Sénégal: [PORTRAIT] Cheikhouna Coundoul, pâtissier - Le magicien des gâteaux fruités

10 Août 2023

C'est l'un des jeunes pâtissiers les plus suivis sur Facebook. Chaque jour, Cheikhouna Coundoul fait saliver ses milliers d'abonnés en postant les photos de ses plus belles réalisations. Ce pâtissier autodidacte veut révolutionner les délices gourmandes locales.

Il vit à fond sa passion. Son atelier est transformé en bureau. À côté des fours et des réfrigérateurs, un petit matelas est visible. « Parfois, c'est ici que je me repose », lance Cheikhouna Coundoul avec un large sourire. Ce jeune homme qui ne donne pas visiblement son âge à cause d'une barbe proéminente ne vit que pour sa pâtisserie. Sur les murs de son atelier, des casiers sont remplis de bouteilles d'arômes, d'ustensiles, de sachets. Bref tous les ingrédients qui doivent composer un bon gâteau.

Des rêves abandonnés

Agé de 31 ans, celui qui rêvait d'être ingénieur a dû abandonner l'école en classe de terminale. À contrecoeur, il a renoncé à une carrière où il pourrait exceller puisque les prérequis étaient déjà en place. « Après les manifestations ayant entrainé l'incendie de l'état civil de Keur Mbaye Fall, en 2012, on avait reconstitué les documents administratifs. Malheureusement, le mien avait été attribué à quelqu'un d'autre. Ces tracasseries ont été à l'origine de l'arrêt de mes études », explique-t-il.

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Né à Keur Mbaye Fall, une bouillante localité de la banlieue dakaroise, sa passion pour les outils numériques ne l'a d'ailleurs jamais quitté. Cheikhouna Coundoul est membre de la Commission Multimédia et Communication de la Jamaahatu Hizbul Lahi Li Khidmatil Khadim. Son condisciple et ami, Mbargou Lô, témoigne que « Cheikhouna Coundoul manie l'appareil photo et excelle aussi dans le montage audiovisuel. D'ailleurs c'est lui qui a réalisé le film "Taarixu Darou Salam Diass" ».

L'entrepreneuriat dans le sang

Après avoir arrêté les études, Cheikhouna s'est lancé dans l'entrepreneuriat. Depuis 2015, il cherche sa voie. Il se rappelle de son premier petit boulot : photocopieur dans une école privée de Keur Mbaye Fall. Vite, il se fait un nom auprès des élèves. Il décide, en outre, de monter en gamme. Parallèlement, il se lance dans la vente de chaussures de fabrication locale communément appelées « dallou Ngaye ». « J'ai commencé avec la somme de 20 000 Fcfa. J'ai acheté trois paires. J'ai pris en photos les chaussures et j'ai mis en story sur mes réseaux sociaux. C'est au fur et à mesure que j'ai eu une large clientèle. Par contre, j'avais constaté que les chaussures de Ngaye durent tellement longtemps que les gens n'en achètent pas souvent. Je me suis dit qu'il vaut mieux faire autre chose », explique-t-il.

Ce chapitre clos, il tente l'expérience de la pâtisserie. Là, il investit dans un four, des moules et du bon chocolat et décide de s'y mettre à fond. L'influence de sa mère a été toujours grandissante dans ses choix. Il dit tenir d'elle de vraies valeurs : respect, travail, rigueur, honnêteté mais aussi l'amour de la cuisine, tout ce qui lui a permis de réussir de belles recettes. Elle l'envoyait très souvent au marché. Cheikhouna Coundoul commence à faire des cupcakes et des barres de cake à la vanille et au chocolat. C'était le début d'une belle aventure.

Sauter le pas

Cheikhouna Coundoul, un pâtissier autodidacte au talent exceptionnel, séduit les papilles de tous avec ses créations uniques à base de fruits locaux rares. Alors qu'il n'a jamais suivi de formation formelle en pâtisserie, Cheikhouna a su exploiter sa passion et sa créativité pour devenir une référence dans le monde culinaire. Aujourd'hui, très sollicité, Cheikhouna parvient à garder beaucoup d'humilité. Ses délicieuses créations suscitent l'admiration et le respect des amateurs de pâtisserie. Il constitue peu à peu une bibliothèque culinaire à travers des fruits rares comme le bouye, le bissap, le corossol, le « ditakh », le jujube, entre autres. Pour lui, rien ne se perd, tout se transforme. Il estime, par ailleurs, qu'il faut valoriser les produits de chez nous. « J'ai vu qu'en Occident, les pâtissiers arrivent à insérer dans la pâtisserie ou sur les glaces tous les fruits qui existent chez eux. J'ai commencé avec la mangue qui est un fruit saisonnier. Après la mangue, c'est le début d'une grande aventure ».

Cheikhouna a découvert sa passion pour la pâtisserie il y a quelques années et a depuis lors consacré chaque moment libre à perfectionner son art. Plutôt que de suivre les sentiers battus, il a décidé d'explorer le monde de la pâtisserie par lui-même, en utilisant des ressources en ligne, notamment YouTube, pour apprendre les techniques et les astuces du métier. Sa détermination et sa curiosité l'ont conduit à maîtriser des compétences que certains mettent des années à acquérir. « Je n'ai fait aucune formation en pâtisserie. J'ai tout appris sur Internet. Je le dis souvent. Internet est le professeur le plus disponible au monde », avance-t-il.

Ce qui distingue Cheikhouna des autres pâtissiers, c'est sa spécialisation dans l'utilisation de fruits locaux rares pour créer des chefs-d'oeuvre culinaires. Grâce à ses connaissances approfondies des variétés de fruits indigènes, il parvient à exploiter leurs saveurs uniques et exotiques pour créer des combinaisons audacieuses et des mariages de goûts inattendus. Chaque bouchée de ses créations transporte les gourmands dans un voyage gustatif inoubliable, mettant en valeur la richesse et la diversité des fruits locaux.

Il repousse les limites

Avec son charisme et sa modestie, Cheikhouna continue d'innover et de repousser les limites de la pâtisserie traditionnelle. Sa quête dans la création des délices uniques à partir des trésors du pays captive les palais et les imaginations. Il est indéniable qu'il est destiné à laisser une empreinte durable sur le monde de la pâtisserie, en mettant en valeur les fruits locaux et en propageant une véritable culture culinaire. Cheikhouna complète le tableau de ses belles boutiques. En même temps, il s'est lancé dans la fabrication de chips pour enfant à base de fruits locaux. Ces créations offrent une alternative plus saine aux snacks trop transformés, trop sucrés ou parfois trop salés. Les chips de mangue ou en anacarde sont parfaites pour la santé.

Mais Cheikhouna ne s'arrête pas là. Animé par une vision plus grande, il nourrit un rêve ambitieux : établir une grande industrie de transformation de produits locaux. Son objectif est de préserver la richesse culturelle du Sénégal en transformant les fruits rares en produits de qualité qui pourront être appréciés au-delà des frontières nationales. Il souhaite également offrir des opportunités économiques aux producteurs locaux, en les aidant à valoriser leurs récoltes et en encourageant le développement durable.

« Je rêve de créer des industries de transformation des produits locaux. Au Sénégal, on ne réalise pas toute la chance que nous avons. Mais on ne peut pas avoir de plus-value tant qu'on ne transforme pas nos produits. Les pays développés ont la chance de transformer chez eux contrairement à nos pays. Je rêve de construire ici une grande industrie ».

Il veut devenir une véritable icône de la pâtisserie locale. Il commence à attirer l'attention des internautes sur son compte Facebook. Sa créativité, son ingéniosité et son désir de partager son savoir-faire peut aider de nombreux jeunes aspirants pâtissiers qui rêvent de suivre leurs passions sans limites.

Le parcours exceptionnel de Cheikhouna prouve que la passion, la détermination et la créativité peuvent repousser tous les obstacles. Son histoire inspirante encourage chacun à poursuivre ses rêves, à exploiter son potentiel et à créer un héritage unique.

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