Ile Maurice: Décès de Geneviève de Fontenay I Primerose Obeegadoo - «Nous avions l'intention de l'inviter à Maurice»

«C'est la fin d'une longue et profonde amitié, mais pas d'une ère», dit d'emblée Primerose Obeegadoo, directrice du concours Miss Mauritius, lorsqu'elle parle du décès de Geneviève de Fontenay, ancienne présidente du comité Miss France, survenu cette semaine à l'âge de 91 ans. Dans sa voix, pas de tristesse, mais cette pointe de nostalgie associée aux bons souvenirs. Il faut dire que les deux dames s'étaient rencontrées il y a des décennies et depuis, ne se sont jamais quittées. Jusqu'au 1er août dernier.

La date de leur rencontre est floue. Il faut dire que cela remonte à un temps lointain, dans les années 1980, où immortaliser les moments nécessitait tout une procédure et les instants rangés dans des albums dans les placards. Mais c'était en France, lors d'une des éditions de Miss France. «Nous nous sommes parlées, et cela s'est fait naturellement», se souvient Primerose Obeegadoo. Elle précise ici que Geneviève et elle-même n'étaient pas uniquement amies, mais aussi collaboratrices. Tout d'abord, au sein du petit groupe d'organisatrices francophones de concours de beauté dont les gagnantes participent à Miss World, mais aussi sur plusieurs autres projets. «Nous avions l'intention de l'inviter à Maurice bientôt. Malheureusement...» Elle ne finit pas sa phrase. Toujours pas de voix larmoyante. Elle poursuit le récit de cette aventure. «Même si nos filles participaient à la même compétition, il n'y a jamais eu de rivalité entre nous. La meilleure remportait la couronne. Il n'y avait pas de palabres, pas de coups bas, pas de copie, pas de triche. Nous avions une symbiose parfaite.»

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Le souvenir qu'elle gardera est celle d'une femme extrêmement disciplinée, qui n'avait pas la grosse tête, gentille, dont le succès ne lui était pas montée à la tête. Elle confie avoir beaucoup appris de Geneviève de Fontenay, car cette dernière était dans l'organisation du concours avant elle. Au-delà de la collaboration, les deux organisatrices étaient aussi amies. D'ailleurs, la dernière fois que Primerose Obeegagoo a rencontré Geneviève de Fontenay, c'était chez elle il y a deux ans. Fait notable : elle avait même enlevé son chapeau ce jour-là. «Nous étions amies. Pas besoin de fard entre nous...»

Primerose Obeegadoo était accompagnée de Vanessa Obeegadoo, directrice adjointe de Miss Mauritius, Geeta Ajodha, organisatrice de Miss Franco-Mauricienne en France, et Zina Peerally, Miss FrancoMauricienne 2019. D'ailleurs, il était convenu que Geneviève de Fontenay assiste aux futures finales de ce concours en France. Mais pas que. Elle devait être invitée bientôt à Maurice pour assister à la finale de Miss Mauritius, même si ces dernières années, Geneviève de Fontenay ne voyageait plus. Les deux se voyaient souvent à la Réunion, lorsque la présidente de Miss France faisait le déplacement.

Mais malgré toute la tristesse, Primerose Obeegadoo est catégorique. Le départ de son amie n'est pas la fin d'une ère. «Miss France a existé après elle, tout comme Miss Mauritius existera après moi. Ce n'est ni la fin du concours, ni la fin d'une ère. Tout évolue», dit-elle. Et c'est justement sur ce point que les polémiques associées à Geneviève de Fontenay se sont construites. Pas question d'en parler, cependant. «Nous n'avions jamais évoqué cela. C'était personnel, ce ne sont pas des choses dont nous parlions», dit Primerose Obeegadoo avant même que la question ne soit terminée.

La dame au chapeau

C'est en 1952 que Geneviève Mullmann rencontre pour la première fois Louis Poirot, organisateur de Miss France. Deux ans plus tard, elle reprend contact avec lui et devient secrétaire du comité. Depuis, ils ne se sont plus séparés. Le couple décide de ne pas se marier, mais Geneviève adopte le pseudonyme de son époux, De Fontenay. Un vestige de ses années de résistant. Les concours s'enchaînent. En 1981, à la mort de Louis Poirot, Geneviève de Fontenay reprend les rênes du concours et en devient la présidente. A cette époque, elle sillonnait toujours le pays à la recherche de filles. Mais rien n'y faisait, le concours était toujours vu comme désuet. Tout change du jour au lendemain lors du réveillon de fin d'année de 1986. La chaîne FR 3 diffuse le concours en direct.

C'était le début de l'ère strass et paillettes et en 1995, lorsque TF1 décide de diffuser Miss France, le concours s'établit définitivement dans la culture populaire. Geneviève de Fontenay, toujours habillée en noir et blanc et jamais, même pas une seule fois, vue en public sans son chapeau, devient le visage du concours. Elle sera surnommée «La dame au chapeau». Mais en 2002, son fils, le directeur de l'organisation, vend le concours à la boîte de production Endemol. Mère et fils conservent leur poste. Deux ans plus tard, Sylvie Tellier, ancienne Miss France, prend la direction du concours. Les deux personnalités de deux temps différents s'affrontent. D'un côté, «la tradition et la France des provinces», répétait Geneviève de Fontenay. Sylvie Tellier, elle, voulait la modernité. Les maillots cèdent la place aux bikinis. Les années passent, le débat sur la participation des transgenres dans le concours vient sur la place publique. Geneviève de Fontenay ne cache pas son désaccord. Elle le crie même. Elle finit par céder et claque la porte de l'organisation en 2011 et lance son propre concours, Miss Prestige Nationale. Elle prend définitivement sa retraite après la cinquième édition, en 2016. Elle ne disparaît pourtant pas de l'oeil du public, qui ne l'a jamais abandonnée, et qui l'écoute, inlassablement, lorsqu'elle dénonce les inégalités et réitère son amour pour la «France populaire, celle des régions».

Une chose est sûre, Miss France ne serait pas Miss France sans elle.

Sabine Hossenbaccus: «Elle laisse derrière elle un héritage complexe et durable»

Sabine Hossenbaccus avait été élue dans la région Ile de France en 2011 et avait été parmi les cinq finalistes du concours Miss France 2011. C'était la dernière édition du concours organisée par la légendaire Dame au chapeau. Aujourd'hui, elle est avocate au barreau de Paris, mais ce moment de sa vie, et la rencontre avec Geneviève de Fontenay, sont toujours vifs dans ses souvenirs.

Vous avez été finaliste de Miss France 2011. Quel souvenir gardez-vous du concours ?

J'avais participé à l'édition de Miss France du 4 décembre 2010 à Caen. Au-delà des apparences, j'avais été frappée par la diversité et la beauté de toutes les candidates issues de toute la France. Nous avons partagé des rires, des pleurs et des encouragements, créant une véritable sororité qui restera à jamais gravée dans mon coeur. Sur scène, il y avait, certes, le stress, mais aussi la détermination. C'était aussi un moment où j'ai pu me dépasser et montrer le meilleur de moi-même. Être capable de représenter fièrement ma région, mes origines mauriciennes et ses valeurs a été une expérience unique. Aujourd'hui, en repensant à cette expérience, je réalise que le concours Miss France a été bien plus qu'une simple compétition. C'était une occasion de grandir, d'apprendre, de partager et de laisser une empreinte positive dans le coeur des gens tout en restant une ambassadrice de l'île Maurice où je suis née et qui m'a vu grandir.

C'était la dernière année d'organisation du concours par Geneviève de Fontenay. Quel souvenir d'elle gardez-vous ?

Geneviève de Fontenay est une personnalité emblématique du monde des concours de beauté. Elle représentait les valeurs traditionnelles et d'élégance à la française. Elle était attachée à préserver certains aspects classiques de ces concours, notamment en matière de tenues et de comportement des candidates. Le concours Miss France est un événement culturel important qui suscite souvent des discussions sur les normes de beauté, les rôles de genre et d'autres questions sociétales. D'ailleurs, Miss France 2011 avait été une source de polémiques en raison de photos dénudées de certaines candidates. Cela avait suscité une controverse et mis en lumière le débat sur les exigences morales et les attentes envers les lauréates de concours de beauté, valeurs chères au coeur de Geneviève de Fontenay. Elle laisse derrière elle un héritage complexe et durable.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué chez elle?

Si Geneviève de Fontenay était connue pour certaines sorties médiatiques et ses prises de position tranchées, elle représentait pour moi une femme ambitieuse qui n'hésitait pas à exprimer ses opinions sur divers sujets, y compris la politique et la société. Son style distinctif, avec ses chapeaux et son allure, renforçait sa personnalité charismatique et reconnaissable. Il ne faut pas oublier qu'elle était également impliquée dans des causes sociales et humanitaires. Elle participait régulièrement à des événements de collecte de fonds d'aide aux enfants malades ou au profit de victimes lors de catastrophes naturelles. Elle était active dans la sensibilisation à la lutte contre le cancer du sein.

Est-ce que vous avez noté un changement au niveau du concours après son départ ?

Après le départ de Geneviève de Fontenay, je dirais que le nouveau comité Miss France a cherché à moderniser et à rafraîchir le concept du concours en accueillant des candidates de divers horizons, origines et cultures. Cela a conduit à une plus grande diversité des participantes, reflétant mieux la société française dans toute sa richesse. Enfin, les critères de beauté et d'élégance ont évolué pour refléter une vision plus moderne et inclusive de la beauté. Les candidates sont de plus en plus encouragées à montrer leur personnalité et leur intelligence, en plus de leur apparence physique.

Ces changements ont contribué à maintenir la pertinence et la popularité du concours Miss France après le départ de Geneviève de Fontenay. Ils ont également permis de répondre aux évolutions culturelles et sociétales tout en préservant l'essence du concours en tant que célébration de la féminité et de l'élégance à la française.

Treize ans après, avez-vous vu une évolution dans le concours ?

Tout d'abord, il est important de noter que le concours Miss France continue d'évoluer et de s'adapter aux préoccupations de la société, et c'est normal.

À l'ère de la prise de conscience croissante des problèmes sociaux et environnementaux, certaines personnes remettent en question la pertinence même d'un concours de beauté, le considérant comme dépassé ou superficiel. Pourtant, et probablement plus qu'avant, ce concours reste une formidable tribune pour la célébration de la diversité et de l'inclusion, la valorisation des réalisations et des compétences, la sensibilisation à des causes sociales, des opportunités de développement personnel et du leadership féminin en passant par la promotion du tourisme et de la culture des régions. Si certains considèrent que les concours de beauté visent à perpétuer des normes de beauté étroites et irréalistes, c'est aussi un fait que les candidates mettent désormais en avant des aspects de leur personnalité et de leurs compétences intellectuelles.

Au-delà des stéréotypes de genre, mettant en avant des critères de beauté et d'élégance traditionnels, ce concours reste et restera pour la petite fille que j'étais à l'île Maurice, l'espoir pour toutes d'accomplir son rêve de petite fille, le rêve d'être un jour une princesse avec la fierté de pouvoir défendre ses origines et sa région.

Aujourd'hui, vous êtes avocate au barreau de Paris. Parlez-nous un peu de votre parcours...

Être couronnée quatrième dauphine de Miss France a été un honneur pour moi. Ce titre aurait pu me permettre d'ouvrir des portes dans le monde du divertissement ou de la mode. Il aurait pu être une plate-forme pour soutenir des causes sociales et caritatives mais j'ai fait le choix, plutôt inhabituel pour une ancienne dauphine, de poursuivre mes études de Droit à l'Université Paris-Sud et au sein de l'ESCP Business School dans le domaine du droit international des affaires, du commerce et droit fiscal et j'ai prêté le serment d'avocat en 2014.

Après avoir exercé en qualité de collaboratrice dans des cabinets d'avocats français de premier plan, de taille moyenne comptant de 15 à 40 avocats, j'ai exercé également dans de grands groupes anglo-saxons bénéficiant d'un réseau international au sein de grandes structures d'audit au niveau national et international.

Je suis actuellement mariée et mère de deux enfants de 3 et 2 ans. J'ai fait le choix de fonder ma propre structure, le cabinet «Hossenbaccus Avocats» en 2018. J'interviens au profit de petites et moyennes sociétés au titre des opérations d'investissement, de suivi, de cession de leurs participations, dans la mise en oeuvre d'opérations spécifiques intéressant de grandes entreprises ou groupes d'entreprises (restructurations, contrôles fiscaux, joint ventures...) et dans toutes les étapes de développement de ces sociétés.

Le concours Miss France aura été pour moi l'opportunité de développer mon estime de moi, tout en m'améliorant en matière de communication orale, valeur essentielle pour une avocate. Cela m'a permis des rencontres et de créer des souvenirs inoubliables.

Vive la beauté, l'élégance et l'amour, vive le concours Miss France!

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