Ile Maurice: Rupture

On n'a pas encore vu le programme, mais ils préparent le slogan : Navin Ramgoolam, Premier ministre de la rupture. Rupture avec quoi ou avec qui ?

L'absence d'alternatives crédibles pouvant brasser dans les 21 circonscriptions (n'oublions pas Rodrigues, où Xavier Duval est en campagne) taraude le peuple depuis que s'opère un incroyable mais réel retour de Ramgoolam sur le devant de la scène, alors même que s'effrite, à chaque jour qui passe, le gouvernement autrefois appelé «Lepep».

À bien voir, le meilleur agent du leader des Rouges n'est nul autre que Pravind Jugnauth lui-même. Si le pays devient petit à petit ingouvernable, et anti-démocratique, c'est précisément parce qu'on n'a plus à la barre un timonier capable, susceptible de faire jouer les ressorts de la motivation, de l'autorité ou de la cajolerie, bref, de nous inspirer à agir de concert vers des objectifs communs de développement durable.

A contrario, nous avons cette douloureuse impression d'être embarqués sur un bateau sans direction ni destinée. Des institutions comme la police ou l'ICAC ont perdu leur semblant d'indépendance. Les politiciens au pouvoir sentent, mieux que nous, que le terrain glisse, et ils s'accrochent avec désespoir coûte que coûte, quitte à comploter pour pervertir le cours de la justice. Un peu comme Pravind Jugnauth s'accroche à Maneesh Gobin ou à Yogida Sawmynaden.

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Il nous manque peut-être un Thomas Sankara. Assassiné, il y a un peu plus de 35 ans, l'ancien dirigeant du Burkina Faso (de 1983 à 1987) était une figure, certes révolutionnaire, qui avait su imprimer le leadership nécessaire pour remettre en cause les régimes successifs qui opprimaient le peuple burkinabé. «Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple», criait Sankara, au plus fort de la révolution démocratique populaire au Burkina Faso, une révolution encore mal connue, car souillée par la propagande.

Le peuple burkinabé avait, lui, compris, grâce à Sankara, que le plus important : «C'est d'avoir confiance en soi-même, à comprendre que, finalement, le peuple peut s'asseoir et écrire son développement ; il peut s'asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu'il dé- sire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur.» Que sait-on aujourd'hui de l'assassinat de Sankara, un 15 octobre 1987 ? Pas grand-chose, sauf qu'il dérangeait, démocratiquement, autant ses adversaires politiques locaux que les bailleurs de fonds internationaux.

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Le capitaine Ibrahim Traoré, officiellement président de la transition au Burkina Faso, après un coup d'Etat, dit reprendre le combat de Sankara. «C'est une invite à la jeunesse pour s'approprier les idéaux de la Révolution démocratique et populaire, afin de continuer les luttes engagées depuis le 4 août 1983.»

Certes, Sankara et Traoré ont des points communs (grade militaire, béret rouge, âge lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir : 34 ans). Les deux ont réussi un putsch huit mois après que leur pays a connu un premier coup d'État, relève Jeune Afrique.

Mais en termes d'envergure, Traoré ne pourra jamais égaler Sankara, observent les analystes stratégiques et militaires. L'époque n'est plus la même. «Les deux capitaines ne s'inscrivent pas dans la même veine. Sankara n'était pas qu'un militaire. C'était un vrai leader politique, qui avait une idéologie et une vision précise de la société qu'il voulait mettre en place.» En Russie, Traoré vient d'exposer son manque de culture politique et son immaturité diplomatique en se mettant à dos le reste des dirigeants africains. Il n'y avait que Poutine qui le soutenait. Il est devenu l'homme pont entre le Kremlin et le groupe Wagner dans cette partie névralgique de l'Afrique.

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