Les dernières équipes africaines en course dans ce Mondial féminin de football ont toutes été éliminées en huitièmes de finale. Ce qui devrait néanmoins leur assurer une belle prime de 60 000 dollars versée par la Fifa. Pas sûr que toutes les joueuses en voient la couleur, étant donné les atermoiements des différentes fédérations du continent.
Plus aucune équipe africaine au Mondial féminin en Australie et en Nouvelle-Zélande depuis les huitièmes de finale, mais le bilan est positif. Deux sélections, l'Afrique du Sud et le Maroc, ont décroché le premier billet de leur histoire pour les matches à élimination directe après avoir bataillé au sein de groupes où elles étaient loin d'être favorites. Tandis que l'Afrique du Sud, plus habituée à sortir des poules, est parvenue à mettre en danger des nations parmi les meilleures mondiales.
Pourtant, à l'heure du bilan, reste une pointe d'amertume. Si toutes les joueuses du tournoi, et plus particulièrement les Africaines, avaient bénéficié de plus de moyens, le visage montré aurait-il été encore plus beau ? C'est la question (rhétorique) qu'a posée Desiree Ellis, la sélectionneuse de l'Afrique du Sud, après l'élimination des siennes par les Pays-Bas (2-0) : « Les sponsors, je ne sais pas comment vous pouvez ignorer quelque chose de spécial comme ça. Je ne sais pas comment vous pouvez ne pas nous aider à gravir les échelons et à nous améliorer. »
Des propos soutenus par la capitaine des Banyana Banyana, Thembi Kgtalana: « Nous exhortons donc les entreprises à aider. Nous exhortons même le gouvernement à intervenir, à aider et à pousser les entreprises à se joindre à nous. »
On nous doit encore nos primes.
« Les joueuses africaines continuent de gagner moins d'argent par rapport à leurs homologues masculins pour les mêmes 90 minutes de jeu, assène Promise Joshua, chercheuse des droits des femmes dans le sport. En Afrique du Sud, par exemple, l'équipe nationale féminine reçoit environ 338 dollars pour une victoire lors d'un match, alors que les joueurs masculins reçoivent jusqu'à 4 000 dollars. »
Des inégalités profondes et une précarité aggravées par les primes impayées et les salaires non versés, un mal récurrent dans le football africain féminin de sélection. « Pouvez-vous croire que l'on nous doit encore nos primes ? », s'indignait une joueuse de l'équipe nigériane, un peu avant le Mondial.
Une somme de 1 500 dollars qui aurait dû être versée après la Coupe d'Afrique des nations en 2022. Pour cette compétition, la fédération nigériane de foot a annoncé que ses joueuses ne toucheront pas leurs primes de match, ce qui avait poussé les Super Falcons à brandir la menace d'un boycott de la Coupe du monde.
En Afrique du Sud, par exemple, l'équipe nationale féminine reçoit environ 338 dollars pour une victoire, les joueurs masculins jusqu'à 4 000 dollars.
01:01 Les problèmes de salaire dans le foot féminin africain
Car avec un salaire annuel moyen de 14 000 dollars, ces primes sont essentielles pour la plupart des footballeuses professionnelles. Les Zambiennes, elles, ont dû aussi montrer les muscles pour être payées. Quant à la Jamaïque, son équipe a dû monter une cagnotte en ligne pour couvrir les frais de déplacement.
« L'inégalité entre les sexes existe depuis longtemps dans le football africain et le récent conflit salarial au sein de l'équipe féminine nigériane en est la preuve, appuie Promise Joshua. Il est évident que le monde du football, en particulier en Afrique, doit s'atteler efficacement à lutter contre la violation des droits du travail dont les joueuses sont victimes. »
La Fifa prend des engagements... sont-ils suffisants ?
Avant la Coupe du monde, la Fifa s'était engagée à verser une dotation directement aux joueuses : 30 000 dollars minimum par participante, voire plus si leur équipe dépasse les phases de groupes. Après un rétropédalage, ce sont finalement les fédérations qui recevront les primes et qui les distribueront aux joueuses.
Aux yeux de Minky Worden, directrice des initiatives mondiales chez Human Rights Watch, un double problème se pose alors : « C'est une honte pour la Fifa que Gianni Infantino (le président de la Fédération internationale de football, NDLR), qui est si bien payé, ne fasse pas en sorte que les joueuses perçoivent cette petite somme, alors que c'est grâce à elles que ce tournoi existe. Le fait que la Fifa ait dû promettre aux joueuses 30 000 dollars, confirme implicitement qu'elle a reconnu qu'il y a du vol. »
Aussi, au vu des problèmes rencontrés par diverses sélections africaines ces dernières années, rien n'assure que l'argent arrive jusqu'aux poches des joueuses. « La Fifa verse aux équipes nationales environ 1,5 million de dollars par an, mais dans certaines fédérations, cet argent est siphonné avant même qu'il n'arrive à la joueuse », rappelle Minky Worden.
Grâce à leur parcours jusqu'aux huitièmes de finale, les Sud-Africaines sont censées toucher 60 000 dollars chacune. La sélectionneuse a promis qu'elle s'assurerait autant que possible que « les joueuses auront l'argent de la Fifa à travers la fédération ». Selon le syndicat international des footballeurs professionnels (Fifpro), 29% de joueuses n'ont pas reçu d'argent de leurs fédérations pendant les qualifications au Mondial.