Afrique: Et si la CEDEAO se disloquait ?

L'institution sous régionale de l'Afrique de l'Ouest, la Cedeao a pris la décision d'utiliser la force militaire au Niger au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires. Une décision qui s'avère suicidaire et risque de précipiter sa dislocation.

La décision de la Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest de mener une guerre contre le Niger pour restaurer la démocratie, semble être la décision qui va précipiter l'organisation sinon dans l'abîme, du moins dans une division qui risque d'entraîner sa disparition pure et simple. Des voix s'élèvent depuis lors des pays membres même, pour rappeler aux chefs d'Etats qui se sont réunis précipitamment que si l'adhésion à l'institution n'a pas nécessité un référendum, en d'autres termes l'accord des peuples, cela ne vaudrait en aucun cas dire que c'était un chèque en blanc donné aux chefs d'Etats ou à un syndicat des chefs d'Etat pour engager les pays n'importe comment.

En dehors du sénat nigérian qui a opposé une fin de non-recevoir, le parlement sénégalais réuni en session extraordinaire le 7 août 2023 a également interpellé le président Macky Sall, lui rappelant qu'une guerre au Niger conduite par la Cedeao « risque de scinder la sous-région en deux parties ; une partie favorable au Niger, une partie contre, et cette guerre ne peut se dérouler sans l'intervention des puissances étrangères et occidentales en particulier, ce qui va renforcer la haine vivace des peuples et des pays de cette sous-région vis-à-vis de l'occident.

Il ne nous coute rien d'inviter nos chefs d'Etats, en particulier le chef de l'Etat du Sénégal à ne pas engager le pays sans l'adhésion du peuple sénégalais et sans l'adhésion de sa représentation nationale à ce qui est en train de se préparer au Niger, » d'après le président de l'Assemblée nationale sénégalais Amadou Mame Diop. Il a également posé la question de savoir si un coup d'Etat avait lieu au Nigéria, la Cedeao oserait-elle y mener une opération militaire, sûrement non, ce qui rendrait l'institution partiale et coupable d'une justice à deux poids deux mesures c'est-à-dire juger deux choses analogues avec partialité, selon des règles différentes .

La crise au Niger aura démontré que la Cedeao, et sans doute tous les autres regroupements régionaux en Afrique, est loin d'être une équipe poursuivant un objectif commun, le bien-être des populations. Elle se révèle être un groupe de chefs d'Etats aux intérêts divers, chacun regardant dans une direction différente et obéissant en sous-main à un maître.

Dislocation ?

Au Nigéria justement, un général à la retraite a adressé une lettre au président Bola Tinubu pour lui rappeler des éléments à considérer avant de prendre une décision pareille. Chief Olabode Ibiyinka George écrit : «...Au Nigeria aujourd'hui, il n'y a pas de nourriture, pas de pouvoir financier pour acheter du carburant, pas de lumière, pas d'argent. Les Nigérians sont bloqués psychologiquement et les gens traversent vraiment beaucoup de choses. Donc, je ne sais pas ce que notre départ en République du Niger avec toute la puissance militaire va accomplir...Cela ne conduira-t-il pas à l'effondrement de la CEDEAO ? Connaît-on vraiment le type de jeu partisan que les puissances occidentales, d'une part, la Russie et la Chine, d'autre part, et certains autres pays africains, jouent en coulisses ? Peut-on vraiment faire confiance à l'un d'eux ?

L'intérêt du Nigeria ne devrait-il pas jouer un rôle majeur avant de prendre toute décision de cette dimension gargantuesque qui peut entraîner des pertes en vies humaines et des destructions de biens ?... Connaît-on l'implication des Russes à cause de l'Uranium au Niger ?...Nous savons tous que les Nigériens, directement ou indirectement, combattent les Français à cause de la politique d'assimilation qui a affecté les pays francophones, contrairement à ce que nous avons dans les pays anglophones, comme le Nigeria...Le Niger est l'un des plus grands pays (frontaliers terrestres) du monde et aussi l'un des plus pauvres. Que gagnons-nous exactement si nous partons en guerre au Niger ? Quoi? Pour que les gens puissent nous louer en tant que défenseur de la démocratie ? Lorsque des gens meurent chez eux, avons-nous besoin de ce genre d'éloges de la part de qui que ce soit ?... Malgré sa richesse en ressources minières, la République du Niger a été maintenue dans la misère par ses dirigeants pendant des décennies.

Plus de 75 % des Nigériens sont pauvres et sans instruction. Au bon moment, s'ils ne veulent pas de Tchiani, ils s'en débarrasseront. Laissons les Nigériens s'occuper de leur pourriture et concentrons-nous sur la façon de sauver notre propre situation chez nous... Dans les relations internationales et la politique, vous regardez d'abord votre intérêt national. Le Burkina Faso et le Mali ont ouvertement déclaré qu'ils soutiendraient le Niger. Peut-on aussi faire confiance au Tchad qui est sous régime militaire depuis avril 2021 ? Sommes-nous sûrs que cette décision d'envahir la République du Niger n'affectera pas la CEDEAO ? ... La Russie a envahi l'Ukraine il y a plus d'un an. Il n'y a toujours pas de fin en vue. Il ne faut pas commencer ce que vous n'allez pas finir, ...La guerre n'est pas une partie de thé. »

Au demeurant, la crise au Niger aura démontré que la Cedeao, et sans doute tous les autres regroupements régionaux en Afrique, est loin d'être une équipe poursuivant un objectif commun, le bien-être des populations. Elle se révèle être un groupe de chefs d'Etats aux intérêts divers, chacun regardant dans une direction différente et obéissant en sous-main à un maître. Et les factions qui se dessinent au grand jour indiquent encore que le spectre de l'unité africaine est bien loin, du moins si l'on devrait compter sur les présidents « démocratiquement élus » et qui prétendent défendre cette démocratie, en violant les droits les plus élémentaires des peuples, à savoir l'accès aux biens et service de base, avec ce qu'ils appellent les sanctions économiques.

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