Dakar — Le professeur de droit Abdel Kader Boye déplore la "juridisation des différends politiques" au Sénégal et propose qu'une loi d'amnistie soit votée pour "réconcilier la société avec elle-même" et permettre à tous les citoyens privés de leurs droits de voter et d'être éligibles de les recouvrer.
Dans une interview accordée à l'Agence de presse sénégalaise et au mensuel Vitrine, le Mag de l'APS, M. Boye suggère qu"'une grande loi d'amnistie" soit votée par l'Assemblée nationale, "comme cela fut fait après Mai-68 [...] à l'effet de réconcilier la société avec elle-même".
Cette mesure permettrait "à tous les exclus judiciairement ou par simple effet mécanique [...] de jouir du droit électoral", a ajouté l'ancien recteur de l'Université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar.
Abdel Kader Boye déplore par ailleurs les nombreuses modifications dont certaines lois sont l'objet au Sénégal depuis l'alternance politique de 2000. "On constate depuis l'alternance de 2000 un charcutage des règles, avec des interprétations fantaisistes, motivées uniquement par des considérations politiques", a fustigé l'ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'UCAD.
La Constitution sénégalaise est sujette à ces nombreux changements, fait-il remarquer, estimant que "rédiger un texte limitant le nombre de mandats présidentiels que quelqu'un peut exercer", par exemple, "est à la portée de n'importe quel juriste", malgré les nombreuses interprétations à ce sujet, au Sénégal.
"Les systèmes de limitation [du nombre de mandats présidentiels] fonctionnent sans problème dans les pays où elles sont de règle : Mauritanie, Cap-Vert, Niger, Nigeria, Afrique du Sud, Kenya..." a fait valoir M. Boye. "Il y a une rupture de confiance profonde entre la justice et les populations."
Il estime qu"'il faut réformer le Conseil supérieur de la magistrature, réformer profondément le Code pénal et le Code de procédure, pénale", en vue d"'une plus grande effectivité de la protection des droits individuels et collectifs".
"Enfin réformer le système de formation des magistrats", a proposé l'ancien recteur de l'UCAD.
"La question du nombre de mandats est réglée depuis 2011, comme je vous l'ai dit. Il faut [...] aborder franchement les problèmes de la démocratie sénégalaise, pas sous l'angle 'comment je dois faire pour conserver le pouvoir', mais 'comment repenser le système des partis politiques, leur fonctionnement, leur financement, leurs droits fondamentaux et leurs obligations"', a-t-il poursuivi.
Abdel Kader Boye suggère aux pouvoirs publics sénégalais d"'envisager un statut ou une charte des partis politiques, afin de liquider tous les petits partis qui n'ont aucune vie démocratique".
"Les dissolutions de partis politiques appartiennent au passé. On ne combat pas" un adversaire politique en le "supprimant", mais "par la confrontation des idées et l'occupation du terrain politique", a soutenu Abdel Kader Boye.