Ile Maurice: Philip Ah-Chuen, généreux donateur de la Maison familiale rurale depuis 30 ans

Sous le capot, il y a un coeur qui bat. Quand il ne s'occupe pas des berlines, Philip Ah-Chuen, Executive director chez Allied Motors, a la fibre sociale et éducative. Avec fierté, il a fêté les 30 ans d'existence de la fédération des Maisons familiales rurales (MFR) de Maurice et de Rodrigues, la semaine dernière. Philip Ah-Chuen est le président de la fédération, mais surtout l'un de ses principaux mécènes.

«S'il n'y avait pas eu la MFR, je ne sais pas ce que ces enfants seraient devenus», déclare-t-il sans ambages. La MFR a cinq antennes : trois à Maurice, deux à Rodrigues. À Rodrigues, «un bâtiment à l'abandon» sera alloué à la fédération, qui va le transformer, confie le président. À Maurice, la première maison familiale rurale a connu des débuts difficiles. D'abord dans un kiosque au jardin de Pamplemousses, puis à Baie-du-Tombeau. «Il y a eu au moins 12 déménagements avant que je n'arrive», affirme Philip Ah-Chuen. «J'ai été le premier chef d'entreprise à rencontrer, à écouter, et à soutenir jusqu'au bout Raj Jatoo (NdlR, directeur de la MFR)». Le Rotary Club de Grand-Baie a aussi été d'une grande aide à la MFR du Nord.

Désormais, le rêve de la fédération, c'est de trouver des fonds, «au moins Rs 10 millions à Rs 15 millions pour construire des dortoirs pour ces enfants», indique le président. Sans oublier la prise en charge après les heures de cours, pour leur proposer des activités artistiques, comme le théâtre, le slam, etc. Une façon de sortir ces petits d'un quotidien souvent difficile, notamment à cause de la promiscuité. «On voit bien que parfois ces enfants ne veulent pas rentrer chez eux», confie le président de la fédération.

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Qu'est-ce qui a convaincu le chef d'entreprise de soutenir financièrement la MFR au cours de ces trois dernières décennies ? «Qu'est-ce qui allait arriver à ces enfants qui sont majoritairement d'origine créole ?» s'inquiète-t-il. À la MFR, «nous ne disons pas que ces enfants sont des vauriens. Personne ne veut les voir tomber dans des fléaux comme la drogue», affirme le président de la fédération. Reconnaissant, il confie : «Je veux rendre à la société ce que mes professeurs m'ont enseigné. Ils étaient d'origine créole. Ils m'ont transmis des valeurs.»

La MFR, c'est aussi un pansement sur «la faillite du système éducatif», souligne Philip Ah-Chuen. Sans langue de bois, cet entrepreneur qui a réussi affirme : «Mes neveux et nièces sont des lauréats. Ils ont eu un encadrement familial. Mais pensez à ces familles brisées, où un parent est soit en prison soit toxicomane ou dans la prostitution.» Le rôle de la MFR est de valoriser ces enfants marqués par l'échec scolaire. «Ils se sentent à l'aise avec les moniteurs. Nous leur proposons un accompagnement personnalisé.» Si un élève a le goût de la pâtisserie par exemple, c'est vers cette filière qu'il est orienté. «Pour faire de la pâtisserie il faut savoir compter. Un kilo, c'est combien de grammes ? La pâtisserie, c'est aussi maîtriser l'écriture et la lecture, pour comprendre les recettes.»

La MFR, c'est un système d'apprentissage en alternance : une semaine de cours et une semaine de stage en entreprise. Fort de son expérience de chef d'entreprise, Philip Ah-Chuen souligne qu'à la MFR, «il n'y a pas cette compétition qui rend certains jeunes égoïstes. Quand ils sont placés en entreprise, on reconnaît leurs valeurs : la ponctualité, l'esprit d'équipe, la communication. Les jeunes de la MFR sont fiers de porter l'uniforme de l'entreprise. Ils développent un sens d'appartenance que l'on retrouve moins dans le système académique mainstream. La compétition est telle que c'est chacun pour soi. Éna désir paz dan liv pou so kamarad pa kapav aprann».

En 30 ans de soutien financier à la MFR, Philip Ah-Chuen dit avoir «un seul regret. Il n'y a qu'un seul Raj Jatoo. Il est un peu comme l'abbé Pierre». Le président de la MFR à Maurice et Rodrigues se désole de ne pouvoir aménager d'autres antennes de la MFR, «parce que je ne trouve pas de directeur aussi dévoué. Éna dimounn pares. Ils veulent gagner le maximum d'argent en faisant le minimum d'efforts».

Encore une fois, l'expérience du chef d'entreprise lui fait dire que les stagiaires de la MFR «ont envie d'avancer, souvent de créer leur propre entreprise». Il ajoute: «J'embauche un diplômé de l'université. À 15 h 50, il me dit qu'il doit rentrer à la maison. Pourquoi ? Pou al donn léson. Mais si un client vient chez nous à 15 h 50 parce que sa voiture est tombée en passe, je lui dis de rentrer chez lui ? Par contre, les stagiaires de la MFR que j'ai embauchés veulent apprendre, même si académiquement, ils ont eu 5 F ou plus.»

La MFR encourage également la responsabilisation des parents. «Les mères et grands-mères font partie du conseil d'administration.» Philip Ah-Chuen partage ces paroles d'un parent d'élève qui lui a confié : «Zour mo laniverser, mo garson inn kwi enn steak ki zamé mo tinn manzé dan mo lavi.» Il rappelle que dans certains cas, les jeunes inscrits à la MFR, «n'ont pas grand-chose à manger. Nous leur donnons aussi des repas». Au début de la MFR, quand le Corporate Social Responsibility n'existait pas encore, «j'ai puisé de ma poche pour payer les salaires des moniteurs», se souvient Philip Ah-Chuen.

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