Afrique de l'Ouest: Suspension de RFI et de France 24 - Niamey à l'école de Ouagadougou et de Bamako

Siège de RFI et de France 24 à Issy-les-Moulineaux.

Ça y est ! Niamey vient d'emboîter le pas à Bamako et Ouagadougou en suspendant RFI et France 24. En le faisant, les putschistes nigériens cherchent à s'attirer la sympathie de l'opinion nationale dans un contexte où va crescendo le sentiment anti-français au Sahel.

Cette décision intervient 24 heures seulement après que le numéro 2 de la junte est allé à la rencontre des présidents malien et burkinabè. En tout cas, pendant que la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) s'active à peaufiner sa stratégie d'intervention en vue du rétablissement de l'ordre constitutionnel à Niamey, en cas d'échec de l'option diplomatique, le chef de la junte qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le 26 juillet dernier, le Général Abdourahamane Tchiani, prend ses quartiers au palais présidentiel. C'est ainsi que dans le cadre de la célébration du 63ème anniversaire de l'indépendance de son pays, il s'est adressé à ses compatriotes dans un discours solennel aux relents nationalistes, qui laisse peu de place au doute sur sa détermination à assumer son coup de force pour rester à la tête de l'Etat.

la junte semble déterminée à se maintenir au pouvoir en dépit de la pression croissante

Justifiant une fois de plus l'intervention de l'armée par l'incapacité du régime déchu à relever les défis sécuritaires auxquels le pays est confronté, il a condamné les sanctions de la CEDEAO qu'il qualifie d'« illégales, injustes et inhumaines ». Il a aussi déclaré les « rejeter en bloc » et refuse « de céder à toute menace », tout en réitérant l'engagement des militaires à la sauvegarde de la patrie. Il a conclu en réaffirmant la détermination des militaires à protéger le Niger et à ne pas trahir les aspirations du peuple nigérien.

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Dans la foulée, plusieurs manifestations de soutien au régime ont été enregistrées, hier, 3 août 2023, à l'occasion de la célébration de la fête de l'indépendance. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la junte qui continue de détenir le président Mohamed Bazoum renversé une semaine plus tôt, semble déterminée à se maintenir au pouvoir en dépit de la pression croissante de la CEDEAO et de ses partenaires internationaux.

La preuve en est le discours du chef de la junte aux accents peu équivoques, mais aussi toutes ces manifestations visant à montrer l'adhésion du peuple nigérien à la cause des putschistes. Si la spontanéité de ces manifestations de soutien peut être sujette à caution, car relevant généralement et en pareilles circonstances, souvent du fait de soutiens aux motivations diverses, et parfois à la solde des puissants du moment, on peut se demander, par contre, s'ils sauveront le « soldat » Tchiani. La question est d'autant plus fondée que les lourdes sanctions de blocus économique qui ont été prises contre la junte, ne tarderont pas, si ce n'est déjà le cas, à faire sentir leurs effets. Déjà, le Nigéria a coupé son approvisionnement en électricité au pays qui dépend à 70% de son géant voisin anglophone.

L'autre équation qui se présente au Général Tchiani, est de trouver la parade aux sanctions économiques de la CEDEAO

Au même moment, l'épée de Damoclès de l'intervention militaire de la CEDEAO se fait de plus en plus pesante sur la tête des putschistes, à l'approche de la date d'expiration de son ultimatum. C'est dire si en dépit de la teneur de son discours qui se voulait aussi engagé que rassurant pour ses compatriotes, et du réconfort moral des soutiens extérieurs exprimés ou glanés par-ci par-là, le Général putschiste se sait plus que jamais dans le collimateur de la CEDEAO décidée à laver son honneur et à redorer son blason dans le bras de fer pour le triomphe de la démocratie.

Et au-delà de l'épouvantail de l'intervention militaire que la CEDEAO présente comme sa dernière option, l'autre équation et pas des moindres qui se présente au Général Tchiani, est de trouver la parade aux sanctions économiques de l'organisation sous-régionale pour atténuer les souffrances de ses compatriotes. Autrement, il court le risque de voir certains de ces mêmes soutiens qui le portent en triomphe, se retourner demain contre lui. Car, comme le dit le célèbre adage, « ventre creux n'a point d'oreilles ».

Et il est aussi bien connu le dicton selon lequel « sac vide ne tient pas debout ». Autant dire que le tombeur de Mohamed Bazoum gagnerait à faire siens, ces propos du Premier ministre malien de la transition, Dr Choguel Kokalla Maïga, qui sait mieux que quiconque de quoi il parle quand il dit, s'agissant de ses compatriotes, que « tous ceux qui nous soutiennent aujourd'hui, s'ils n'ont pas à manger demain, sont les mêmes qui vont prendre des cailloux pour nous renvoyer. Les discours patriotiques et nationalistes peuvent tenir un an, deux, trois ans (..).

Sur la durée, c'est l'économie qui tient ». Le Général Tchiani est donc prévenu. Sauf que dans le cas d'espèce, la CEDEAO ne lui a pas donné deux à trois ans pour rendre le pouvoir, mais seulement une semaine, et c'est déjà demain.

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