Il y a 25 ans, l'Afrique de l'Est était frappée par la terreur. Le 7 août 1998, des camions piégés explosaient devant les ambassades américaines à Nairobi au Kenya et Dar es Salam en Tanzanie. Ces attaques, revendiquées par une cellule d'un groupe local d'al-Qaïda, firent 224 morts et plus de 4 000 blessés. Jusqu'alors méconnue du grand public, l'organisation terroriste faisait son entrée sur la scène internationale. Et 25 ans plus tard, de nombreuses victimes espèrent encore une indemnisation.
Le 7 août 1998, aux alentours de 10h30 du matin, un camion se présente au parking de l'ambassade américaine, située en plein centre-ville de Nairobi, au Kenya. Des coups de feu se font entendre, puis une explosion. Les vitres de l'ambassade sont soufflées et l'immeuble adjacent détruit. Quelques minutes plus tard, un camion explose à l'entrée de l'ambassade américaine à Dar es Salam, en Tanzanie.
Le mode opératoire est nouveau en Afrique subsaharienne. L'ampleur du carnage marque les esprits. Ce n'était pas la première attaque d'al-Qaïda, mais les événements démontrent sa capacité de frappe. À Nairobi, 213 personnes sont tuées, tandis 11 perdent la vie à Dar es Salam.
La riposte américaine ne se fait pas attendre. Washington mène quelques jours plus tard des frappes au Soudan et en Afghanistan. Oussama Ben Laden, le chef d'al-Qaïda, est désigné par les États-Unis comme le cerveau de l'opération et devient ennemi public numéro 1. Les deux attaques sont aujourd'hui considérées par beaucoup comme les prémices des attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.
Le Kenya a été apr la suite durement frappé par le terrorisme, après avoir envoyé en 2011 des troupes pour combattre les islamistes shebabs en Somalie. L'attaque du centre commercial Westgate à Nairobi a notamment fait 67 morts en 2013. Et 148 personnes furent tuées lors de l'attentat contre l'université de Garissa en 2015.
« Sans indemnisation, nous ne nous sentons pas égaux »
Durant le week-end du 5-6 août, des survivants des attaques du 7 août 1998 et leurs familles se sont rassemblés à Nairobi sur le lieu où se dressait l'ancienne ambassade américaine, en mémoire aux victimes de l'attentat.
Vingt-cinq ans plus tard, Caroline Muthoka n'a pas oublié pas cette-là. Elle se trouvait dans le bâtiment voisin : « Je me souviens être en train de descendre les étages et de voir les corps, je me rappelle des cris... Aujourd'hui encore, quand j'entends un boum, ça m'affole. C'est toujours en moi. Beaucoup d'entre nous souffrent de troubles de stress post-traumatique. Et ça fait déjà 25 ans... Quand est-ce que nous allons être dédommagés ? »
En 2021, Washington a annoncé des indemnisations pour les citoyens américains et le personnel de l'ambassade victimes de l'attentat. Le Soudan, accusé d'avoir soutenu al-Qaïda, a accepté de verser 335 millions de dollars de dédommagement après avoir passé un accord avec Washington qui, en échange, l'a retiré de sa liste noire des États soutenant le terrorisme. Un accord dont n'ont pas bénéficié les victimes kényanes, qui militent donc toujours pour obtenir une indemnisation.
Certains disent avoir reçu des indemnités les trois premières années. Mais c'est loin d'être suffisant selon eux. Certaines victimes doivent encore payer des frais médicaux. Douglas Sidialo fait partie de ceux qui demandent une prise en charge de ces frais par Nairobi et des dédommagements de la part des États-Unis, à l'image de ce qui s'est fait pour les citoyens américains et le personnel de l'ambassade. Il était en voiture lorsque l'explosion s'est produite et a perdu la vue il y a 25 ans :
« Nous avons souffert les mêmes douleurs. Que ce soit les veuves, les orphelins, les blessés, tous ceux dont la vie a changé ce jour-là. Une indemnisation ne va pas faire revenir ce que les victimes ont perdu, mais c'est une manière de dire "nous avons souffert ensemble et nous disons 'pole', 'désolé' en swahili". Sans cela, nous, Kényans, nous ne nous sentons pas perçus comme des égaux. »
Caroline et Douglas disent garder espoir de recevoir une indemnisation. Un comité vient d'être formé au sein du Sénat kényan pour soutenir leur demande auprès des autorités américaines.