L'alliance criminelle millénaire contre les peuples Africains
En 2011, les États-Unis, la France, le Royaume Uni et l'OTAN ont détruit la Libye, installé les jihadistes au pouvoir dans le pays et favorisé le déploiement d'Al Kaeda au Sahel.
A ce jour (août 2023), douze ans après, les Chefs d'États de la CEDEAO et chefs suprêmes des armées des pays membres de cette Institution n'ont pas trouvé un moment pour lancer un ultimatum à AQMI, EIGS et BOKO HARAM !
Mais, en moins d'une semaine, ils ont organisé un sommet de la CEDEAO, décidé un blocus complet du Niger et posé un ultimatum de sept jours aux
autorités de Niamey. Réunis d'urgence, les Chefs des état-majors des armées de pays membres de l'Institution ont affirmé être prêts pour la guerre contre le peuple nigérien pour « rétablir l'ordre constitutionnel » ! Invités par la France à quitter d'urgence le Niger, les Européens présents au Niger ont été évacués par les armées française et italienne.
Le Nigeria a brutalement cessé de fournir l'électricité au peuple nigérien. Ainsi, pour les Chefs d'États de la CEDEAO, la menace vient du mouvement qu'incarnent le peuple et les autorités actuelles du Niger et non pas d'AQMI, EIGS et BOKO HARAM qui n'ont jamais bénéficié de cette attention en dépit de plus de douze ans de crimes de masse sur le territoire de la CEDEAO.
Ces deux constats factuels démontrent clairement que la sécurité qui permet aux populations de vivre, de faire vivre leurs familles et de se projeter dans l'avenir est à l'antipode des préoccupations des Chefs d'États de la CEDEAO.
Ces Présidents « démocratiquement élus » n'entendent pas donner la moindre explication sur cette différence factuelle aux populations de leurs pays respectifs. Ils n'ont de compte à rendre qu'aux capitales des puissances prédatrices de l'Afrique, au FMI et à la Banque mondiale, pas aux populations
des pays qu'ils gouvernent.
Si donc des officiers, sous-officiers et soldats Nigérians, Ivoiriens, Sénégalais et autres, suivant les ordres de leurs hiérarchies, s'engagent à perdre honneur et dignité dans une guerre d'agression décidée par leurs Chefs d'État contre un autre peuple africain, ils doivent les perdre en toute connaissance de cause. Ils s'engagent à faire couler le sang de leurs semblables et à perdre eux-mêmes la vie pour que continue de triompher le système qui a pour fonction de
maintenir les Africains la tête sous l'eau, prisonniers d'une spirale de sous-développement et de pauvreté. Les acteurs de ce système sont connus.
Ce sont la France et les autres puissances impérialistes, leurs instruments de politique étrangère en Afrique -les entités non étatiques politico-religieuses et/ou séparatistes- et les gouvernants Africains soumis et corrompues qui leur servent de contremaîtres placés à la tête d'États africains. Dans le règlement de toute Institution militaire, il existe ce qu'on appelle un « ordre illégitime ».
Ce point relatif à la menace décrite fonde la désobéissance légitime et le non respect de l'ordre reçu. Identifier la menace qui justifie la mobilisation et la décrire sont les toutes premières conditions d'une guerre envisagée.
La compréhension des situations de chaos autour du Sahel et la description précise de la menace réelle à laquelle les peuples Africains sont confrontés sont de nature à aider officiers et sous-officiers Sénégalais, Ivoiriens, Nigérians et autres à décider en conscience : Est-il légitime de faire couler le sang d'un semblable en risquant sa propre vie pour les seuls intérêts de l'alliance criminelle millénaire contre les peuples Africains ?
Dans les circonstances actuelles, la seule mission des forces armées du Nigeria, de Côte d'Ivoire, du Sénégal et autres qui fait sens n'est elle pas justement d'opposer un front commun contre les gouvernants Africains soumis et corrompus, AQMI, EIGS, BOKO HARAM et de déjouer les manoeuvres cyniques
des commanditaires du chaos permanent organisé sur le territoire de la CEDEAO et partout en Afrique ?
La menace à trois têtes
La menacé avérée à laquelle les peuples d'Afrique de l'ouest et tous les peuples Africains sont confrontés est une menace a trois têtes. La première, ce sont les dirigeants africains corrompus et soumis ; la seconde, les puissances impérialistes qui asservissent les Africains depuis près de six siècles ; la troisième et dernière, ce sont les instruments de politique étrangère des mêmes puissances impérialistes, ces organisations non étatiques politico-religieuses et/ou
séparatistes qui ont pour fonction d'entretenir un niveau d'insécurité dissuasif pour toute stratégie de sortie de la spirale de sous-développement.
Depuis 2011, les jihadistes islamistes ont été déployés sur les pays du pourtour sahélien et au-delà. Aujourd'hui, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Kamerun, la Centrafrique, le Tchad, la RD Congo, la Somalie, le Mozambique, le Kenya, l'Uganda (depuis peu) font face, en rangs dispersés, aux branches locales de l'Islam conquérant de notre temps. Franchises locales d'Al Kaeda et Daesh (AQMI Al-Kaeda au Magreb Islamique, EIGS Etat Islamique du Grand Sahara, Boko Haram, Al Shebab, SELEKA, FDA Forces Démocratiques Alliées), Frères Musulmans et autres Légions islamiques sèment la mort et le chaos sans considération des frontières politiques des pays africains. Leur action se conjugue avec celle des « séparatismes » (M23 et autres milices armées en RD Congo
ou Ambazonie au Kamerun, etc). Toutes ces entités non étatiques politico-religieuses sont des instruments de politique étrangère des puissances de l'OTAN en Afrique, ces pays dont la puissance a précisément pour source les veines ouvertes de l'Afrique et des Africains.
L'idée selon laquelle les armées des puissances étrangères présentes au Niger, en Côte d'Ivoire, au Tchad ou
ailleurs en terre africaine ont pour mission de « combattre le terrorisme » est un contresens.
Mère des légions de l'Islam conquérant d'aujourd'hui, Al Kaeda et ses « combattants de la liberté » ont été formés, armés, encadrés puis testés par les États-Unis en Afghanistan.
Il s'agissait alors de « servir son Vietnam » à l'URSS. Depuis lors, mobilisables sur des théâtres d'opération déterminés par leurs commanditaires, les « combattants de la liberté » ont essaimé en de nombreuses régions du monde, dont l'Afrique.
La mission réelle des implantations militaires des puissances impérialistes en Afrique a deux volets. Le premier est de garantir la continuité du système de prédation des ressources par le biais, notamment, de l'édifice du Franc des Colonies Françaises d'Afrique (Franc CFA) naguère au service exclusif de la France et aujourd'hui au service de l'Union Européenne (UE) depuis le passage de témoin du Franc français à l'Euro.
Le deuxième volet est de pérenniser l'influence des puissances qu'elles servent sur l'Afrique.
Cette mission se matérialise par deux constantes. La première, porter au pouvoir des personnages soumis et corrompus, au service des intérêts de leurs maîtres et des leurs propres ; la seconde, assurer la sécurité de leurs protégés installés au pouvoir contre les révoltes inévitables des populations.
Les États-Unis, la France et l'Union Européenne n'ont que faire du respect de la « démocratie » ou d'un quelconque « ordre constitutionnel », pas plus
que le FMI et la Banque Mondiale du développement et de la réduction de la pauvreté en Afrique.
La mission des forces militaires des puissances impérialistes en Afrique s'avère d'autant plus cruciale dans le contexte actuel de guerre des États-Unis contre la Chine, en réalité, de guerre de l'Occident contre le reste du monde. Une des clés principales du déroulé de cette guerre se trouve en effet en Afrique, aux mains des Africains.
Une analyse sans complaisance des situations de chaos
Les Africains sont pauvres et les pays africains sous-développés, affirme le récit Occidental. Mais pauvreté et
sous-développement d'une région du monde ne peuvent pas être découplés des rapports de pouvoir internationaux.
Le chaos délibérément organisé en Afrique vise à maintenir les pays africains prisonniers de la spirale de sousdéveloppement.
Cet état de fait permet à la propagande Occidentale de colporter depuis des décennies l'ineptie condescendante et pleine de mépris d'un Occident bienveillant oeuvrant charitablement au chevet de ces misérables Africains par une prétendue « aide au développement » pour sortir ces malheureux de la barbarie et de la pauvreté.
La vérité est que les solutions aux situations de chaos sécuritaire et de spirale de sous-développement des pays africains sont aux mains des Africains seuls.
Ces solutions doivent partir de l'analyse sans complaisance du vécu des populations. Elles passent par la volonté des peuples africains d'affronter victorieusement les trois têtes de la menace avérée décrite plus haut.
Analyser les situations de chaos dans les pays africains directement touchés par l'action des entités non étatiques politico-religieuses et/ou séparatistes sous le seul prisme sécuritaire est une approche erronée.
Elle conduit les gouvernants des pays directement touchés à préconiser et mettre en oeuvre des solutions qui n'en sont pas, quand elles ne s'avèrent pas contre-productives. Les situations de chaos constatées comportent structurellement trois dimensions.
D'abord, elles prennent racine sur des territoires entiers et leurs populations abandonnés par l'État et ses Institutions. Faire partie de la communauté nationale est un sentiment construit sur la cohésion nationale.
Celle-ci est le résultat de l'action de l'État à cette fin. Il n'est pas raisonnable de penser que le patriotisme triomphe en toutes circonstances au sein de populations assaillies par un cumul d'insécurités, au nombre desquelles l'insécurité alimentaire, comptant des générations de jeunes gens et d'enfants n'ayant pas accès à l'instruction et contraintes de survivre au jour le jour, sans aucun horizon pour se projeter. Le sentiment de ne pas faire partie de la communauté nationale se trouve renforcé par des faits réels de corruption et de détournements de fonds publics qui privent les
agents locaux de l'État (quand il y en a) de tout moyen d'action.
Ensuite, le vide institutionnel créé dans les territoires abandonnés à leur sort est comblé par des entités non étatiques politico-religieuses et/ou séparatistes qui, toutes, sont des entreprises liées à la criminalité économique internationale. La cupidité est le mobile réel de l'action de toutes ces organisations agissant sous l'autorité de sanguinaires « seigneurs de guerre ».
Ce mobile commun fonde la coopération entre les armées des branches africaines de l'Islam conquérant d'une part, et de l'autre les armées des séparatismes illégitimes. La religion et le séparatisme sont des manteaux commodes dont se servent les « seigneurs de guerre » pour masquer le mobile réel de
leur action. Leur mission est d'entretenir l'insécurité à un niveau dissuasif pour tout projet de développement.
Enfin, la dimension internationale, l'ingérence active des puissances étrangères. Celles-ci sont les commanditaires des actions des entités non étatiques qui entretiennent le chaos en Afrique. En d'autres termes, les entités non étatiques séparatistes et politico-religieuses qui sèment la mort et la désolation à travers l'Afrique sont des instruments de politique étrangère des puissances de l'OTAN et des monarchies pétrolières et gazières arabomusulmanes.
Faire front commun face à la menace à trois têtes
Aujourd'hui, les pays africains touchés par les situations de chaos combattent les entités non étatiques par des moyens militaires. Mais les campagnes militaires seules ne peuvent pas être la réponse adéquate, même dans les cas où certaines opérations sont menées de manière concertée par des États prisonniers de la logique du chacun pour soi.
Les fauteurs de chaos n'ont rien à faire des frontières politiques. Il arrive que les pays directement touchés s'appuient sur les missions de l'ONU (MINUSMA, MONUSCO, etc) dont les mandats réels posent question. Il arrive même qu'ils s'appuient sur les puissances dont les entités non étatiques que leurs armées affrontent sont précisément des instruments de politique étrangère en Afrique !
Aucun des pays africains touchés par le chaos organisé ne peut avoir la capacité de vaincre seul un adversaire qui n'a que faire des frontières politiques et qui peut compter sur des commanditaires puissants. La réponse aux situations de chaos décrites par leurs dimensions structurelles doit porter
sur ces trois dimensions en même temps.
Comment pourrait-on procéder ?
D'abord, il est indispensable que soient établie de manière documentée la réalité de terrain sur trois sujets précis.
Le premier est la cupidité comme mobile réel de l'action des sanguinaires « seigneurs de guerre » qui ont tous recours à la religion et/ou au séparatisme comme manteaux pour masquer la nature de leurs entreprises.
Le deuxième porte sur les liens qu'entretiennent ces « seigneurs de guerre » avec les « services » et les Sociétés de mercenaires (PMC) des puissances étrangères ; ces liens désignent les commanditaires de l'action des « seigneurs de guerre » sur le terrain. Le troisième est la corruption et les détournements de fonds publics qui gangrènent la société, du sommet de l'État et ses Institutions aux simples membres de la société.
Ensuite, cette réponse doit s'inscrire dans un mouvement général visant à tourner la page de Berlin 1884-1885. Elle doit s'inscrire dans le processus de reconfiguration de la carte politique de l'Afrique en une poignée d'entités politiques dignes de ce nom, une poignée de Confédérations multinationales d'États souverains liées entre elles par un pacte de solidarité organique inviolable.
Dans cette configuration confédérale, tout pays touché aura une capacité d'action bien plus élevée que toutes les capacités additionnées des pays membres agissant individuellement.
En matière de politique étrangère, la Confédération disposera de leviers diplomatiques et commerciaux solides, donc de
la capacité de mettre en demeure les commanditaires d'assumer leurs responsabilités dans l'action de leurs Instruments de politique étrangère. En matière de sécurité intérieure, elle aura la capacité d'opposer un front uni contre séparatismes illégitimes et jihadismes politico-religieux. Entrepreneuriat politico-religieux et séparatisme illégitime réduits à des problèmes de criminalité intérieure seront traités comme tels, et les irrédentistes poursuivis en
justice en tant que criminels.
Sur les bases de la réalité de terrain et du projet confédéral, la démarche qui conduit à répondre aux situations de chaos décrites par leurs trois dimensions structurelles peut commencer par l'initiative d'un Dialogue Confédéral Inclusif de toutes les forces parties prenantes directes aux situations de chaos : l'État Confédéral et les États membres, les chefs et représentants respectifs de toute entité fautrice de chaos, toutes autres compétences utiles.
Tous les acteurs de décision devront être invités et la sécurité de tous les participants, sans exception, absolument garantie pour la durée du Dialogue Inclusif. La Conférence réunissant tous ces acteurs de décision autour de la table aura deux objectifs :
1 Examiner pendant le temps nécessaire toutes les questions liées à l'insécurité,
2 S'accorder sur les solutions. En particulier : l'organisation de la présence effective de l'État et ses Institutions sur tout le territoire ; un
plan de développement économique et social des territoires avec objectifs précis explicitement définis et financements fléchés ; des entités non étatiques politico-religieuses et séparatistes débarrassées des masques de la religion et du séparatisme dont se servent leurs « chefs de guerre » ; les moyens à mettre en oeuvre en vue d'éradiquer de manière vérifiable la corruption qui gangrène les régimes des pays concernés.
Le positionnement de la CEDEAO, de l'UEMOA, des autorités en particulier de Côte d'Ivoire, du Nigeria et du Sénégal ou de l'ex président nigérien déposé lui-même brandissant un « brevet de bonne gouvernance » signé Antony Blinken (Washington Post 04/08/2023) souligne un fait d'évidence : le parti pris fondamental de ces acteurs pour l'impérialisme et contre les peuples africains. Il souligne du même coup la pertinence de deux objectifs actuels du
mouvement des jeunes générations Africaines en lutte aussi bien sur le continent que dans la diaspora :
1Plus aucune implantation militaire Occidentale en terre africaine ;
2Chasser les élites gouvernantes soumises et corrompues du pouvoir et porter des élites patriotes au pouvoir d'État.
C'est ici l'occasion de s'arrêter sur la question de la légitimité ou non de la conquête du pouvoir d'État par la force. Cette question est liée à celle de la légitimité des détenteurs du pouvoir selon leur statut, civil ou militaire. A l'intention de tous les Africains ayant si peu que ce soit une volonté d'engagement patriotique, toutes les prises du pouvoir d'État par la force ne se valent pas. Le statut civil ou militaire des régimes et gouvernants n'est pas une
garantie a priori de leur disposition à se mettre au service des intérêts de leur pays et donc des populations ou, à l'inverse, des intérêts d'entités étrangères et des leurs propres. Ce qui importe, c'est que la prise du pouvoir d'État remplisse trois conditions :
1 La disposition de ceux qui prennent la tête du projet de se mettre au service des intérêts
de leur pays et des populations.
2 L'implication de toutes les forces individuelles ou collectives organisées ou non,
civiles ou militaires, animées de la volonté d'indépendance et de souveraineté de leur pays. 3/ La conjugaison des
conditions
1 et 2 doit se traduire organisationnellement. « Chaque génération doit trouver sa mission, l'accomplir
ou la trahir » (Frantz Fanon).
ABBO A BEYECK
Économiste, consultant en stratégie, retraité.
Ancien membre dirigeant de l'UPC (Union des Populations du Cameroun).