La dernière fois que les forces armées ouest-africaines ont été impliquées dans une mission de rétablissement de l'ordre public, et variablement de maintien de la paix dans la sous-région, remonte à bien longtemps. A partir de 1989, puis de 1991, le Libéria et la Sierra Leone ont plongé dans les pires violences de leur histoire suite à l'irruption de milices armées sur la scène politique de ces pays. Les deux guerres civiles atroces qui s'en suivirent firent des centaines de morts et des milliers de déplacés.
Au moment où nous produisons ce texte la tension est à son comble entre les militaires qui ont destitué le président Mohamed Bazoum et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Depuis le 26 juillet, le chef de l'Etat, une partie de sa famille et certains de ses collaborateurs sont retenus prisonniers, les appels à leur libération émanant de la sous-région et de l'extérieur ne semblent pas produire leur effet.
A la suite du putsch, la CEDEAO a prononcé de lourdes sanctions à l'encontre de Niamey, avant de promettre d'intervenir militairement sous-huitaine si les putschistes n'entendaient pas raison. Passent les sanctions sur lesquelles les avis restent partagés, y compris au sein même de la communauté régionale, le hic réside dans la menace d'envoyer les forces ouest-africaines déloger les hommes du général Abdourahamane Tiani, passé en quelques heures du statut de chef de la sécurité du président de la République élu, à celui de l'homme fort du Niger.
Est-on sur le point d'assister à un affrontement entre les militaires nigériens et leurs « cousins » des pays alentour éventuellement revêtus du casque blanc sous lequel s'identifièrent ceux partis au secours du Libéria et de la Sierra Leone il y a quelques décennies ? Quelles en seront les conséquences pour le Niger et au-delà. C'est sur ces questions non exhaustives que réfléchissent les partisans d'un recours à la force et les optimistes qui espèrent un dénouement pacifique de l'imbroglio.
A la différence des expéditions rappelées plus haut, la situation au Niger est plutôt globalement calme. Sur le terrain, il n'y a pas de forces qui se disputent le pouvoir au risque d'exposer les populations civiles aux exactions. Comme s'ils assuraient garder le contrôle de leur pays, les putschistes ont levé le couvre-feu décrété quelques heures après leur coup de force et accélèrent la nomination de proches aux postes sensibles des forces de défense et de sécurité. A l'étranger, les ambassadeurs au Nigeria, au Togo et en France sont limogés.
Dans le même temps, les médias nigériens diffusent à longueur de journée des communiqués de soutien au mouvement du 26 juillet, le fameux Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), tandis que des jeunes impliqués dans ces revendications, ainsi que des soldats à la retraite se disent prêts à combattre en cas de besoin. On a l'impression que toute la société nigérienne est vent debout contre une éventuelle intervention militaire extérieure.
Si l'on ajoute à ces déclarations plus ou moins tapageuses, celles plus solennelles des autorités de transition du Mali, du Burkina Faso et de Guinée (Ceci expliquant cela) qui considèrent une intervention militaire sous mandat de la CEDEAO au Niger comme une déclaration de guerre devant laquelle Bamako, Ouagadougou, Conakry tireront les conséquences voulues, peut-être donc que la voix de la sagesse commandera la retenue.
Au final, que la CEDEAO envoie ses troupes traquer les putschistes nigériens ou pas, la question de la stabilité des institutions issues du suffrage universel reste entière sur le continent. Il faut y réfléchir sereinement et globalement.