Ile Maurice: N'oubliez jamais !

Le passé regorge d'enseignements sur nos partis politiques et leurs accouplements multiples et variés. En 2010, l'alliance in extremis entre le Parti travailliste (au pouvoir depuis 2005) et le Mouvement socialiste militant remporte les législatives haut la main.

Cette alliance stratégique, ethnique, qui a réveillé des instincts communaux chez certains (un peu comme en 1983), achève alors l'espoir du MMM de voir Paul Bérenger au PMO (il restera une parenthèse de deux ans dans l'histoire contemporaine). Déjà, treize ans de cela, nombre de citoyens se disaient dégoûtés par les discours politiques. Le taux d'indécis s'élevait -- et s'élève toujours -- à plus de 40 %... le pays s'enlise. Durablement.

Même s'il ne faut jamais dire jamais en politique, cette alliance d'intérêts entre les deux dynasties politiques qui nous dominent depuis l'Indépendance ne risque plus de se produire. Après les épisodes MedPoint et Nandanee Soornack, il est aujourd'hui devenu impensable pour les Jugnauth et Ramgoolam de concevoir ensemble une alliance. Bérenger, lui, est déterminé à aller «seul» contre tous, «ariv ki ariv». En s'affrontant avec autant de haine et de vengeance, les propriétaires du MSM et du PTr ont brûlé tous les ponts possibles entre le Sun Trust et le Square Guy Rozemont.

Fuyant Navin Ramgoolam, comme la peste, et maintenant la pression sur les Jugnauth, le leader de l'opposition d'alors était jadis conscient qu'il doit se refaire une image, une image différente des deux fils de... C'est pour cela que Bérenger martèlait, de plus en plus, les termes «dynastiques» et «monarchiques», dans le sillage de la passation de pouvoir. Et qu'il minimisait Joomaye et ridiculisait toute voix contestataire. C'était avant.

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En 1995, pour conquérir le pouvoir, Navin Ramgoolam avait misé sur Bérenger pour crédibiliser son programme gouvernemental et, accessoirement, venger le 60-0 de son père face à Anerood Jugnauth. Puis, une fois Premier ministre, après avoir investi les municipalités (dont les portes lui ont été ouvertes par les mauves), il s'est débarrassé du MMM car Bérenger marchait trop sur ses platesbandes premierministérielles.

Le leader mauve s'était alors jeté dans les bras des Jugnauth pour reconquérir le pouvoir et devenir PM, pour la première fois de sa longue carrière en 2003, grâce à un accord à l'israélienne, pour deux ans. Même s'il a su prouver qu'il est à la hauteur de la fonction suprême, il devait mordre la poussière en 2005, concédant la défaite face à Ramgoolam, son challenger d'alors comme PM. Puis en 2010 (sans les Jugnauth) et 2014 (avec Ramgoolam). Dans l'interview qu'il nous accordait, il y a trois ou quatre ans de cela, dans son bureau surchargé de dossiers, Bérenger confie qu'il tourne la page sur les alliances et qu'il veut reconnecter ces indécis qui ne croient plus en nos partis actuels. Mais en 2023, Bérenger a dû ravaler son crachat.

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Chez nous, on parle souvent du besoin d'approfondir notre démocratie, prise en otage depuis des décennies par quelques patronymes qui roulent des partis politiques. Face à ce paysage politique aussi immuable que ses acteurs, la demande pour de nouvelles têtes, idées et pratiques ne peut qu'être forte. Ces nouvelles voix promettent toutes de faire la politique autrement, même si certaines ressemblent étrangement à celles qu'elles veulent remplacer.

Le temps nous dira si ces nouveaux acteurs susciteront ou pas l'adhésion des indécis, qui constitue aujourd'hui le plus gros réservoir de votants. En tout cas, on persistera à aller à la rencontre de ceux qui veulent sortir de leur cachette, et avancer, à visage découvert, et non pas uniquement derrière un écran et un pseudo, dans les méandres de notre microcosme politique...

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