Sénégal: Kaël, la nostalgie du glorieux passé de l'ancienne « capitale économique » du Baol

Mbacké — Situé au coeur du Baol, dans le département de Mbacké, l'arrondissement de Kaël, jadis réputé pour son commerce florissant, semble avoir aujourd'hui perdu son attractivité, bien que l'agriculture et l'élevage restent toujours deux secteurs clés dans cette localité de la région de Diourbel.

Des bâtiments administratifs vétustes construits du temps des colons et autres lieux de résidence et de commerces abandonnés bordent la route nationale, comme autant de témoignages du passé économique glorieux de cet arrondissement dont la population est composée majoritairement de Peuls.

Natif de Kaël, El'hadji Demba Diallo, le premier adjoint du président de l'Association des chefs de village de la région de Diourbel, garde un souvenir intact de cette période faste. "A l'époque, on avait tout. Le commerce était florissant, la nature verdoyante et le secteur agricole se portait bien aussi", se remémore, nostalgique, l'octogénaire qui revient sur quelques temps forts de l'histoire de Kaël.

Cheikh Yaba Diop, le premier chef de canton de Kaël

Selon El'hadji Demba Diallo, Cheikh Yaba Diop, un proche de Serigne Modou Moustapha Mbacké, fils aîné de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, le fondateur du mourisme, fut le premier chef de canton de Kaël, durant la période coloniale.

"Sur recommandation du fondateur du mouridisme, Cheikh Yaba Diop intégra l'armée. Les colons qui ont par la suite apprécié son engagement et son dévouement le nommèrent chef de canton de Kaël", explique-t-il.

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La diversité de sa population est un autre signe qui témoigne de ce passé florissant de cet arrondissement. "Ici, nous avons des Sérères, des Peuls, des Wolofs, des Soninkés, des Mandingues, entre entres ethnies qui vivent en parfaite harmonie", relève El'hadji Demba Diallo.

A l'en croire, certains des habitants sont des « descendants d'hommes d'affaires et autres travailleurs qui étaient venus tenter leur chance pendant la belle époque". Il confie également que des Libanais et Européens ont pendant plusieurs années, vécu dans la zone. A l'époque, la ville de Mbacké n'existait pas encore, dit-il.

Kaël, victime de l'exode rural

D'après le premier adjoint du président de l'association des chefs de villages de la région de Diourbel, le déclin de Kaël a été précipité par deux facteurs majeurs : le manque d'eau et sa proximité avec la ville de Touba. "Cette pénurie d'eau due à la sécheresse et à l'absence d'ouvrages hydrauliques est à l'origine d'un départ massif d'une grande partie de la population de Kaël vers d'autres contrées, à l'image de la ville sainte de Touba", déclare-t-il.

"Ce n'est qu'en 1980 que Kaël a pu finalement étrenner son premier forage", rappelle l'octogénaire qui dit avoir obtenu son Certificat d'études en 1954, faisant partie de la première promotion de l'école primaire dudit arrondissement.

L'arrondissement de Kaël compte aujourd'hui huit communes avec une occupation de l'espace assez particulière. Il est confronté à un déficit d'infrastructures dont l'existence pourrait contribuer à fixer les populations qui, "de plus en plus vont à Touba, soit pour les opportunités d'affaires ou pour des convictions religieuses", analyse le sous-préfet de Kaël, Mayoni Sarr.

"Sur le plan de la voirie, dit-t-il, Kaël est aujourd'hui l'un des arrondissements les plus lésés », en raison notamment de l'éparpillement des populations, lesquelles sont « composées majoritairement de Peuls ». « Toutefois, des routes sont en cours de construction, à l'initiative de la mairie et en collaboration avec le FERA [Fonds d'entretien routier autonome], au grand profit des producteurs et des populations", rassure-t-il.

Absence d'infrastructures socioéconomiques de base

A Kaël, déclare-t-il, "il y a des zones où l'eau n'est pas propre à la consommation humaine". Selon lui, "les quelques rares forages qui existent sont dans un état vétuste très avancé et ne permettent pas par conséquent de subvenir aux besoins des populations". Aussi appelle-t-il à construire de nouveaux forages, afin de soulager les usagers.

Les postes de santé existants, bien que fonctionnant normalement, restent confrontés à un manque d'effectif, notamment de sages-femmes, déplore-t-il.

S'y ajoute que Kaël est l'un des arrondissements du Sénégal à n'avoir pas été doté de lycée. "Le seul collège d'enseignement moyen qui existe a été construit depuis 2005, mais il ne compte que cinq salles de classe, et ne dispose pas de bloc administratif, encore moins d'électricité."

L'arrondissement est tout aussi dépourvu d'infrastructures sportives dignes de ce nom et de nature à permettre aux jeunes qui ont un potentiel énorme de s'éclore. L'autorité administrative n'en reconnaît pas cependant que des efforts énormes sont en train d'être consentis par l'Etat central, avec notamment des projets et programmes validés, qui seront bientôt déployés dans la zone.

Moyoni Sarr signale qu'il y a deux projets phares que l'État a initiés à Kaël, à travers la construction de deux centrales solaires.

"L'une est déjà en service, c'est la centrale solaire de Kaël qui fournit une grande quantité de kilowatts à la SENELEC qui après fait la répartition au niveau national. Et il y a une autre centrale qu'on a prévu d'installer dans la commune de Darou Salam Typ, pour augmenter la capacité de production de la SENELEC", a-t-il annoncé.

Malgré l'exode rural et le manque d'infrastructures dans certains secteurs stratégiques, l'agriculture et l'élevage continuent d'occuper une place de choix au sein de cet arrondissement.

"Pour le moment, ce sont les seules activités pourvoyeuses d'emplois et de revenus à Kaël, parce qu'on n'a pas d'autres choses à faire", déclare le sous-préfet. Il reste que ces activités sont toujours pratiquées de façon traditionnelle, à travers le nomadisme et l'exploitation intensive des sols. Cela explique la recrudescence des vols de bétail et les faibles rendements liés, entre autres, à l'irrégularité des pluies.

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