En Tunisie, la fondation allemande Ebert Stiftung a publié en mars 2023 une étude sur les jeunes Tunisiens et leur vision de la démocratie. Alors que le taux de chômage a atteint les 40 % en 2023 pour la tranche d'âge des 15-24 ans et que les départs irréguliers en Méditerranée vers l'Europe se multiplient, qu'en est-il de la vision des jeunes Tunisiens ? Beaucoup expriment dans l'étude leurs inquiétudes quant à la dégradation de la situation politique et face aux difficultés croissantes de leurs familles à joindre les deux bouts. Ce désenchantement traduit aussi la fin d'une parenthèse enclenchée il y a douze ans, avec la révolution.
L'enquête, qui s'est déroulée en 2021, a ciblé plus de 1 000 Tunisiens âgés de 16 à 30 ans et ses données ont été comparées avec les résultats d'une autre enquête similaire menée en 2016. L'impact de la pandémie de Covid-19 et les bouleversements politiques ont changé la donne sur cinq ans.
Plus alarmant, le désenchantement politique déjà acté s'est accompagné d'une perte de confiance totale dans les institutions. Près de 80 % des jeunes interrogés s'intéressent peu ou de loin à la politique et la moitié estime que la situation socio-économique en Tunisie s'est beaucoup dégradée.
Le désaveu dans les institutions politiques est aussi lié de manière plus générale à une déception face à leur dysfonctionnement. C'est d'ailleurs sur cette désillusion que se base beaucoup la rhétorique et les actions du président de la République ces deux dernières années : Kaïs Saïed a dissous la plupart des institutions de la révolution et il parle souvent de corriger le processus révolutionnaire.
La fuite comme seule alternative
Comme l'explique l'étude, la majorité des jeunes se mobilisent peu, même dans l'action protestataire propre aux années post-révolution. Enfin, 50 % des interviewés sont dans des situations économiques précaires, ce qui les pousse d'autant plus à vouloir quitter le pays comme seule alternative.
Le continent africain comptait, en 2019, environ 230 millions de jeunes (âgés de 15 à 24 ans). Selon les projections, d'ici 2030, le nombre de jeunes Africains devrait augmenter de 42 %. La Tunisie compte 23 % de jeunes de moins de 15 ans et présente la proportion de personnes âgées la plus élevée du continent (10 %).