Afrique: Situation nationale - « Nous devons rester unis, solidaires ... », dixit Oumou Owona/Guindo, Consul Honoraire du Burkina au Cameroun

interview

Oumou Owona/Guindo est le Consul Honoraire du Burkina Faso au Cameroun, à Yaoundé. Dans cette interview qu'elle a accordée au journal de tous les Burkinabè, Sidwaya, elle présente la diaspora burkinabè vivant au Cameroun, revient les difficultés que les compatriotes rencontrent au pays de Paul Biya, leur intégration à la société camerounaise. Elle se prononce également sur la crise sécuritaire humanitaire que traverse le pays des Hommes intègres. A cette période critique de l'histoire de la nation, le Consul Honoraire invite les Burkinabè de l'intérieur et à l'extérieur à l'union sacrée autour de l'essentiel.

Sidwaya (S) : En tant que Consul Honoraire du Burkina Faso au Cameroun, quelles sont les missions qui vous sont assignées ?

Oumou Owona/Guindo (O.O.G) : Mon travail consiste à m'occuper de mes compatriotes qui viennent au Cameroun dans le cadre de leurs services, notamment les fonctionnaires dans les organismes internationaux, les étudiants, les migrants qui viennent chercher du travail ici ou en transit pour d'autres pays de la sous-région d'Afrique centrale comme le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Congo, etc.

Beaucoup de nos compatriotes arrivent ici sans passeport ni carte d'identité. Car ils perdent tous leurs documents en cours de route. Lorsqu'ils arrivent au Cameroun, nous essayons de reconstituer leur identité, de leur délivrer une attestation ou une carte consulaire afin de permettre à ceux qui veulent continuer ailleurs de poursuivre leur chemin !

S : Pouvez-vous nous présenter la communauté Burkinabè vivant au Cameroun ?

O.O.G : Les Burkinabè résidant à Yaoundé sont entre 100 à 150 ; ceux qui sont dans les organisations internationales sont d'environ 80 personnes. A Douala, ils sont une bonne centaine, avec la majorité exerçant dans le commerce. Sur l'ensemble du territoire camerounais, nous somme au moins 800 Burkinabè. A l'Est du Cameroun, nos compatriotes au nombre de 300 à 400 et travaillent essentiellement dans l'orpaillage artisanal. Outre ceux qui font du petit commerce, il y en a qui travaillent dans les plantations. Malheureusement, il y a des gens malhonnêtes qui les emploient et qui ne les payent pas. Lorsqu'ils viennent me poser ces problèmes, je m'organise pour les aider à trouver une solution.

Généralement, les migrants burkinabè viennent par le nord Cameroun, par le Nigeria, certains par la mer ; quand ils arrivent, ceux qui peuvent continuer dans d'autres pays poursuivent leur voyage. C'est quand ils ont des difficultés qu'ils se rabattent sur nous pour que nous puissions les aider. Ce n'est pas une tâche facile mais tant que nous pouvons les accompagner, nous le faisons.

S : Qu'en est-il de leur intégration des Burkinabè au sein de la société camerounaise ?

O.O.G : Comparés aux autres pays de la sous-région, les camerounais sont plus solidaires et plus accueillant ; ils ne causent pas beaucoup de difficultés aux Burkinabè. Ils acceptent partager le petit commerce avec nos compatriotes. La seule difficulté c'est que la police qui réagit de temps en temps, les traque pour des questions de papiers. Là aussi, nous nous organisons pour les libérer des mains de la police.

Avec les Camerounais, il y a le vivre ensemble, la cohésion. Mais, il n'est pas facile d'intégrer la société camerounaise au point de vouloir prendre la nationalité ; à ce niveau, ils sont quand même très fermés, ils sont un peu jaloux de leur nationalité.

Au niveau de l'emploi, c'est le secteur informel qui est ouvert aux étrangers. Il n'est pas évident de se faire recruter dans les organisations ou l'administration camerounaise, c'est d'abord les camerounais. C'est donc dans le privé que les Burkinabè essaient de se faire de la place ; ils excellent dans le travail.

Au Cameroun, nos compatriotes ont une bonne image. Ils sont considérés comme des hommes intègres, ils ne sont jamais impliqués dans des cas de vol ou d'autres infractions ; ils sont corrects !

S : Depuis quelques années, le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent. Comment, loin de la mère patrie, vous vivez cette situation ?

O.O.G : En tant que Burkinabè, c'est très douloureux de voir la situation difficile que le pays traverse actuellement. Personnellement, je suis frappé de plein fouet, car je suis de la province du Soum, précisément de Djibo. Et cela fait pratiquement 4 à 5 ans je n'arrive plus à y aller pour m'incliner sur la tombe de ma mère ! Ce n'est vraiment pas facile, tout le monde a fui ; le reste de ma famille est venu s'installer à Ouaga. En tant que Burkinabé, c'est douloureux de vivre cette situation, de voir toutes ces populations qui sont déportées çà et là !

Dans l'esprit de solidarité, depuis deux ans, nous avons organisé une collecte de fonds afin que la communauté burkinabè résidant au Cameroun puisse apporter sa contribution au pays. Normalement, au mois de janvier le président de l'amicale des Burkinabè devrait se rendre à Ouaga pour remettre notre contribution mais il n'a pas pu effectuer le voyage. Toutefois, en attendant, ceux qui sont à l'Est dans l'orpaillage ont mobilisé environ 3 millions F CFA qui ont déjà été remis.

S : A cette période difficile de l'histoire de notre pays, avez-vous un message particulier aux Burkinabè de l'intérieur et résidant hors du pays ?

O.O.G : Je tiens d'abord à féliciter les nouvelles autorités, car on voit qu'il y a quelques résultats. L'actuel président, Ibrahim Traoré, se donne corps et âme pour renverser la tendance. Nous nous remettons aussi à Dieu, nous prions pour que la situation devienne normale et que les Burkinabès puissent vivre en paix, dans la sérénité.

Nous devons rester unis, solidaires, surtout qu'a un moment donné, il était question de problèmes communautaires, notamment entre mossi et peuhl ! Je crois qu'il faut dépasser tout cela, car nous sommes tous des Burkinabés, nous devrions prôner le vivre-ensemble et oeuvrer pour que la paix. Que les autorités fassent ce qu'elles doivent faire pour le meilleur revienne au Faso !

S : Qu'en est des relations de coopération entre le Burkina Faso et le Cameroun ?

O.O.G : Les relations entre les deux pays sont bonnes, car il y a des accords qu'on signe dans le domaine des organisations internationales, du travail, économique, même si les échanges commerciaux sont timides. Le Cameroun soutient toujours les candidatures burkinabè aux postes dans les organisations internationales et vice-versa, nous les soutenons aussi.

S : Pour des Burkinabè qui souhaiteraient venir investir au Cameroun, auriez-vous des conseils à leur donner ?

O.O.G : Sur le plan de l'investissement, ce n'est pas évident, mais en matière d'échanges commerciaux, il y a des possibilités. Au niveau commercial, il y a des produits burkinabè qui pourraient intéresser le Cameroun, en l'occurrence le Faso dan fani, le beurre de karité, l'anacarde. Le Cameroun a aussi du textile propre à lui, des produits de mer qui peuvent être exportés au Burkina. Mais vu les distances et le coût du transport, ce n'est pas toujours évident.

S : Qu'est-ce qui est fait par le Consulat pour accompagner les Burkinabè qui souhaitent repartir investir au pays ?

O.O.G : En matière de transferts de fonds, le besoin s'est fait sentir au niveau des orpailleurs, car ils font beaucoup d'argent mais ils avaient des difficultés à le rapatrier au pays, le ministère des finances leur demandant toujours de justifier le transfert de fonds. J'ai posé le problème à une délégation qui était venue ici pour le renouvèlement des cartes consulaires. Et quand elle est entrée pays elle a pris attache avec Coris Bank International qui a envoyé une équipe au Cameroun et qui a fait Yaoundé, Douala, l'Est du pays. L'équipe de Coris Bank International y a rencontré la diaspora Burkinabè, l'a aidée à ouvrir des comptes bancaires. Désormais, les compatriotes pourront faire leurs transferts de fonds via leurs comptes. Pour ce faire, Coris Bank International a pris attache avec l'administration camerounaise.

Aujourd'hui la région d'Afrique centrale est devenue difficile. Qu'il s'agisse du Gabon, de la Guinée équatoriale ou ailleurs dans la région, il n'est plus facile pour les compatriotes d'y avoir de l'emploi, des revenus importants qu'ils pourront rapatrier. Ce que je peux dire à ceux qui ont tendance à aller à l'aventure, espérant y trouver une meilleure vie, il vaut mieux se battre au pays. Ils peuvent par exemple investir dans l'agriculture ou l'élevage qui sont des secteurs qui ne mentent pas !

 

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