Les abus commis par la police ne datent pas seulement de 2023. Un Malien de 31 ans a déclaré qu'en décembre 2021, un groupe de 6 à 8 policiers l'avait trouvé endormi dans une gare et l'avait agressé avant de l'arrêter pour entrée irrégulière, dans une ville proche de la frontière algérienne : «Ils m'ont frappé à plusieurs reprises avec leurs matraques, jusqu'à ce que je tombe, puis ils m'ont donné des coups de pied».
SALIF KEITA, (rapatrié en mars)
Salif Keita, un Malien de 28 ans, rapatrié en mars, a déclaré avoir tenté une traversée en bateau depuis Sfax en 2019. «Les garde-côtes nationaux ont pris notre moteur et nous ont laissés bloqués en mer», a-t-il relaté. «Nous avons dû casser des morceaux de bois du bateau [...] pour revenir en pagayant».
MOUSSA KAMARA, vivant à Sfax
Moussa Kamara, un Malien de 28 ans vivant à Sfax, était entré en Tunisie en mai 2022. En décembre 2022, il a embarqué près de Sfax avec environ 25 Africain·e·s de l'Ouest. « Au bout de 30 minutes à peine, les garde-côtes sont arrivés [en positionnant leur bateau à côté du nôtre] et ont dit "Stop !". Nous ne nous sommes pas arrêtés, alors l'un des gardes a commencé à nous frapper avec un bâton [...]. Ils ont frappé trois hommes, dont moi... Un de mes amis a été blessé ». Les autorités les ont emmenés à Sfax puis les ont relâchés. Après cette expérience, Kamara est resté en Tunisie, mais le discours du président Saied et ses conséquences l'ont fait changer d'avis : « J'ai décidé d'essayer encore [un voyage en mer]. Le président nous a dit de quitter le pays. Si je ne pars pas, je ne trouverai pas une maison ou un travail ».
ROMDHANE BEN AMOR, porte-parole du FTDES, un Forum tunisien
«Le président a créé un climat d'horreur pour les migrants en Tunisie, si bien que beaucoup se précipitent pour partir», a expliqué Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien, FTDES. «Ces derniers mois, les garde-côtes ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes pour obliger [les bateaux] à s'arrêter [...]». Et de relever qu'ils chargent «les migrants qui essaient de les filmer [...] ; ils confisquent les téléphones après chaque opération».
Déclaration d'une bénévole d'Alarm Phone, à Tunis
Une bénévole d'Alarm Phone à Tunis a déclaré que son équipe avait recueilli des témoignages similaires : «Depuis 2022, il y a des comportements récurrents des garde-côtes tunisiens en attaquant des bateaux[...] ; ils utilisent des bâtons pour frapper les gens, dans certains cas, des gaz lacrymogènes, [...] ils tirent en l'air ou en direction du moteur [...] et parfois [...] ils laissent les gens bloqués [en mer dans des bateaux hors d'usage]». De nombreuses pratiques de ce type ont été citées dans une déclaration de décembre de plus de 50 groupes en Tunisie, et à nouveau en avril.