L'Etat du Cameroun à travers la préfecture de l'Océan et le chef du village Ebouye sa majesté Thomas Mouri Ngouoh se disputent le droit de rétrocession des bâtiments implantés sur un site de plus d'un hectare par l'entreprise de droit chinois CGCOC Group il y a environ 5 ans, dans le cadre de la construction de la route Kribi-Grand Zambie dont elle était adjudicataire.
Sieur Awalou et 8 autres personnes séjournent depuis lundi 31 juillet dans les cellules de la compagnie de gendarmerie de Kribi. Ces membres de la famille et employés de sa majesté Thomas Mouri Ngouoh chef traditionnel de 3e degré du village Ebouye dans l'arrondissement de Kribi II subissent une garde à vue administrative sur ordre du patron administratif de l'Océan, pour des motifs de trouble à l'ordre public. Ils sont interpellés pour avoir continué à occuper sur instructions du chef du village Ebouye, l'ancienne base vie de l'entreprise de droit chinois CGCOC, bâtie sur une parcelle de terrain relevant du domaine national d'une contenance superficielle d'un hectare 13 ares 56 centiares. Ce, malgré la sommation du préfet de l'Océan Nouhou Bello, de déguerpir, apprend-on. L'administrateur civil principal, garant des institutions et des infrastructures relevant du service public dans le département de l'Océan, voudrait faire occuper cette base vie par des sectorielles de l'arrondissement de Kribi 2e en manque d'espace d'accueil des usagers.
Il s'agit de la sous-préfecture, le commissariat de sécurité publique, l'inspection de l'éducation de base, le poste de commandement des anciens combattants et la délégation départementale de la décentralisation. Sauf que, cette opération imminente d'occupation se heurte à l'opposition du chef traditionnel de 3e degré du village Ebouye, sa majesté Thomas Mouri Ngouoh. Le garant du pouvoir coutumier de cette localité argue que le site où est implanté la base vie de CGCOC est sa propriété foncière qu'il occupe et exploite depuis bientôt 2 décennies, à la suite de ses parents qui en sont les premiers occupants. Et l'Etat ne saurait venir l'exproprier de cette manière alors même qu'il a fait un accord verbal avec l'entreprise en présence du sous-préfet de Kribi II de l'époque.
Accord Verbal
En effet, une pièce justificative que nous avons pu consulter auprès de maitre Philippe Nlend, huissier de justice près les tribunaux de Ktibi, indique que le sous-préfet de kribi 2 à l'époque des faits, interpellé par exploit d'huissier a confirmé l'accord verbal passé entre les deux parties. A l'origine, le manque de site d'implantation d'une base vie. L'entreprise se rapproche de la sous-préfecture pour solliciter une facilitation. L'autorité administrative initie une série de consultation des chefs traditionnels pour faciliter le déploiement de l'important projet de construction de la route Kribi Grand-Zambie. Après la visite de plusieurs sites, celui querellé retient toute l'attention de l'entreprise. Suite à ce choix les accords verbaux sont passés devant l'autorité de céans. « ...Le chef d'Ebouye cède temporairement et dans la limite du temps de la durée du projet un site familial pour la construction d'une base vie. Il n'exige aucun paiement pour ce faire.
L'entreprise accepte qu'à la fin des travaux le chef rentrera à nouveau en possession de son patrimoine familial et que tout investissement s'y trouvant est la propriété du chef... » Peut-on lire sur la correspondance que majesté Mouri envoie au gouverneur de la région du Sud en date du 8 mai 2023 avec pour objet « requête aux fins d'intervention. Motif : rétention sans titre ni droit de la chose d'autrui ».A la fin effective des travaux en décembre 2021, l'entreprise a déménage sans informer l'autorité traditionnelle qui lui a cédé le terrain. « L'ayant constaté, nous l'avons mise en demeure par exploit d'huissier aux fins de reprendre possession de notre bien » fait savoir le chef du village. En réponse à ladite mise en demeure, le Directeur du projet de CGCOC, Tang Xuezhong a par correspondant datée du 28 mars 2023 transmis les clés au préfet de l'Océan via la délégation des travaux publics de l'Océan, en y adjoignant copie de la mise en demeure reçue, reconnaissant que le propriétaire qui lui avait cédé le terrain a demandé à rentrer en possession de son bien.
Rétention administrative
Sauf que, d'après une source crédible introduite dans les services de la préfecture, le patron de la circonscription administrative du département de l'Océan ne l'entend pas ainsi. Plusieurs raisons motivent la rétention administrative de ce bien jugé "public'. D'abord, l'illégalité du contrat. Le préfet estime que l'entreprise de droit chinois CGCOC n'a aucune autorité pour nouer un contrat verbal ou écrit avec un particulier, fut-ce devant le sous-préfet. Cela relève de la seule compétence de l'administration qu'il incarne. Ensuite, le 2 février 2018, quelque temps avent le début des travaux, l'ex préfet de l'Océan Antoine Bisaga avait pris, à travers une commission du choix du site, un acte attribuant à CGCOC la parcelle pour l'installation de la base vie. « Aucun membre de la commission n'avait connaissance d'un tel accord. Et aucune opposition n'avait été faite ni par le chef plaintif, ni par qui que ce soit. Encore que cette majesté n'avait par le passé aucune mise en valeur sur le site et ne dispose d'aucun titre foncier qui lui en confère la propriété. Cette parcelle est un domaine national et même un domaine public de l'Etat.
Et en tant que tel l'Etat peut en faire ce qu'il juge necessaire pour le bien public » indique notre source. Par ailleurs, renchérit la source, Nouhou Bello vise objectivement l'intérêt public et voudrait transformer ces infrastructures en lieux des services administratifs. C'est la raison pour laquelle après avoir reçu instructions du ministre des Travaux Publics (Mintp) le 20 décembre 2021 de sécuriser l'immeuble dès la démobilisation de la mission de contrôle, le préfet propose au Mintp en date du 19 mai 2022 de faire occuper les locaux par les sectorielles citées supra. La base vie étant constituée de 6 bureaux, un bloc laboratoire de 2 bureaux, 5 appartements de 2 chambres chacun et un grand appartement de plusieurs chambres, le Mintp donne accord au préfet le 24 octobre et lui demande de prendre des dispositions pour faire occuper le lieu en fixant la répartition par bloc au profit des différents services publics qu'il a proposés.
Opposition
« C'est pendant qu'il s'active à cette opération qu'il est informé de ce que les gens occupent déjà les lieux à sur l'initiative du chef Mouri. Ce qui attise sa colère et fait déguerpir ces derniers » confie notre source. De son côté, majesté Mouri balaie du revers de la main les arguments qui infirment sa propriété foncière. Il brandit la décision n° 0002/D/L11-03/Mindcaf/55/T300 fixant les dates du constat d'occupation et d'exploitation des dépendances du domaine national dans l'arrondissement de Kribi 2. Dans ce document (suivi d'un croquis cadastral établi le 15 juillet 2014) signé du sous-préfet de Kribi 2 de l'époque Henri Ahanda le 7 février 2014, avec ampliation à la préfecture de l'Océan, il est bien mentionné que Mouri Ngouoh Thomas occupe et exploite ce site depuis plusieurs années.
Par ailleurs, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, le requérant invoque le décret 87/1872 du 18 décembre 1987 portant application de la loi 85/9 du 4 juillet 1985 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation. « Sans nous opposer à une initiative gouvernementale visant à transformer ces infrastructures à des fins que les pouvoirs publics jugeraient nécessaires, la mise en oeuvre pour cause d'utilité publique a des préalables et ne se fait pas en régularisation. Elle est encadrée par la loi » argue-t-il en faisant appel aux ONG et autres organisations internationales de se pencher sur ce dossier qui, selon lui, ne vise qu'a l'exproprier et s'accaparer de son bien comme cela est de coutume dans le département de l'Océan. L'arbitrage de la haute hiérarchie gouvernementale est vivement attendu.