Le conflit armé au Cameroun entre les groupes séparatistes et l'armée est à sa sixième année. Les groupes armés se battent pour la sécession des régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest et pour la création de la République d'Ambazonie. Le gouvernement a rejeté une initiative de paix canadienne en janvier 2023.
Le Cameroun est officiellement bilingue. Cependant, la population minoritaire anglophone se plaint depuis des décennies d'être traitée injustement par l'État dominé par les francophones. Des périodes d'opposition et de résistance se sont succédé, par exemple dans les années 1990. Mais les niveaux de violence actuels sont sans précédent.
L'impact sur la population civile a été dévastateur. En presque six ans de conflit, plus de 6 000 civils ont été tués. Des centaines de villages ont été rasés dans le cadre de la campagne militaire de contre-insurrection. Des centaines de milliers de personnes ont fui la violence. Des chiffres récents font état de 628 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays et de 87 000 réfugiés camerounais au Nigeria, sur une population totale de quelque quatre millions d'habitants dans les régions anglophones.
En nous appuyant sur nos expériences personnelles et nos recherches sur le conflit depuis 2017, nous avons évalué la situation actuelle et les perspectives de résolution en nous basant sur les commentaires des citoyens. La plupart des citoyens proposent un dialogue inclusif et un référendum.
L'impasse actuelle des efforts de paix
Un certain nombre de facteurs entretiennent actuellement le conflit et rendent difficile le rétablissement de la paix.
Le principal obstacle réside dans le désir du gouvernement camerounais d'écraser les séparatistes et de remporter une victoire militaire. Bien que les forces gouvernementales soient mieux équipées et plus nombreuses, il s'agit d'une guérilla menée sur un terrain difficile. De telles guerres sont difficiles à gagner. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de combattre des groupes armés mobiles nourris par des décennies de griefs. Ces griefs sont liés à des politiques d'assimilation politique, sociale et culturelle forcée, de privation économique et de marginalisation.
En outre, une économie de guerre s'est développée. Le personnel militaire, les dirigeants politiques et certains groupes ambazoniens profitent du conflit.
Du côté ambazonien, d'autres facteurs vont également à l'encontre du rétablissement de la paix. En particulier, le mouvement ambazonien est de plus en plus fragmenté politiquement et militairement. La direction politique, basée principalement dans la diaspora, est depuis longtemps divisée entre le Conseil de gouvernement ambazonien et le gouvernement intérimaire. Le gouvernement intérimaire est maintenant fragmenté sous l'égide de dirigeants concurrents.
La déconnexion apparente entre les dirigeants politiques vivant en sécurité dans la diaspora et les souffrances de longue date de la population civile dans les zones de conflit est un autre facteur qui milite contre les pourparlers de paix.
Sur le plan militaire, on assiste à une prolifération des groupes armés rendant ainsi les perspectives de cessez-le-feu plus difficiles.
S'il ne fait aucun doute que des atrocités contre les civils sont commises par les deux parties belligérantes, l'armée en particulier continue d'exercer une violence extrême à l'encontre de la population civile. Les arrestations et détentions arbitraires sont monnaie courante.
Tout cela a conduit à un changement d'état d'esprit palpable parmi les civils locaux se traduisant par une lassitude par rapport à la guerre et un fort désir de résolution du conflit.
La voie à suivre
Parmi les participants à nos recherches issus de Ground Zero - le nom local donné aux zones de conflit - un désir presque unanime a été exprimé pour mettre fin à la violence par un règlement politique. Il est peut-être temps d'écouter ces voix de Ground Zero pour connaître leur point de vue sur la manière de résoudre le conflit.
Un participant à la recherche a résumé succinctement une voie possible :
Le cessez-le-feu est le premier levier qu'il faut activer...[et] tous les détenus politiques doivent être libérés. Après leur libération, il y aura un dialogue et un référendum et le peuple décidera.
L'appel au "dialogue inclusif" est l'élément le plus souvent évoqué dans cette stratégie de paix. Comme l'a noté l'un de nos interlocuteurs : "un dialogue national réel, authentique et inclusif", réunissant les éléments de la diaspora et les voix issues de la base.
Bien que nous ayons constaté, parmi les participants, un soutien à la fois pour la sécession et à une fédération à deux États, il y avait un consensus parmi la population anglophone sur un référendum comme moyen de prise de décision politique.
Bien que les participants à la recherche aient privilégié une approche ascendante facilitant la participation locale aux processus de paix, un rôle de médiation de la part de la communauté internationale est perçu comme important :
S'il n'y a pas d'intervention étrangère, ce sera difficile.
L'ONU et l'Union africaine ont été le plus souvent citées. Au moment de notre étude, l'initiative canadienne n'était pas connue.
Cependant, les parties belligérantes restent campées sur leur refus d'envisager une solution qui remettrait en cause le statu quo (côté gouvernemental) ou qui n'implique pas l'indépendance (côté ambazonien).
Bien que la plupart des factions séparatistes (mais pas toutes) se soient montrées plus disposées à s'engager dans le processus de paix canadien, elles devraient toutes écouter les opinions des civils anglophones qu'elles prétendent représenter et respecter leur désir d'arriver à un accord de paix.
Gordon Crawford, Professor, Coventry University
Maurice Beseng, Teaching Fellow, University of Birmingham