Gourel Oumar Ly (Matam), 6 août (APS) - La route menant vers Kaédi, une ville du sud de la Mauritanie, en passant par une partie des localités du Dandé Mayo Nord, dont Gourel Oumar Ly, est en mauvaise qualité, mais le temps de passage du voyageur sur ce tronçon en latérite lui permet de plonger dans un paysage de champ qui présage déjà d'une montée des eaux du fleuve Sénégal et les craintes d'accroissement des difficultés d'accès à cette zone en période d'hivernage, a constaté un reporter de l'APS.
En roulant sur le bitume de la Nationale 3, à Oréfondé, une commune du département de Matam, le chauffeur ne savait pas que le voyage pour Kaédi située sur la rive droite du fleuve Sénégal, se fait sur de la latérite.
A peine descendu du goudron, le chauffeur montre son étonnement et sa grande surprise de rouler sur une route pareille. "Je pensais que la route était goudronnée", lance-t-il, tout en hésitant même de poursuivre le chemin, car inquiet de la suite.
Un habitué des lieux explique au chauffeur que c'est de la latérite jusqu'à Gourel Oumar Ly, un village frontalier à la Mauritanie, qui se trouve dans la commune de Dabia, dans le département de Matam.
Après quelques minutes de réflexion, le chauffeur, un expérimenté du volant décide de continuer, tout en appréciant les constructions qu'il juge très belles. "Les gens d'ici sont très courageux. Il faut être fort pour pouvoir sortir d'ici aller à l'extérieur et y réussir. Ce sont des actes salutaires à perpétuer", souligne-t-il.
Sur la route, de l'autre côté, on aperçoit Diorbivol, un village de pêcheur en majorité habité par des Thioubalo, une communauté qui s'adonne aux activités halieutiques, car résidant près du fleuve.
Diowguel et Thiasky sont les deux villages qui se trouvent sur la route. En passant, on voit des écoles, dont des établissements primaires pour la majorité, des postes ou cases de santé. Sur les murs des maisons, on peut lire le nom de l'équipe de football du village ou encore le nom d'un joueur marquant de la saison.
A quelques mètres du village de Thiasky, se trouve celui de Ndiaffane Bélithindy, dans la commune des Agnam. C'est ici que se trouve le poste des Douanes reconnaissable par le bâtiment et le tableau sur lequel est écrit "Halte" et la chaîne servant de barrage.
Il faut s'arrêter pour respecter la règle. Les klaxons du chauffeur n'ont pas fait réagir l'agent préposé à la garde du poste. Un vieux s'approche et nous demande de partir, car aucun agent n'était ce jour présent sur les lieux.
A la sortie du village, se trouvent les cimetières que Ndiaffane Bélithindy partage avec son voisin Ndiaffane Sorokoum, dont le lycée en construction qu'on aperçoit de loin, commence à prendre forme.
Le voyage se poursuit sur une partie de la route du Dandé Mayo Nord dont les travaux de bitumage tardent toujours à démarrer, malgré l'existence d'un fonds dédié à sa construction, de même que l'entreprise en charge des travaux.
Sur le chemin, il faut passer par des ponts très étroits où deux voitures ne peuvent pas passer en même temps.
Pirogues en fer et en bois aux couleurs des deux nations
Sinthiou Boumack, Sylla Worgo, Gababé Peul, Gababé Pêcheur, Dial Peul, Dial Pêcheur se succèdent sur le tracé de cette route. Ici, les bornes d'indication sont faites avec des tableaux en fer, sur lesquelles sont inscrits le nom de chaque village, souvent de manière illisible ou mal écrit.
Arrivé à Dial Peul, deux options s'offrent au voyageur, soit il prend la droite pour ressortir sur Matam ou il se dirige à gauche vers la Mauritanie en passant par Gourel Oumar LY, le village frontalier à la ville de Kaédi. Dans ce village connu également sous le nom de Mollé Walo, de loin, on aperçoit le bâtiment abritant le poste de contrôle frontalier.
De l'autre côté du fleuve Sénégal, c'est Kaédi qui s'offre à l'horizon. Pour traverser la frontière entre les deux pays, il faut répondre à quelques questions des policiers sénégalais, notamment la raison du voyage, le nombre de jours ou d'heures. Ensuite, le voyageur est pris en photo par le policier en service en guise d'enregistrement.
Sur la berge, des vieux sont assis sous une tente. Ils sont chargés d'encaisser l'argent du transport qui se fait à bord d'une pirogue.
Des pirogues en fer et en bois assurent la traversée. Certaines sont peintes aux couleurs du Sénégal, d'autres celles de la Mauritanie. Des passagers descendant d'une pirogue, attendent que des gamins déchargent les bagages.
Des nattes, des valises, des sacs contenant de la marchandise et beaucoup d'autres produits sont posés sur le sable. Pour monter, il faut enlever ses chaussures, marcher sous l'eau et s'appuyer sur quelqu'un pour prendre place.
L'odeur du poisson transporté met mal à l'aise les passagers qui ne sont pas habitués à cette ambiance. A quelques mètres de là, des jeunes, avec leurs filets, cherchent à attraper du poisson. On aperçoit de l'autre côté de la rive la ville de Kaédi.
La traversée dure moins de deux minutes. Le même rituel est observé à la descente. Le même décor également s'offre aux visiteurs. Des vieux en train de réparer des filets endommagés, alors que d'autres se concentrent sur la traversée.
Comme du côté du Sénégal, il faut passer au bureau de l'agent en charge des enregistrements. "Ici aussi comme les mauritaniens qui vont au Sénégal, vous devez payer 2 000 francs CFA et partir avec vos pièces", explique l'agent Diallo.
Les habitants de Gourel Oumar Ly habitués à la traversée informent juste là où ils doivent aller.
Un quartier appelé Tantadji comme à Matam
Comme à Matam, Kaédi a aussi son Tantadji, le nom du quartier qui jouxte le fleuve. Sur la route du marché, des commerces, des ateliers, des boutiques multi-services, dont des opérateurs très connus au Sénégal, bordent la route. Des tas d'ordures et des eaux stagnantes décorent les abords du marché.
A l'intérieur, les cantines sont presque toutes tenues par des maures. Des grands boubous au style local sont visibles dans plusieurs boutiques. Deux jeunes filles s'exprimant en pulaar, l'une des langues les plus parlées dans cette zone, nous demandent ce que nous voulons acheter.
Dans ce marché, le sénégalais doit convertir le franc CFA en Ouguiya, monnaie locale pour acheter des marchandises. Vers 18 heures, certains commerçants commencent à baisser rideau, d'autres nettoient la devanture de leurs boutiques avant de rentrer chez eux.
De retour sur la berge, beaucoup de pirogues étaient déjà immobilisées. "Je ne peux pas faire passer trois personnes avec le tarif normal. Si vous voulez traverser seuls, il faut payer au minimum 2000, sinon vous attendez que la pirogue soit remplie pour qu'elle puisse partir", dit-il.
Dans la pirogue, on retrouve presque les mêmes personnes avec qui nous avions traversé à l'aller.
Sur le chemin du retour, en passant par les villages qui se trouvent sur le tracé de la route du Dandé Mayo Nord, le décor reste le même. Des charrettes transportant des hommes et des femmes partagent la route avec les voitures.
Après Gourel Oumar Ly, près d'une quinzaine de villages longent cette route impraticable jusqu'à Ndouloumadji qui abrite la base de l'entreprise en charge des travaux de ce tronçon.
Il faut passer par Sylla Diongto, Sinthiou Diam Dior, Gaol, Guiraye, Dondou, Aly Woury, Nguidjilone et Sadel, etc., avant de retrouver le goudron, à Ndouloumadji, sur la route nationale 3.