Afrique de l'Est: Meurtre de Dilan Eléonore à Madagascar en 2017 - La commission rogatoire complétée

Développement de taille dans l'affaire du meurtre de Dilan Eléonore, à Madagascar. Un procès sera intenté devant un juge d'instruction du Tribunal de la première instance contre 11 accusés, dont trois Mauriciens, dans la Grande île. Le père du jeune homme, Elvis Eléonore, qui a mené un combat sans relâche pour que les coupables soient punis, se dit quelque peu soulagé.

La commission rogatoire, tenue le 21 juillet 2023 devant la Master and Registrar, comme l'a expliqué Me Assad Peeroo, l'avocat pro bono de la famille Eléonore, est une mission conférée par un juge malgache à une autorité mauricienne pour procéder à des actes judiciaires en son nom. «Le juge d'instruction, qui détient le pouvoir d'enquêter lui-même, procèdera en toute impartialité avant d'émettre ses conclusions.» Elle mènera donc à un procès pour déterminer les rôles respectifs des 11 accusés. «Elvis Eléonore et moi-même avons eu une rencontre avec l'Attorney General et le ministre des Affaires étrangères, mardi, pour discuter des retombées de la commission rogatoire.» Désormais, le père de Dilan et l'avocat devront attendre qu'une date leur soit communiquée pour la première séance d'audition.

La Master and Registrar communiquera les procès-verbaux de la commission rogatoire au Tribunal de Madagascar. «Une fois les démarches enclenchées, une date sera fixée pour le début du procès. En attendant, on a demandé que le père de la victime se constitue partie civile. Cela lui permettra d'être informé du déroulement de la procédure et d'avoir accès, par l'intermédiaire d'un avocat, au dossier complet de l'affaire.» Me Peeroo prendra contact avec un avocat malgache, qui est affilié à son étude et qui pourra assister et représenter le père en cour.

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Quant à Elvis Eléonore, il remercie le gouvernement et les autorités mauriciennes, dont la Major Crime Investigation Team qui s'est chargée de l'enquête à Maurice. «Ce procès représente, pour moi et pour la famille, la lumière au bout du tunnel. Le combat a duré six ans. J'attends avec impatience qu'il établisse les faits. Je pourrais connaître la vérité et savoir la raison pour laquelle mon fils a perdu la vie.» Le père de Dilan ajoute que même si son fils ne reviendra pas, il pourra enfin reposer en paix. «Pourquoi a-t-on tué ce jeune homme qui était doux et aimable. Il faut que justice soit faite.» Revenant sur ce moment pénible, il confie que dès le début, avec les incohérences sur le certificat de décès et l'insistance d'un proche pour que l'enterrement se fasse au plus vite, il était persuadé que la mort de Dilan n'était pas naturelle. (voir plus loin).

Depuis la mort de son fils, Elvis a perdu son travail. «J'étais déprimé et j'ai eu des traitements. C'était dur de perdre un enfant dans des circonstances inconnues, mais aussi de rester dans le flou pendant tout ce temps. Une fois ce procès clos, j'envisagerai avec mon avocat un procès au civil pour réclamer des dommages», avance l'habitant de Rose-Hill qui a démarré son premier jour de travail, grâce à l'aide de Me Peeroo, hier. «Que justice soit faite !»

Crime maquillé

La conclusion de la toute première autopsie du Dr Satish Boolell était sans équivoque. «The autopsy evidence did not remotely point to a natural death.» Avec la permission d'Elvis Eléonore, il est revenu, dans son livre The Scalpel and the Pen, sur le tragique et obscur décès ainsi que sur les demi-réponses à une Private Notice Question (PNQ).

Dilan, âgé de 22 ans au moment de son décès, était employé sur un bateau de croisière. Le 23 novembre 2017, il s'était rendu à Madagascar pour rendre visite à sa mère. Deux jours plus tard, il était mort. La cause sur le certificat de décès était une «maladie non transmissible 959.8 selon la classification internationale des maladies version 9», comme l'avait révélé Maneesh Gobin dans la PNQ du 25 mai 2018. Xavier-Luc Duval lui avait rappelé que, selon la Classification internationale des maladies, ce code fait référence à des lésions multiples. Par ailleurs, ce jargon médical, selon le Dr Satish Boolell, ne voulait absolument rien dire car cela inclut «a wide spectrum of causes ranging from metabolic diseases to vague trauma», précisant que cette raison serait rejetée dans tout pays civilisé.

Comment un tel certificat médical avec ce code est-il passé à travers les mailles des autorités ? Réponse coutumière à l'Assemblée nationale. «The matter is being looked into.» L'Attorney General ne voulait pas porter préjudice à l'enquête. Quant au rôle du ministère de la Santé, il fallait venir avec une question spécifique. L'Attorney General avait aussi révélé qu'Interpol Port-Louis avait contacté Interpol Antananarivo pour plus de détails, le 2 décembre, et que la police malgache avait dit que le jeune homme était décédé, le 24 novembre, lors d'un accident.

La dépouille, arrivée à Maurice le 26 novembre, avait été inhumée au cimetière de St-Pierre. La demande d'exhumation faite à la cour de Moka, le 21 décembre, avait été accordée, le 4 janvier. Pourtant, l'opération n'avait eu lieu que le 30 janvier, à cause de la météo. Les conclusions du Dr Boolell étaient sans ambiguïté : Dilan avait été agressé par plus d'une personne. Ses blessures aux bras démontraient qu'il avait tenté de se protéger et il avait une lacération à la tête.

Laxisme

Les incohérences ne s'arrêtent pas là. Le certificat de décès avait été signé par un médecin homéopathique, une pratique non reconnue par le Medical Council à Maurice, a rappelé le Dr Satish Boolell. Tous les éléments d'un cover-up semblaient présents. Même avant l'autopsie, la raison officielle de Madagascar avait été rejetée par la famille. Le 1er décembre 2018, Elvis avait fait une déposition au Central Criminal Investigation Department (CCID). Cinq mois après, Maneesh Gobin se disait satisfait de l'enquête. «We are being kept informed of whatever is happening in Madagascar, and we are also being kept informed as to whatever is happening here», avait-il rétorqué lorsque Xavier-Luc Duval lui avait rappelé le temps écoulé depuis le décès, pointant du doigt le laxisme de la police. D'ailleurs, ce n'est qu'à la veille de la PNQ que la police avait demandé un rapport à Elie & Sons, qui s'était occupé de la dépouille plusieurs mois auparavant, et aucune demande de legal mutual assistance ou de commission rogatoire n'avait été faite car les autorités estimaient que c'était prématuré. Le 6 août, trois officiers de la CCID s'étaient rendus à Madagascar pour l'enquête.

Au Parlement, Veda Baloomoody avait demandé à Maneesh Gobin de modifier la loi afin de rendre obligatoire une autopsie à Maurice lorsque le décès d'un compatriote survient à l'étranger. L'Attorney General avait répondu que c'était une bonne suggestion. Depuis, rien n'a été fait. D'ailleurs, le Dr Satish Boolell explique, dans son livre, que cela fait longtemps qu'il demande que l'autorisation d'un magistrat soit obtenue pour toute inhumation relative à un décès survenu à l'étranger. Il raconte aussi comment, après les conclusions de son autopsie, la police l'avait tout de suite informé qu'il serait impossible d'enquêter car le crime n'avait pas été commis à Maurice. Il précise même que l'empressement dont a fait preuve la police pour lui donner cette information lui avait donné l'impression que la décision avait déjà été prise aux Casernes centrales et que l'autopsie avait été demandée pour un simulacre de transparence. Il fustige l'«amorphous carefree attitude» de la police qui n'avait eu aucune réaction et relate que ce n'est qu'après avoir eu plus de promesses que de réponses de la part des autorités qu'Elvis Eléonore avait décidé de contacter Xavier-Luc Duval.

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