Près de deux semaines après, les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) se retrouvent aujourd'hui, 10 août, à Abuja au Nigeria, à l'effet d'examiner la situation sociopolitique au Niger, consécutive au coup d'Etat qui a renversé le président Mohamed Bazoum.
Que vont-ils décider ? Vont-ils accorder plus de chances à la diplomatie en vue d'un retour à l'ordre constitutionnel ? Où vont-ils sortir l'artillerie lourde pour contraindre les putschistes à lâcher prise ? Autant de questions que tout le monde se pose de Dakar à Lomé en passant par Abidjan, Ouagadougou, Cotonou, etc.
Et ce, d'autant plus que depuis l'expiration de l'ultimatum lancé aux nouveaux maîtres de Niamey, des voix et non des moindres, se sont élevées pour s'opposer à toute intervention militaire. Tant et si bien que la CEDEAO, consciente qu'elle joue son autorité, se retrouve, pour ainsi dire, dans une sorte de quadrature du cercle. Comment trouver le juste milieu pour mettre fin aux coups d'Etat en évitant l'usage de la force qui pourrait plonger toute la sous-région dans le chaos ?
Les tombeurs de Mohamed Bazoum cherchent à avoir l'organisation ouest-africaine à l'usure
C'est la véritable équation à laquelle font face les dirigeants ouest-africains, surtout quand on sait que la junte nigérienne ne leur facilite pas la tâche, allant jusqu'à éconduire pour ne pas dire humilier certains émissaires de la CEDEAO. Ce fut le cas de l'ex-président nigérian, Abdulsalami Abubakar et le Sultan de Sokoto qui, dépêchés à Niamey, y ont fait face à un mépris souverain de la part de la junte. Tant et si bien que de l'aéroport international Diori Hamani où ils avaient atterri, ils ont dû rebrousser chemin.
Et ce n'est pas tout. Car, visiblement fermés à toute négociation et forts du soutien de Ouagadougou et de Bamako, les putschistes nigériens ont refusé de recevoir la délégation tripartite (CEDEAO, UA et Nations unies) qui devrait se rendre le 8 août dernier à Niamey, invoquant des motifs de sécurité. La junte se rend-elle service en adoptant une telle posture ? Ou a-t-elle fait le choix de défier la CEDEAO, ragaillardie qu'elle est par les soutiens qui fusent de part et d'autre ?
A l'évidence, même Assimi Goïta et ses frères d'armes du Mali qui ont ouvert la boîte de pandore, ne s'étaient aussi braqués que le sont les tombeurs de Mohamed Bazoum qui, on l'imagine, cherchent à avoir l'organisation ouest-africaine à l'usure. En tout cas, en dépit des sanctions économiques et financières sous lesquelles elle ployait, la junte malienne n'a jamais fermé la porte du dialogue avec la CEDEAO dont l'émissaire qu'est l'ex-président nigérian, Goodluck Jonathan, se rend régulièrement à Bamako pour un suivi-évaluation de la situation.
Pourquoi en va-t-il autrement au Niger ? Peut-être, sait-on jamais, Abdourahamane Tchiani redoute-t-il que les émissaires de la CEDEAO ne soient des espions déguisés qui viendront déblayer le terrain en vue d'une intervention militaire ?
La CEDEAO gagnerait à prendre des mesures fortes en vue d'une meilleure gouvernance
Il n'a peut-être pas tort, si c'est le cas, même si en raidissant ainsi la nuque, il laisse transparaitre une certaine fébrilité, surtout que l'une des figures emblématiques de la rébellion touarègue, dans une déclaration rendue publique, menace de reprendre les armes pour rétablir le président déchu. Ce qui fait dire à certains que Tchiani, conscient qu'il joue son va-tout, cherche à mieux asseoir son pouvoir avant de saisir la perche à lui tendue par la CEDEAO.
Seulement, le risque est grand qu'il finisse, par ses méthodes cavalières, par exaspérer les dirigeants ouest-africains qui ont fait du rétablissement de l'ordre constitutionnel au Niger, leur baroud d'honneur. Autrement dit, les putschistes nigériens pourraient s'exposer davantage s'ils tirent trop sur la corde. Et s'aliéner encore plus la CEDEAO. Or, nul n'a intérêt à ce que soit déstabilisé le Niger déjà en proie à des incursions meurtrières de groupes armés terroristes de tout acabit.
Cela dit, si elle veut redorer son blason auprès des populations qui la traitent de tous les noms d'oiseaux, la CEDEAO, au cas où elle arriverait à se dépêtrer du bourbier nigérien, gagnerait à prendre des mesures fortes en vue d'une meilleure gouvernance politique et économique au sein de l'espace communautaire. Pour ce faire, elle devrait mettre un point d'honneur à mettre fin au tripatouillage des Constitutions et limiter le nombre de mandats présidentiels à deux. C'est à ce prix qu'elle pourra réaffirmer son autorité et ôter un argument de taille à tous ceux qui l'accusent de se comporter comme un syndicat des chefs d'Etat, toujours prompt à prendre le parti des dictateurs au détriment des peuples.