Burkina Faso: Proclamation de l'indépendance de la Haute-Volta - « Il n'était plus question de rester colonisés » Me Titinga Frédéric Pacéré

Le Burkina Faso a accédé à l'indépendance, le 5 août 1960. A l'occasion du 63e anniversaire de son accession à l'indépendance, Me Titinga Frédéric Pacéré qui a assisté à l'évènement revient sur ce pan de l'histoire du pays dans les colonnes de Sidwaya.

5 août 1960-5août 2023, cela fait 63 ans que le Burkina Faso est indépendant. Me Titinga Frédéric Pacéré fait partie des Burkinabè qui ont suivi de près la proclamation de l'indépendance par le président Maurice Yaméogo. Pour lui, cette date historique est intervenue à un moment particulier de sa vie. Il a obtenu le Certificat d'études primaires en 1956 et a décroché son brevet en juin 1960. « Je venais aussi d'être admis à l'école normale de Dabou en Côte d'Ivoire. J'étais très heureux lorsqu'on devait proclamer l'indépendance et je ne voulais pas me faire conter l'évènement », a-t-il confié.

Il a donc quitté la ville de Koudougou pour la capitale Ouagadougou, le 4 août 1960, en fin de matinée car la proclamation était prévue pour minuit. « Sur les lieux, à l'esplanade du palais présidentiel, il y avait un monde fou du palais jusqu'à l'hôtel indépendance », a-t-il expliqué. A l'écouter, il n'était pas loin de l'étage où le président Maurice Yaméogo devait prononcer son discours. « Le 4 août à minuit pile, Maurice Yaméogo proclame l'indépendance en présence du ministre des Affaires étrangères, Moussa Kargougou, le père de l'actuel ministre de la Santé qui a entonné l'hymne La Volta.

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Il y avait de l'émotion, le ministre était troublé à tel point que nous nous sommes mis à applaudir. Sa voix semblait être enrhumée, tout le monde était troublé et immédiatement l'abbé Robert a entamé l'hymne », s'est-il remémoré. Me Pacéré a, en outre, relevé qu'à l'époque, l'accession à l'indépendance était assez troublante pour le pays car c'était un saut dans l'inconnu.

De nombreuses personnes disaient, a-t-il poursuivi, que notre pays ne pouvait pas fabriquer une aiguille et comment donc dans ces conditions nous pouvons prendre notre indépendance ? Nous nous sommes remis à Dieu et à nos ancêtres, a-t-il affirmé ajoutant qu'il n'était plus question de rester dans la colonisation. Il a justifié cette position par le fait que la période coloniale a été très difficile pour les populations à cause de l'impôt de capitation et les travaux forcés. A ce propos, il a assuré avoir été témoin d'une scène où les colons blancs avaient ligoté à un arbre et mis à nu un vieillard qui n'avait pas pu payer l'impôt.

Retour à la source

« Cela s'est passé de 9 heures à 17 heures devant ses trois épouses et ses enfants. C'était humiliant. Une des femmes a crié, elle était devenue folle et les enfants ont pris la fuite pour la Côte d'Ivoire à la recherche de quoi payer cet impôt », a-t-il déploré. Me Pacéré a, par ailleurs, affirmé avoir rencontré dans le cadre de ses travaux un « homme surprenant » qui a fait les travaux forcés du Soudan Français (actuel Mali).

« Ils étaient 310 personnes de Oubritenga à être déportées, les 300 sont morts à cause de la pénibilité des travaux. 10 sont revenus mais ont été envoyés en Côte d'Ivoire pour la construction du chemin de fer. Des 10, il est le seul à revenir et il a été conduit dans son village Oubri-Yaoguin à quelques km du centre de Ziniaré actuel. Sa femme et le chef du village ne l'ont pas reconnu par ce qu'il était défiguré », a-t-il fait savoir. Contrairement à une certaine opinion qui pense que les indépendances ont été du bon vouloir du colon, Me Pacéré a relevé qu'elles n'ont pas été données sur un plateau d'argent aux Etats africains.

La France était acculée et elle a fini par céder, a-t-il soutenu. A son avis les devanciers ont beaucoup souffert, d'autres ont perdu la vie pour cette indépendance et il faut les prendre comme des guides pour relever les défis du moment. De ce fait, face à la menace sécuritaire, Me Pacéré a invité les acteurs à s'inspirer de l'organisation du royaume mossi. « Jusqu'aujourd'hui, aucun conquérant d'empire n'a pu franchir les frontières du royaume.

Samory Touré qui avait 25 000 fantassins est arrivé au Yatenga à la frontière du royaume. On lui a dit de ne pas oser car à tous les 60 km, il y a une garnison de soldats « les tansoba ». C'est ainsi qu'il s'est déporté après le fleuve Mouhoun où il a attaqué le peuple Tiéffo », a-t-il expliqué. A l'entendre le royaume avait une organisation scientifique, ce qui fait qu'il était difficile de l'attaquer.

Voilà pourquoi, il a proposé un retour à la source à l'organisation traditionnelle. « Le monde est tel qu'il faut lutter par les armes modernes mais il faut aussi utiliser ce que nos coutumes nous ont appris à savoir l'organisation géographique. Tous les 50 où 60 km il y a une organisation. Je ne demande pas de donner un pouvoir politique ou administratif aux chefs coutumiers mais de leur donner un minimum d'existence et voir comment on peut les utiliser afin qu'ils soient utiles à l'armée, aux Forces de défense et de sécurité sous l'angle de renseignements par exemple », a-t-il préconisé.

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