Une rencontre a eu lieu ce samedi matin 5 août entre la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna et le Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou au sujet de la situation au Niger, après le coup d'État du 26 juillet. Le temps presse, car demain dimanche expire l'ultimatum de la Cédéao. La communauté ouest-africaine avait laissé sept jours aux mutins pour rendre le pouvoir. L'organisation se dit maintenant prête à une « éventuelle intervention militaire » pour déloger les putschistes, alors que le président nigérien élu Mohamed Bazoum est toujours retenu dans sa résidence. La ministre française des Affaires étrangères demande aux militaires de renoncer au pouvoir.
Vous avez rencontré le Premier ministre nigérien, y a-t-il des décisions qui ont été prises avec lui et vous a-t-il donné des nouvelles du président Bazoum ?
Je viens en effet de rencontrer le Premier ministre du Niger qui est à Paris, puisqu'il n'a pas pu rentrer dans son pays. Il se trouvait en Italie au moment de la tentative de coup d'État, lorsqu'elle a démarré, pour représenter le Niger dans des conférences internationales : la conférence sur la sécurité alimentaire, qui se déroulait à Rome. C'est le gouvernement légitime du Niger qui est notre interlocuteur, tout comme l'est le président démocratiquement élu, qui est le président Bazoum. Donc le Premier ministre et moi venons de nous entretenir de la situation pour échanger nos analyses, pour constater que la communauté internationale est unanime, comme les pays de la région le sont, à condamner cette tentative, à condamner cette aventure menée par quelques militaires au Niger. Et pour demander le retour immédiat à l'ordre constitutionnel, demander la restauration de la démocratie au Niger et assorti à ces demandes très claires, d'une part, des mesures qui sont d'ores et déjà appliquées par la Cédéao, et également, assorti d'un délai, d'une menace qu'il faut prendre très au sérieux d'intervention d'une force régionale si les putschistes devaient ne pas écouter les demandes des chefs d'État de la région, et devaient ne pas restaurer la démocratie immédiatement, c'est-à-dire dans le délai de sept jours, lequel expire demain, dimanche.
Est-ce que justement la France soutient cette intervention ? Est-ce que la France pourrait avoir un rôle dans cette opération ?
Nous n'en sommes pas là. Les décisions qui ont été prises par la Cédéao immédiatement après le coup d'État constituent une pression, constituent une demande claire de la part des pays de la région, en relayant celle de l'ensemble de la communauté internationale, de restaurer l'ordre constitutionnel, de respecter la volonté du peuple nigérien dans le délai de sept jours. C'est-à-dire, en clair, de renoncer au pouvoir, que les putschistes renoncent au pouvoir avant dimanche. Ces efforts sont en cours, ils ne sont pas achevés, nous sommes encore à l'intérieur de ce délai. Si, puisque c'est votre question, les responsables de cette tentative de coup d'État devaient ne pas écouter les demandes qui leur sont faites par la Cédéao, eh bien les chefs d'État concernés devraient prendre une décision, ils ont indiqué laquelle. Je crois que la perspective qu'il faille en venir à d'autres moyens doit être prise très au sérieux. Les chefs d'état-major de la région se sont réunis, ont fait des préparatifs, ont fait savoir que des préparatifs avaient été faits. Donc maintenant, il est temps pour les putschistes de renoncer à leur aventure.
À lire aussiNiger: les chefs d'état-major de la Cédéao ont défini les contours d'une «éventuelle intervention militaire»
La junte, justement, a dénoncé les accords militaires avec la France. Quelle est la mission des militaires français aujourd'hui au Niger ? Et est-ce que vous craignez, éventuellement, qu'ils soient visés ?
La présence de forces françaises au Niger se fait sur la base d'accords qui ont été signés avec les autorités légitimes de ce pays il y a plusieurs années, donc elles sont présentes au Niger à la demande de ces autorités. Néanmoins, vous le savez, je le répète, depuis le coup d'État, la France a suspendu sa coopération, tant civile que militaire, pour d'évidentes raisons, donc cette coopération, elle est suspendue. Bien évidemment, nous ne reconnaissons pas les décisions prises par les putschistes, nous ne reconnaissons que les décisions des autorités légitimes.
Mais est-ce que cette situation remet en cause le dispositif antiterroriste français imaginé après Barkhane ?
Ça n'est pas à l'ordre du jour, même si, je le redis, cette coopération a dû être suspendue, du fait des tentatives de coup d'État qui sont en cours depuis un peu plus d'une semaine maintenant au Niger. La demande unanime de la communauté internationale est, je le répète à nouveau, de restaurer la démocratie immédiatement et avant expiration du délai qui a été fixé par les pays de la région, qui tombe demain. Donc ils ont jusqu'à demain pour renoncer à cet aventurisme, ces aventures personnelles, et restaurer la démocratie au Niger.
Justement, vous venez de le dire, c'est la fin de l'ultimatum demain, quel message adressez-vous à la junte à la veille de la fin de cet ultimatum ?
Comme depuis le début, les coups d'État n'ont pas lieu d'être, ils sont inacceptables, ils font un tort considérable aux pays qui les pratiquent, et il est donc inacceptable, du point de vue de la communauté internationale, du point de vue des pays de la région, et illégitime évidemment, de se lancer dans de telles tentatives. De plus, nous voyons qu'il y a, depuis quelques jours, une répression qui est en cours. Des atteintes à la liberté de la presse, des arrestations de ministres, alors que le Niger avait élu démocratiquement son président, doit retourner à l'ordre constitutionnel, doit voir la volonté du peuple nigérien respectée. Voilà le message très clair, et de la France, et des pays de la région, et des Nations unies, et des pays de l'ensemble de la communauté internationale. Les coups d'État n'ont plus lieu d'être et ne sont plus de mise, c'est le coup d'État de trop, c'est inacceptable.
Des nouvelles du président Bazoum ?
Certains ont des contacts avec le président Bazoum qui lui-même en a avec l'extérieur, le président de la République a eu l'occasion de l'avoir un certain nombre de fois, il correspond avec lui, il n'est pas le seul, j'avais tout à l'heure, lors de l'entretien avec le Premier ministre Ouhoumoudou, à nouveau la possibilité de constater que le président Bazoum communique avec l'extérieur.
À lire aussiÀ la Une: la situation au Niger toujours au coeur de l'actualité