24 heures après l'ultimatum d'une semaine donnée au Niger, l'on assiste à des réactions d'hostilité. De quoi en rajouter au suspense.
La communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) joue-t-elle gros ?
Le fait est rarissime. Des États membres de la Cedeao se disent prêts à lui déclarer la guerre, si elle maintient sa menace d'intervention militaire contre les putschistes du Niger.
« Toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cedeao, ainsi que l'adoption de mesures de légitime défense comme un soutien aux forces armées et au peuple du Niger », ont prévenu, hier, les pouvoir malien et burkinabé dans un communiqué commun qui parle de « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes ».
Au Burkina Faso et au Mali s'ajoute la Guinée. Les trois pays sont dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d'État. Et le trio, sorte de coalition de résistance, va jusqu'à assimiler à « une déclaration de guerre », toute intervention militaire de la Cedeao au Niger pour rétablir le Président Mohamed Bazoum renversé dans la nuit de mercredi au jeudi 27 juillet.
En effet, le 30 juillet, à l'issue d'un sommet extraordinaire à Abuja, la Cedeao a décidé de donner réalité au « principe de la tolérance Zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement », tel qu'inscrit dans les Protocoles de la Cedeao, de l'Ua et d'autres instruments de coopération.
En plus d'exiger « la restauration de l'ordre constitutionnel en République du Niger », les chefs d'État de la Cedeao ont annoncé « prendre toutes les mesures nécessaires, au cas où les exigences de la Conférence ne seraient pas satisfaites dans un délai d'une semaine, pour assurer le rétablissement de l'ordre constitutionnel en République du Niger ».
« Lesdites mesures, menacent-ils, peuvent inclure l'usage de la force». A cet effet, les Chefs d'état-major de la défense de la Cedeao devraient se réunir « immédiatement ». Si ce n'est pas nouveau, ce n'est pas courant.
De tout temps, la Communauté des États a donné le sentiment de s'accommoder des coups de force avec le temps.
Du coup, la question est sur toutes les lèvres : Et si le Niger n'obéit pas à l'ultimatum d'une semaine lancé par la Cedeao ?
Bien sûr, l'organisation dispose d'une Force en attente de la Cedeao (Fac). Un contingent multidisciplinaire, à la fois composé de militaires, de policiers et de civils issus des États membres. Les 16 pays membres fournissent des hommes aux missions et opérations de soutien à la paix régionale et continentale.
Bien sûr, des avions de guerre et un navire nigérians avaient obligé, le 20 janvier 2017, Yahya Jammeh à accepter de quitter le pouvoir. La gestion de la crise gambienne par la Cedeao a été considérée comme un succès surtout avec zéro mort.
Dans ce cas, la menace seule avait suffi. A Nyamey, il faut craindre qu'on en arrive aux armes. Et alors, il faudra redouter une sorte d'éveil nationaliste ou patriotique que pourrait susciter les militaires pour s'en servir comme un boulier, voire comme chair à canon. Et d'ailleurs, dans le cas du Niger de Mohamed Bazoum, s'agira-t-il juridiquement d'une mission de soutien à la paix ou de maintien de la paix ?
On se désole qu'un pays ait perdu la boussole institutionnelle. Mais en l'état actuel, tout coup d'éclat fera l'affaire du coup d'État. En cela, la Cedeao joue sans doute gros. Gros parce qu'elle engage sa crédibilité. Gros aussi, parce qu'en cas d'échec, cela pourrait encourager d'autres aventures de même nature.
D'ores et déjà, l'une des critiques faites à la l'organisation sous-diagonale par la société civile, tend à lui reprocher de n'avoir pas joué la fermeté contre les précédents coups de force.
Des voix s'élèvent aussi pour demander aux chefs d'État de se préoccuper davantage des préoccupations sociales des Nigériens en ce moment, que du sort du président déchu. D'autres observateurs suggèrent à la Cedeao d'être plus dans la prévention que dans la répression.