violent, volent et tuent »

Arouna Njomgang Nguepnang, chef du village Njimbouot-Fongué dit Batoufam II, dénonce le laxisme observé par le commandant de la Brigade de gendarmerie de Kwetvut, territorialement compétente sur la rive gauche du Noun. Le sous-préfet de l'arrondissement de Foumbot, Jude Ewané Bong, rencontré le lundi 24 juillet dernier par les chefs de village de la rive gauche du Noun, est aussi épinglé pour son silence face à l'atrocité déployée à répétition par des délinquants qui appellent à la chasse aux Bamiléké de la rive gauche du Noun. Les autorités judicaires, notamment les magistrats du parquet de Foumbot, sont accusées de n'avoir jamais diligenté des enquêtes suite aux plaintes portées contre les assaillants qui « pillent, violent, volent et tuent ». Arouna Njomgang fait savoir que cette fois, ces délinquants ont décidé de délester de nombreux cultivateurs de leurs récoltes de maïs. Certaines sources affirment qu'ils agissent avec le soutien de certains dignitaires de la ville de Foumbot à qui ils livreraient les récoltes volées.

Ainsi, ce qui se passe sur la rive Gauche du Noun pousse à croire que l'Etat du Cameroun semble ne rien faire pour garantir la liberté d'expression et de manifestation des cultivateurs qui dénoncent les agressions dont ils sont victimes et l'impunité dont bénéficient les délinquants. Impunité qui semble leur donner plus de zèle. Me Julio Koagne, avocat au barreau du Cameroun, fait observer que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en son article 2 alinéa 3 prévoit : « 1. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à prendre, en accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions du présent Pacte, les arrangements devant permettre l'adoption de telles mesures d'ordre législatif ou autre, propres à donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte qui ne seraient pas déjà en vigueur.

Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à:

a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles;

b) Garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel;

c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. »

Il poursuit en brandissant l'article 19 qui précise : « 1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;

b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.»

« Organiser une campagne d'expulsion des Bamiléké »

En rappel, courant 2020, la tension est montée d'un cran entre les chefs de village de la rive gauche du Noun et le palais de Foumban. A l'origine, une note du sultan enjoignant ces chefs de mettre à disposition d'un certain nombre de personnes d'importantes parcelles de terrain. Outre ce fait, il y a la descente effectuée par le 1er adjoint du sultan Roi des Bamoun le 15 mars 2020 à Momo et à Tedjouonoun. A la tête d'une délégation constituée de quelques notables et ministres du palais, il avait ordonné l'arrêt des travaux de construction de certaines maisons.

Selon Nji Dr. NgoupayouInoussa, cette descente n'avait nullement les intentions qu'on lui prête. Le 1er adjoint du sultan d'alors indique que la délégation qu'il conduisait allait simplement passer un message de paix du sultan et inviter les populations à adhérer au combat qu'il mène pour préserver les terres qui sont bradées selon lui, par les chefs locaux. « Un défunt chef avait effectivement fait de la vente des terrains son exercice favori », reconnaît le chef de Kwetvu. « Mais on ne peut pas prendre l'exemple de ce chef qui n'est plus en vie pour généraliser à tous les autres », nuance SM Dassi Tankam avant d'accuser les personnes nommées par le palais d'être au centre de la vente sauvage des terrains. « Quand ils arrivent, ils demandent qui vous a installé. Ensuite, ils vous demandent de quitter », martèle-t-il. Cet avis épouse en partie celle de l'Association des jeunes pour la promotion de la culture, l'éducation et le développement économique et social (Ajpcedes).

Cette organisation de la société relevait dans son rapport sur la crise de la rive gauche du Noun publié en 2017, que « les "Mutjü", investis comme gardiens des domaines des rois Bamoun, ont organisé une véritable campagne d'expulsion des Bamiléké sur des parcelles qu'ils exploitent depuis des années. Ils ont redistribué des parcelles aux Bamoun, en piochant sur les parcelles déjà aux mains d'autres personnes (majoritairement Bamiléké), malgré le fait qu'ils étaient seulement autorisés à distribuer des parcelles vierges, non exploitées. Dans d'autres cas, ils distribuent à plusieurs personnes la même parcelle, ce qui provoque des affrontements entre personnes ou groupe de personnes.

En réaction, elles se sont engagées dans des manifestations violentes et meurtrières ».Pour mémoire, un sanglant conflit entre les populations de la rive gauche du Noun en mars 2013, avait fait au moins deux morts, des dizaines de blessés et d'importants dégâts matériels. Du côté de la préfecture de Foumban, personne ne veut aborder cette question ouvertement. Là, on fait savoir que les chefs et les chefferies traditionnelles d'origine Bamiléké installés depuis 1920 à la rive Gauche du Noun sont des « chefs de communauté ». Une position proche de celle du sultanat Bamoun à Foumban.

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