La Mauritanie, pays situé en Afrique occidentale, dépend principalement de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche pour son économie, soit environ 19 % du PIB. Bien que le taux de pauvreté soit relativement faible par rapport à certains pays du Sahel, de nombreux Mauritaniens sont confrontés à un accès limité aux services tels que l'accès limité aux marchés et au crédit (0,05%) et à l'assurance, etc. Ce qui entrave la croissance économique et perpétue la pauvreté chronique.
Les fluctuations climatiques et les chocs économiques représentent également des défis majeurs pour le pays, entraînant des niveaux élevés d'insécurité alimentaire et nutritionnelle pendant les périodes difficiles.
Le gouvernement mauritanien a mis en place des initiatives telles que le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) et le Programme spécial d'intervention (PSI). Ces programmes, destinés à créer des filets de sécurité sociale et à lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire, sont soutenus par des organisations internationales.
L'Ukraine, l'un des principaux exportateurs mondiaux de céréales, fait face à une décision controversée de Moscou de mettre fin à l'accord sur les exportations de blé, maïs et huile végétale. Cette mesure pourrait avoir un impact significatif sur l'approvisionnement alimentaire mondial en raison de l'importance des exportations de céréales ukrainiennes sur le marché international. Cette décision risque de perturber le commerce agricole et d'avoir des conséquences importantes sur l'approvisionnement alimentaire mondial.
Mes recherches portent sur la sécurité alimentaire, les marchés agricoles et les stratégies d'adaptation des ménages face aux chocs climatiques. Dans cet article, j'essaie d'expliquer l'impact du retrait de la Russie de l'accord sur les céréales ukrainiennes sur les sécuritaire alimentaire de la Mauritanie.
Une production agricole faible
Malgré une augmentation significative des allocations publiques au secteur agricole, la production agricole ne parvient toujours à couvrir que 30 % des besoins alimentaires du pays. Le soutien financier par le biais de prêts bancaires et de microfinances est insuffisant et difficile à obtenir auprès des institutions financières. Ce qui entraîne une faible productivité agricole et l'incapacité de répondre aux besoins alimentaires de la population rurale en croissance.
De plus, les techniques traditionnelles de production du bétail, principalement basées sur la transhumance, entravent également les progrès agricoles et ne permettent de passer à un élevage semi-intensif moins lié aux chocs de sécheresses qui sont récurrents dans les pays.
Les faibles précipitations et les sécheresses récurrentes ont considérablement réduit la production agricole, entraînant la faim et rendant les ménages pauvres plus vulnérables. La présence de réfugiés fuyant le conflit au Mali dans les zones à forte pression alimentaire a ajouté une contrainte supplémentaire sur les ressources et les systèmes sociaux du pays. Plus récemment, la pandémie de COVID-19 a également eu un impact significatif sur l'augmentation de l'extrême pauvreté dans le pays.
De plus, l'inflation mondiale causée par le conflit russo-ukrainien a aggravé la situation de la sécurité alimentaire dans le pays, en particulier en limitant l'accès et la disponibilité des aliments sur le marché pour les ménages urbains et ruraux pauvres.
Les hausses des prix des produits importés principalement le blé (environ 20 % du blé proviennent de l'Ukraine) ont aggravé la situation en restreignant l'accès aux autres denrées alimentaires, notamment le blé, le sorgho, le mil et le maïs, qui proviennent des pays voisins tels que le Mali.
Pression sur le marché intérieur
Bien que la hausse des prix du bétail ait temporairement contribué à améliorer la situation alimentaire et nutritionnelle de certaines populations, les régions pauvres continuent de faire face à des coûts élevés des denrées alimentaires, maintenant ainsi une situation précaire malgré les bonnes conditions agropastorales de cette année.
Le retrait de la Russie de l'accord portant sur les céréales de l'Ukraine sur La Mauritanie, dont environ 20 % du blé provient de l'Ukraine, aura un impact significatif sur la sécurité alimentaire du pays. Cette décision augmentera la pression sur le marché intérieur et compliquera davantage la distribution. Elle entraînera une hausse des prix des aliments dans les régions intérieures du pays.
Ce phénomène sera particulièrement préoccupant dans les zones où l'insécurité alimentaire est déjà forte et où les besoins sont désespérés. Il s'agit notamment dans les régions de Guidimagha, Tagant, Assaba et Brakna, qui affichent un taux de pauvreté supérieur à 40 % et sont considérées comme les plus vulnérables.
En outre, l'épuisement des stocks familiaux issus de la récolte précédente avant la prochaine accroîtra la dépendance envers les marchés pour se procurer des aliments de base. Cette dépendance accrue rendra encore plus difficile pour les ménages d'accéder à des denrées alimentaires abordables et nutritives.
Par conséquent, la situation conduira à une insécurité alimentaire plus sévère, touchant particulièrement les plus vulnérables qui ne se sont pas encore remis des difficultés antérieures.
Promotion de l'agriculture irriguée
Comme de nombreux autres pays du continent, la Mauritanie s'engage activement dans des initiatives visant à renforcer sa souveraineté alimentaire. L'exploitation du potentiel facilement irrigable dans la vallée du fleuve Sénégal, qui couvre une superficie de 135 000 hectares, pourrait jouer un rôle clé dans le développement du secteur agricole du pays, avec une attention particulière accordée à la culture du riz. De fait, le gouvernement met en oeuvre des efforts pour promouvoir l'irrigation et soutenir cette filière.
Des mesures ciblées et des politiques adaptées sont cruciales pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La création d'activités complémentaires de revenus soulagerait les contraintes financières et stimulerait les investissements agricoles.
Pour diversifier les revenus, il est conseillé de favoriser l'entrepreneuriat rural. Il faut également renforcer les liens entre secteurs agricoles , en remettant en question une focalisation uniquement agricole face à la rareté des terres et au chômage des jeunes.
Dans une étude publiée en 2022, nous avons montré que les ménages impliqués dans des activités non agricoles réduisent significativement la pauvreté, stimulant les investissements agricoles.
Il faut en outre maintenir la consommation en temps de choc. Pour cela, il faut éviter la vente du bétail et favoriser un élevage résilient, soutenu par des assurances climatiques. Ces assurances offriraient des indemnisations pour aider les populations et le cheptel à faire face aux catastrophes climatiques. Elles renforceraient en même temps la résilience nationale. Cela stabiliserait la consommation en crises, exigeant une orientation politique vers la diversification économique, la résilience climatique et la protection des ménages vulnérables.
Economiste, Université de la Réunion