Défenestrée du Mali, expulsée du Burkina Faso et en passe de perdre son paradis nigérien (la perte de l'uranium nigérien conjuguée aux restrictions de gaz décrétées par Moscou depuis le début de la crise ukrainienne ferait de la France un pays du moyen-âge), la France est plus que jamais aux abois, au point que l'exécutif « macronien » en perd son latin, si l'on se réfère à son argumentaire pour se maintenir sur le sol nigérien.
En effet, arguant que les actuelles autorités sont illégitimes (sic), Paris refuse de partir du Niger, en dépit de la dénonciation des accords de défense et de sécurité par lesdites autorités. Pourtant, et dans un passé récent, les pouvoirs malien et burkinabè qui ne sont pas issus d'élections, en ont fait de même sans que le gouvernement français trouve à redire. Ce silence de l'époque se justifiait par le fait que Paris avait négocié une base arrière avec les autorités nigériennes pour continuer à asseoir son imperium militaire et partant économique sur la partie ouest du continent africain.
Avec les bases de Dakar et d'Abidjan la « ceinture de sécurité » restait bien en place, tandis qu'en Afrique Centrale, Ndjamena et Libreville assuraient le job. Si le coup d'Etat nigérien a été qualifié de « trop », c'est en raison du bouleversement géostratégique qu'il entraînait pour les occidentaux, surpris par la montée en puissance de la Russie dans la région. Et, ceux qui prétendent que les Africains quittent ainsi un impérialisme pour un autre, oublient que celui qui se noie est prêt à s'accrocher à un serpent pour sortir la tête de l'eau. Nous n'allons pas refaire l'histoire d'une coopération avec les occidentaux dont les effets tardent à se manifester dans le quotidien des masses populaires, spoliées par l'Occident avec l'aide de dirigeants inconséquents et cupides. Qu'il nous suffise de dire que l'option russe pour peu qu'elle soit abordée avec le patriotisme politique et économique qui conviennent peut nous aider à nous débarrasser de l'aide qui nourrit l'aide pour envisager l'avenir avec plus d'optimisme.
Les mesures de rétorsion (Paris vient de fermer le robinet pour le Burkina Faso) ne devraient pas décourager outre mesure sur cette voie de l'indépendance véritable, car d'autres pays ont connu des atrocités autrement plus redoutables. Dans ce registre, la guerre d'Indochine a révélé toute la cruauté des occidentaux qui n'ont pas hésité à « arroser » les vietnamiens de napalm (une bombe à base d'essence solidifié qui brûle la peau jusqu'aux os) d'abord par les Français en 1951 pour stopper l'avancée des Viêt-Cong puis par les Américains dans les années 70, lorsque la Maison blanche s'est rendue compte que la guerre était en passe d'être perdue. Les deux puissances ont pourtant été vaincues (Dien Bien Phu a été le tombeau des illusions françaises) et les Américains ont fui du Vietnam, en y abandonnant des marines sur le tarmac de l'aéroport de Hanoï.
C'est dire, et ce n'est pas un slogan, que quand le peuple se met debout, l'impérialisme tremble. Le peuple vietnamien s'était mis debout sous la conduite de l'oncle Ho (surnom affectif du leader Ho Chi Min) et du général Giap, le héros éternel du peuple. Après l'intermède de la Révolution d'août, le peuple burkinabè vit aussi une seconde phase de cette lutte d'indépendance véritable, en dépit des manoeuvres sordides de l'impérialisme et des endo colons. Plutôt que de se perdre dans des conjectures sur la violation des règles de l'Etat de droit comme dans l'affaire de la dame de Komsilga qui n'a pas fini de dérouler tout son contenu, il faut s'atteler à la résolution de cette contradiction principale salvatrice pour les générations futures. C'est Sankara lui-même qui avait dit que la Révolution pouvait commettre mille erreurs par jour, mais que l'essentiel était de les corriger pour avancer. Ne lâchons donc pas la proie pour l'ombre, car, les regrets pourraient être éternels.