Ouganda: Le président Museveni annonce un très ambitieux projet nucléaire

Le président Yoweri Museveni a annoncé cette semaine la construction de deux centrales nucléaires en partenariat avec la Russie et la Corée du Sud. Très peu de détails ont été communiqués mais le chef d'État promet des centrales de 7 000 et 8 400 mégawatts (soit environ 15 000 MWh). Un objectif extrêmement ambitieux pour un pays qui ne possède aucune installation nucléaire.

C'est une nouvelle que Yoweri Museveni voulait absolument faire entendre à ses voisins. Le chef d'État, au pouvoir depuis 1986, a profité d'un sommet sur le café à Kampala pour annoncer à une vingtaine de délégations de pays africains que la Russie et la Corée du Sud allaient construire deux centrales nucléaires, les premières d'Ouganda, pour un total de 15 000 mégawatts (MWe).

15 000 MWe, c'est environ trois fois la capacité de production de la centrale de Gravelines, la plus grande de France, qui plafonne à 6 400 MWe. Pour son entrée dans le nucléaire, l'Ouganda voit grand. Peut-être même trop grand.

Un objectif ambitieux

L'énergie nucléaire est très peu développée sur le continent, avec un seul site en Afrique du Sud. Mais elle connaît un engouement depuis quelques années. Selon un rapport du think tank américain Energy for Growth Hub, l'Ouganda fait partie des cinq pays en voie d'obtenir une centrale d'ici 2030.

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« L'Ouganda a signé un premier accord avec la Russie en 2016 », explique l'auteur du rapport, Jacob Kincer. Depuis, les nouvelles se sont enchaînées, jusqu'à l'acquisition en mai dernier du terrain censé accueillir un premier site. « Le fait qu'ils fassent des annonces sur le nucléaire ne surprend pas, mais les tailles des centrales sont extrêmement surprenantes », ajoute-t-il.

« Des réacteurs de 15 000 MWe en Ouganda, c'est clairement irréaliste », estime-t-il. Ce projet multiplierait par dix la production énergétique du pays. « Qui va payer pour toute cette électricité ?, s'interroge l'expert. Il faut avoir des clients. On ne peut pas multiplier par dix la production et s'attendre à ce que le projet soit économiquement viable. »

Accueil chaleureux en Afrique

Sur le continent, cette nouvelle est bien reçue par les acteurs du développement nucléaire. Selon Lassina Zerbo, ancien Premier ministre du Burkina Faso, qui est maintenant à la tête de la Commission de l'énergie atomique du Rwanda, l'ambition de Yoweri Museveni correspond aux objectifs de développement du pays. « 15 000 MWe, ça parait énorme aujourd'hui, admet-il. Mais c'est une projection que fait le président Museveni. Elle s'inscrit dans sa vision de l'industrialisation et du développement de son pays. »

À ce jour, l'accès à l'électricité est très limité en Ouganda. Seul un habitant sur quatre est connecté au réseau, selon l'Agence internationale de l'énergie. Pour ses 45 millions d'habitants, le pays a une capacité de production de 1 402 MWe, dont seulement 800 MWe sont réellement utilisés.

« Il faut se mettre dans le contexte de l'Afrique », estime Lassina Zerbo. « C'est un continent qui dispose de nombreux atouts pour développer son économie et son industrie, mais qui est limité par un approvisionnement déficitaire en électricité fiable et bon marché. » Selon lui, ce genre de projets est nécessaire pour répondre à la croissance économique et démographique ougandaise.

Des partenaires russes et coréens

Mis à part ses annonces sur la capacité énergétique du projet et ses partenaires, le gouvernement ougandais est resté avare de précision. Contacté par RFI, le ministère de l'Énergie n'a pas donné de réponse.

Les rôles respectifs de la Russie et de la Corée du Sud ne sont pas encore connus. « Je n'ai pas les détails de l'accord, prévient Lassina Zerbo, mais probablement qu'un pays fera une centrale, et l'autre la seconde."

L'accord avec Moscou a été signé à la fin juillet, lors du sommet Russie-Afrique qui s'est tenu à Saint-Pétersbourg. Par l'intermédiaire de la compagnie étatique Rosatom, les Russes construisent actuellement près d'une dizaine de centrales dans le monde. « Pour un pays comme l'Ouganda, l'avantage d'un partenariat avec la Russie est qu'elle prête jusqu'à 95% du financement du projet », explique l'expert du nucléaire Jacob Kincer. « Elle accorde des taux d'intérêt très bas et très compétitifs », ajoute-t-il.

La Corée du Sud construit également des réacteurs, mais n'offre pas ce genre de prêt sur mesure. « Je ne crois pas que l'Ouganda sera en mesure de mettre 20 milliards de dollars sur la table pour financer un réacteur nucléaire, avance l'expert. Je suis curieux de voir quel est le plan de la compagnie coréenne pour ce projet », conclut-il.

Le président Yoweri Museveni n'a donné aucune information concernant le budget ou l'échéancier pour la construction des centrales.

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