Ile Maurice: L'histoire de Nathalie, enceinte, victime de violence conjugale - «Partez avant qu'il ne soit trop tard !»

«Il est arrivé avec un couteau à la main pour me poignarder au ventre»

Les statistiques sont parlantes. En une semaine, soit du 2 au 8 août, la police a été appelée pas moins de 40 fois pour des cas liés à la violence conjugale selon le 32e police bulletin, publication hebdomadaire envoyée aux salles de rédaction. C'est dire que ce fléau est loin de régresser. Pour que les victimes ne sombrent pas dans l'oubli, nous avons approché l'une d'elles...

C'est lors d'un après-midi glacial que Nathalie (prénom d'emprunt) nous rencontre, son ventre bien en vue. Le bonheur d'être à nouveau maman se lit sur son visage, tandis que ses deux enfants rentrent de l'école. «Je vais accoucher à tout moment, mais je ne connais pas encore le sexe de mon bébé», confie cette femme de 32 ans, affichant un sourire discret, tout en partageant son histoire alors qu'elle est prise en charge par l'association Gender Links Mauritius.

Issue d'un foyer où sa mère était la seule à gagner sa vie, avec ses deux soeurs, Nathalie a été contrainte de tirer des leçons de vie dès son plus jeune âge. «Mon père étant alcoolique, ma mère était la seule à travailler. J'ai quitté l'école à 13 ans pour travailler dans des usines, et j'ai attendu mes 18 ans pour m'enfuir de chez moi.» Puis, elle tombe amoureuse d'un homme qu'elle épouse. Le couple loue une maison. Un an plus tard, elle donne naissance à son fils et, après deux ans, le couple a un deuxième enfant, cette fois-ci, une fille.

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Tout semble bien se passer pour Nathalie, jusqu'à ce que son époux sombre dans la drogue, en raison de ses mauvaises fréquentations dit-elle. «Je suis allée vivre chez mes parents, qui m'ont soutenue.» Avec une nouvelle détermination, Nathalie emménage bientôt avec ses enfants dans une maison qu'elle loue dans le nord du pays, tout en travaillant dur pour gérer les dépenses. Au fil du temps, elle rencontre un homme dont elle tombe amoureuse et avec qui elle envisage de refaire sa vie, cette fois-ci de manière définitive.

Cependant, les rêves de Nathalie se transforment rapidement en cauchemar lorsque son compagnon arrête de travailler et commence à se livrer à des abus verbaux : «Il lançait des jurons et des piques envers moi et les enfants, qui étaient effrayés (...) Ensuite, il nous demandait pardon et je lui pardonnais. Sans que je m'en rende compte, les enfants ont été traumatisés, ils se sont enfermés dans leur chambre et attendaient qu'il parte pour se sentir heureux avec moi. Ils ne pouvaient pas étudier à la maison. Ma famille venait me voir mais n'entrait jamais à cause de son comportement.»

Les violences verbales se sont rapidement transformées en violence physique. «Nous avons découvert que j'étais enceinte. Le soir, nous sommes allés à la plage en couple, il avait consommé de l'alcool. Nous avons eu une discussion où il a proféré des paroles irrespectueuses envers mes enfants et je les ai défendus. Furieux, il m'a jetée du scooter, ma tête a heurté le sol. Tout cela m'a blessée, ma tête était cassée, il y avait un caillot de sang, alors qu'il savait que j'étais enceinte», déplore-t-elle en nous montrant ses blessures. Les séquelles sont toujours visibles sur son corps.

Sous le choc mais tiraillée en tant que femme amoureuse, Nathalie s'enferme dans sa chambre pendant deux jours, dans le silence, jusqu'à ce que sa soeur vienne la chercher et découvre ses blessures. Son compagnon est alors contraint de la conduire à l'hôpital. «Ma fille nous demandait de partir, mais je ne pouvais pas (...)»

Les choses tournent mal lorsqu'un jour, le compagnon de Nathalie rentre à la maison avec l'intention de tuer leur futur bébé. «Il est entré en brisant des objets et un couteau à la main pour me poignarder au ventre. Mes enfants ont fui chez les voisins, qui ont appelé la police. Je me suis cachée dans l'armoire jusqu'à ce que la police arrive pour me secourir...»

Avec le soutien de ses amis et de sa famille, Nathalie parvient finalement à contacter l'association Gender Links Mauritius, sous la responsabilité de laquelle elle et ses enfants se retrouvent pour l'instant. «J'ai dû comparaître devant le tribunal à quatre reprises et je n'ai pas obtenu de mesure de protection, car on m'a dit que mon époux n'est pas en contact avec moi, donc cela n'est pas nécessaire. Quelques jours plus tard, il m'a appelée pour me menacer et j'ai contacté la police. Après plusieurs visites au tribunal, j'ai finalement obtenu une mesure de protection.»

Malgré tout, Nathalie se dit toujours déterminée à faire de son mieux pour ses enfants, et envisage de se consacrer entièrement à ses responsabilités de maman. «Mes enfants se sentent bien et vont à l'école. Ma mère vient me rendre visite. Après l'accouchement et la période de congé de maternité, j'ai l'intention de chercher un emploi afin de pouvoir louer une maison. Si l'on aime quelqu'un mais que l'on voit que cela ne fonctionne pas, il vaut mieux partir avant que la violence ne s'aggrave, avant qu'il ne soit trop tard...»

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