La violation des droits humains est manifeste au Sénégal. En conférence de presse hier, vendredi 11 août 2023, des organisations de défense des droits de l'homme, ont dressé un tableau sombre de l'exercice des libertés individuelles et du respect des droits humains au pays de la «Teranga».
L'Etat du Sénégal ne respecte aucun droit humain ou presque. «Sur le respect des libertés publiques, le Sénégal a presque touché le fond. La situation que nous connaissons aujourd'hui, le pays ne l'a jamais connue depuis son indépendance, même du temps du parti unique du président Léopold Sédar Senghor», a constaté le directeur exécutif d'Amnesty international section Sénégal, Seydi Gassama.
Pis, ajoute-t-il, «les autorités, le président de la République en premier, n'ont rien fait pour promouvoir la paix, la démocratie et le respect des droits humains, mais se sont engagés, au contraire, dans des épreuves de force commencées (dès 2013), avec les poursuites contre des leaders du Parti démocratique sénégalais (Pds) et Khalifa Sall».
Pour Seydi Gassama, «ces poursuites fondées sur la corruption et la promotion de la bonne gouvernance ont montré leurs limites parce qu'étant s'électives». Le directeur exécutif d'Amnesty international Sénégal, juge que «le régime a choisi de se mettre en dessus de la loi, en violant toutes les libertés, en empêchant l'accès à leurs sièges à des partis politiques et, pire, prendre des lois pour tout justifier en des troubles à l'ordre public». Seydi Gassama s'exprimait lors d'une rencontre de la société civile avec la presse, pour dénoncer la situation des droits de l'homme au Sénégal.
«UN CLIMAT DE TERREUR, AVEC LA NÉGATION DES DROITS D'UN CÔTÉ́ ET, DE L'AUTRE, LE RAIDISSEMENT DES POSITIONS»
En effet, la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (Raddho), la Ligue Sénégalaise des Droits Humains (Lsdh), Afrika Jom Center, Amnesty International/Sénégal, Article 19/Afrique de l'Ouest et l'Association des Utilisateurs des Tic Asutic) ont tenu une conférence de presse hier, vendredi 11 août 2023, pour déplorer les restrictions à l'exercice des libertés publiques. Selon ces organisations, «l'escalade qui caractérise les relations entre le pouvoir, l'opposition, des activistes et de simples citoyens, a engendré un climat de terreur, avec la négation des droits d'un côté́ et, de l'autre, le raidissement des positions ainsi qu'un fort sentiment contestataire d'une partie de l'opposition et de la société́ civile».
Dans la note lue par le secrétaire général de la Raddho, Sadikh Niass, ces organisations, s'inquiètent «du rétrécissement de l'espace civique à travers de multiples restrictions des libertés publiques, caractérisées par des interdictions répétitives de manifestations, occasionnant par moment des troubles graves». Les organisations de la société civile fustigent aussi les arrestations massives dans les rangs du parti Pastef. «Ces arrestations tous azimuts, souvent en pleine rue, la nuit, sans convocation ou même le week-end, sont assimilables à une traque d'opposants, palissent le visage naguère reluisant de la démocratie sénégalaise», jugent-elles.
Selon toujours ces acteurs de la société civile, «l'Etat du Sénégal, malgré́ ses engagements devant les organes des Traités visant à abandonner la pratique du retour de parquet, sans fondement légal, a contribué́ à la généralisation de la pratique». Elles notent, pour s'en désoler, que, «de plus en plus, les autorités sénégalaises ont recours à des coupures d'Internet justifiées par des menaces et des risques de troubles à l'ordre public».
RECOURS À LA JUSTICE POUR SOLDER DES CONTRADICTIONS POLITIQUES
En outre, les organisations disent constater «que, de plus en plus, les autorités posent des actes dépourvus de fondement juridique qui violent, de manière flagrante, les droits de certains membres de l'opposition et de la société́ civile». A titre d'exemple, elles citent «les barricades de domiciles d'opposants ou de permanences de partis politiques, sans mandat ni décision administrative dûment notifiée».
Le recours à la justice est aussi dénoncé par ces organisations. «Nous constatons que, depuis l'avènement du régime actuel, les contradictions politiques sont de plus en plus soldées par la justice. L'immixtion de la justice dans la politique a contribué́ à l'élimination de certains membres de l'opposition et à l'affaiblissement d'autres dans la compétition électorale. A ce jour, de nombreux Sénégalais croupissent en prison, depuis des mois, pour avoir exprimé́ une opinion sur la gouvernance ou sur le fonctionnement de l'Etat».
Les traitements judiciaires de plusieurs centaines de dossiers d'opposants, poursuivis en justice sur la base de charges identiques, suscitent des interrogations pour bon nombre de Sénégalais. «Tous sont quasiment poursuivis sur la base de charges criminelles, avec des dossiers envoyés en instruction ; ce qui signifie que les prévenus peuvent rester en prison pendant des années. La conséquence directe est un surpeuplement des prisons déjà̀ remplies et le maintien d'une tension constante», ont déploré les organisations.
METTRE FIN AUX ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES... ET LIBÉRER TOUS LES DÉTENUS POLITIQUES ET D'OPINION
Face à de telles menaces sur la démocratie sénégalaise, les organisations de défense de droits humains rappellent l'obligation de préserver les acquis démocratiques qui pèsent sur les autorités. Elles invitent les autorités politiques et judiciaires à inscrire leurs actions dans la stricte légalité́. Ces organisations exhortent aussi les autorités extatiques à mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires d'opposants politiques et d'acteurs de la société́ civile et à libérer tous les détenus politiques et d'opinion.
Par ailleurs, elles demandent à tous les acteurs politiques, le président de la République en premier, de privilégier le dialogue et de bannir la violence, pour un retour au calme et à la sérénité́ dans le pays. Les organisations de la société civile engagent aussi les autorités étatiques à tout mettre en oeuvre pour organiser une élection libre, démocratique, transparente et inclusive, en février 2024.
Les organisations de la société civile invitent les autorités étatiques à créer une Commission d'enquête indépendante et impartiale pour faire la lumière sur la mort de plusieurs dizaines de personnes et la destruction de biens publics et privés, occasionnées par les troubles survenus entre mars 2021 et août 2023. La société civile recommande aux autorités de se conformer aux principes de l'Etat de droit et d'avoir à l'esprit que la liberté́ d'expression est consubstantielle à la démocratie qui est caractérisée par la contradiction.